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Appel
Date limite de soumission : mardi 31 mars 2020
Ce projet de colloque se veut une sorte d’acte II dont l’objectif est à la fois de prendre acte des changements effectués dans la géographie francophone huit ans après ce premier constat, mais aussi de ses permanences.Il s’agira ainsi de réfléchir à la place, aux apports et à la structuration possible de la géographie francophone sur cette question environnementale. Depuis 2012, le contexte international a changé et avec lui certains des objets d’étude de la géographie liés aux changements globaux dont la crise de la biodiversité et les changements climatiques. À partir de ce constat, les tensions se sont renforcées entre les différentes trajectoires vers des sociétés moins prédatrices sur l’environnement – avec des propositions aussi contrastées que la décroissance ou la modernité écologique – et témoignant d’une « climatisation » d’enjeux transversaux incluant le développement, l’énergie, la sécurité et les migrations (Aykut et al. 2017). La discipline elle-même a changé : les contrastes se sont accentués entre la géographie physique qui a connu une forte implication dans les problématiques biophysiques (en investissant à des degrés divers les questions environnementales dans leur dimension sociale et politique) et la géographie humaine qui les a moins investis. De nouveaux fronts de recherche ont émergé à la fois du côté de la géographie physique – avec l’apparition d’une géographie physique critique venue du monde anglo-saxon (Dufour et Lespez, 2019) – et du côté de la géographie humaine – sur les manières de penser les changements de société (travail sur les concepts et les politiques de transition, d’acceptabilité, d’adaptation, sur les mobilisations environnementales, etc.) (Reghezza-Zitt et Rufat, 2015 ; Labussière et Nadaï, 2018).
Plus largement, les attentes à l’égard de la discipline ont changé. Le répertoire d’action de la puissance publique est confronté à un changement des milieux et à des contestations. Un enjeu pour la géographie, discipline très liée à l’aménagement du territoire, est de suivre les évolutions des principes directeurs de l’aménagement. C’est aussi un enjeu pour elle de se positionner sur ces enjeux : comme pour d’autres sciences sociales, la puissance publique et des acteurs privés la sollicitent pour contribuer aux politiques de transition en participant notamment à un travail d’expertise, dont une partie concerne l’acceptabilité territoriale des projets ou du déploiement de certaines technologies (en témoigne l’émergence de thèses CIFRE financées sur ces sujets), expertise dont on pourra discuter de la pertinence et de la portée. Face à cette demande, la géographie hésite entre participation et posture critique.
Enfin un sentiment d’éco-anxiété est apparu chez les jeunes chercheurs travaillant sur l’environnement dont les géographes, qui ne trouvent pas toujours d’espace de dialogue et d’échange sur ces sujets dans les structures actuelles de la discipline.
L’objectif de ce colloque est donc multiple, il s’agit premièrement de faire un état des lieux épistémologique de la géographie francophone sur les changements globaux. Il s’agit également de dessiner des pistes de réflexions collectives sur ces changements, notamment en interrogeant les apports possibles des courant internationaux (political ecology, resilience alliance, transition studies). Enfin il s’agit de se reconnaitre entre chercheurs travaillant sur ces questions et d’ouvrir une scène où les jeunes chercheurs notamment puissent discuter des trajectoires possibles – à la fois disciplinaires et sociétales – une fois le constat de la crise environnementale fait et partagé.
Ce colloque, organisé par trois jeunes chercheuses en géographie se veut ouvert, à la fois en termes de « classe d’âge » de chercheurs et d’appartenance disciplinaire. Nous proposons les cinq axes de réflexions suivants, mais nous prendrons aussi en compte des propositions qui abordent les défis auxquels est confrontée la géographie environnementale francophone avec des questionnements différents.
Atelier 1. Géographie environnementale francophone et courants internationaux
Cet atelier tentera d’explorer les contributions croisées de la géographie francophone et des communautés épistémiques dominantes du champ anglo-saxon travaillant sur les questions environnementales, sur lesquelles la géographie francophone s’est positionnée plus tardivement. En effet, dans les années 1970, elle ne suit pas la même trajectoire que la political ecology, qui devient progressivement une sous-discipline dominante outre-Atlantique (Chartier et Rodary, 2016 ; Kull et Batterbury, 2017). En France, les études d’écologie politique, souvent jugées trop engagées (Raffestin, 1995), n’apparaissent que très peu reliées à la géographie : elles sont plutôt issues de démarches transdisciplinaires, par exemple autour de la revue Ecologie et Politique (Chartier et Rodary, 2016).
