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Appel
Date limite de soumission : samedi 10 janvier 2026
« Plutôt qu’une rencontre ponctuelle et datable, les contacts entre les autochtones et les colons euro-américains invitent à réfléchir sur la longue durée. Ces contacts sont protéiformes : conflictuels, diplomatiques, culturels, religieux ou économiques. L’idée est ici de réfléchir à la nature de ces rencontres, leurs occurrences, la spatialité du phénomène et leurs répercussions, tant du côté des autochtones que du côté des Euro-Américains. Ces expériences de l’Autre transforment les pratiques, génèrent des adaptations et participent à l’évolution des rapports de force qui se jouent en Amérique du Nord. Il faut envisager ces rencontres comme des interactions aux modalités fluides et dont le résultat n’est jamais déterminé à l’avance. C’est en cela qu’elles jouent un rôle déterminant dans la formation des sociétés coloniales nord-américaines.
Pour comprendre ces phénomènes, les travaux récents proposent surtout d’employer à nouveau frais les archives produites par des autochtones, qu’elles soient matérielles ou immatérielles (les écrits autochtones mais aussi les traditions orales et la culture matérielle), tout en présentant de nouvelles méthodes pour étudier les archives coloniales. Lisa Brooks, dans son article du forum « Materials and Methods in Native American and Indigenous Studies », propose ainsi une réinterprétation des cartes coloniales de la Nouvelle Angleterre à travers une connaissance physique du territoire en question et des conversations avec ses habitants, ainsi que par l’étude des toponymes en langue autochtone.
De plus, les rencontres entre les colons euro-américains et les autochtones, tout comme celles entre les autochtones eux-mêmes, doivent être replacées dans le contexte des traditions autochtones, car ces interactions ne sauraient être comprises à travers les seules temporalités ou épistémologies européennes. Il s’agit alors de témoigner de la façon dont les autochtones ont pu contrôler ces interactions durant une période de contact avec les Euro-Américains et de les inscrire dans des pratiques établies au sein de leurs communautés. On pensera par exemple à l’ouvrage de Kathleen Duval, The Native Ground : Indians and Colonists in the Heart of the Continent (2006) qui inscrit les relations entre autochtones et colons euro-américains dans la continuité de la pratique diplomatique des peuples autochtones. L’objectif de cette journée d’étude est d’interroger les récits et autres productions ethnographiques, autochtones et coloniales, pour dépasser une lecture ethnocentrique et mieux comprendre les expériences de rencontre et les tensions culturelles du XVIIe au XIXe siècle.
Dans la lignée du cadre théorique Vast Early America, nous proposons l’exploration de contacts entre Euro-Américains et autochtones de tous bords et invitons ainsi des communications qui s’intéressent notamment aux expériences des hommes, des femmes et des