Qu’en est-il aujourd’hui ? Bien des géographes francophones ont mobilisé les développements théoriques des communautés épistémiques internationales dans leurs analyses, en particulier ceux de la justice environnementale (Blanchon, Gardin, Moreau, 2012) et de la political ecology (Gautier et Benjaminsen, 2012 ; Blanchon et Graefe, 2012 ; Gautreau, 2015 ; Magrin, 2016, Arnauld de Sartre et al., 2016), tout en interrogeant les apports croisés de ces champs avec les traditions de géographie francophone (Gautier, Kull, 2015), ou en remettant en cause leur intérêt par rapport à la tradition géographique francophone (Laslaz, 2017 ; Blot).
En revanche, les géographes francophones ont moins investi d’autres communautés épistémiques interdisciplinaires fortement présentes à l’international et qui pourtant explorent les relations hommes/milieux en formulant des propositions de trajectoires vers des sociétés moins prédatrices sur l’environnement. C’est le cas de la résilience alliance, travaillée cependant par Raphaël Mathevet (Mathevet 2014), des sustainability transitions studies (Köhler et al., 2019), et des sustainability sciences (Binder et al., 2013).
Ainsi, cet atelier est destiné à des contributions méthodologiques ou conceptuelles mobilisant ces approches (political ecology, justice environnementale, resilience alliance, sustainability transitions, etc.), et qui s’interrogent sur la manière dont elles peuvent être mises en dialogue avec les traditions françaises de géographie.
Atelier 2. Géographie de l’environnement, géographie physique : vers la fin de la coupure ?
À partir des années 1960, la légitimité des approches biophysiques en géographie est remise en cause au sein d’une discipline qui s’envisage de plus en plus comme humaine et sociale (Guisti, Calvet, Le Cœur, 2015 ; Dufour et Lespez, 2019). La coupure avec la géographie physique s’accentue à partir des années 1970, lorsque la géographie de l’environnement se concentre essentiellement sur les dimensions sociales de l’environnement (Tissier, 1992 ; Calvet et Guisti, 2010). Aujourd’hui, certaines approches tentent de passer outre cette division disciplinaire. On évoquera notamment la critical physical geography qui, depuis les années 2010, analysent les interactions entre enjeux sociaux et processus biophysiques : militant pour garder un contrôle sur les analyses des processus biophysiques, elle analyse avec précision les relations de pouvoir qui se nouent autour des questions environnementales (Dufour et Lespez, 2019).
Cet atelier est destiné à des contributions méthodologiques ou conceptuelles permettant de discuter des tentatives multiples et variées de dépasser les barrières disciplinaires et institutionnelles entre géographie physique et géographie de l’environnement.
Atelier 3. Changements environnementaux et mobilisations
En géographie, les études sur les conflits liés à des problématiques environnementales ne manquent pas (Clarimont, 1998 ; Charlier, 1999 ; Depraz, 2005 ; Labussière, 2009 ; Laslaz, Gauchon, Duval et Héritier, 2015 ; etc.). Cependant, les années 2010 ont enregistré un tournant de la conflictualité liée à l’environnement, avec des mobilisations collectives s’opposant à de grands projets d’aménagement, avec de nouveaux mouvements sociaux fédérés par des grands récits sur la crise environnementale (Extinction Rebellion, ANV-COP21), et avec des propositions porteuses d’un transition locale bénéficiant d’un très fort ancrage spatial (Alternatiba, Transition towns). En outre, les mobilisations lycéennes autour de la grève pour le climat sont le signe des limites d’une rhétorique onusienne fondée sur les droits « générations futures », parce qu’elles portent les revendications d’une jeunesse que les changements globaux affecteront directement, tandis que le mouvement des « gilets jaunes » a contesté le partage des efforts d’atténuation des changements climatiques, et imaginé de nouvelles formes d’action collective en investissant à la fois des espaces centraux et périphériques.
Cet atelier est destiné à des propositions portant sur les terrains, les méthodes et les cadres théoriques permettant d’aborder ce renforcement de la conflictualité sociale liée à l’environnement.
Atelier 4. Quel engagement politique et social du chercheur face aux questions environnementales ?
Même si les géographes francophones ont eu des réticences à aborder politiquement la question écologique (Chartier et Rodary, 2016), nombreux sont ceux qui s’engagent politiquement et socialement sur les questions environnementales à partir de différentes logiques. Des approches militantes fondées sur des perspectives anticapitalistes, sur une écologie radicale, des approches insurrectionnalistes ou bien citoyennistes (Comité invisible, 2007) peuvent se traduire par des participations aux manifestations, aux marches pour le climat, à des groupes politiques de réflexions ou encore à des engagements associatifs au sein d’ONG et d’instances publiques, etc.).
D’autre part, des approches fondées sur des partenariats établis avec des entreprises et avec des institutions publiques – collectivités locales, administration de l’État… – ouvrent la voie vers une co-construction de connaissances et de visions des futurs possibles (travaux du réseau ENGAGE), en explorant les divergences internes aux seins d’organisations dont les intérêts ne sont jamais homogènes (Choquet, 2019). Comment analyser la portée de ce type de partenariats ?
L’engagement recouvre un éventail bien plus large de pratiques, des travaux de vulgarisation des questions environnementales aux pratiques individuelles de consommations, et cet atelier interroge leur mise en cohérence : comment associer les pratiques militantes et les activités de recherche ? Qu’impliquent des démarches de recherche "participatives" de co-construction des savoirs et avec quelles postures éthiques les construit-on ? Quels sont les travers des recherches qui se construisent à partir d’approches militantes ? Cette question de l’engagement des chercheurs se pose également au sein même du champ institutionnel, dans nos rapports aux catégories construites par les instances d’évaluation et institutions nationales et internationales.
Atelier 5. Enseigner la géographie environnementale
Atelier en partenariat avec la revue Feuilles de Géographie
Les maquettes actuelles des licences de géographie intègrent l’enseignement des questions biophysiques et environnementales, mais selon des objectifs et des pratiques disparates. La plupart des universités proposent des modules de Licence en géographie physique (biogéographie, climatologie, géomorphologie, approches par milieux, etc.) et en géographie de l’environnement (étude des risques naturels, des espaces protégés), quand d’autres possèdent des offres de masters en géographie de l’environnement « recherche » ou « pro ». Cependant, dans les manuels du secondaire, l’intégration d’un enseignement sur les changements globaux dans les socles de bases reste limitée (en témoigne une tribune de climatologues en 2018 critiquant l’insuffisante transmission de bases scientifiques sur les changements globaux).,
Comment sont enseignés les changements environnementaux en géographie et avec quelles perspectives théoriques et politiques ? Comment la rhétorique autour de la professionnalisation des étudiants intègre-t-elle les regards réflexifs sur la crise environnementale ? Comment déconstruire les discours médiatiques à forte dimension anxiogène sans relativiser les changements en cours ? Par quels types de pédagogies sensibilise-t-on les étudiants à la géographie environnementale ?
Cet atelier est ouvert à des propositions pédagogiques sur l’enseignement des changements globaux en géographie, et il est ouvert à des enseignants du secondaire.
Modalités de soumission et calendrier
Les propositions de communication, en une page (environ 3 500 signes), devront comporter : un titre, l’approche théorique choisie, les éventuels terrains mobilisés, les méthodes employées, les résultats de recherche, ainsi qu’une proposition de rattachement à un ou ateliers. Des publications collectives sont envisagées à l’issue du colloque.
Les propositions de communication sont à envoyer à geographie-environnement-2020@mailb... avant le 31 mars 2020
Calendrier
31 mars 2020 : date limite de réception des propositions de communication
Début juin 2020 : retour de la décision du comité scientifique
6 novembre 2020 : colloque
Comité d’organisation
Lise DESVALLEES, PASSAGES, Université de Pau et des Pays de l’Adour (UMR 5319)
Annaig OIRY, INSPE, Université Paris-Est Créteil, Laboratoire de Géographie Physique (UMR 8591)
Angélique PALLE, IRSEM (Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire), UMR PRODIG (chercheuse associée)
Colloque
Vendredi 6 novembre 2020 (Campus Condorcet)
Page créée le mercredi 19 février 2020, par Dominique Taurisson-Mouret.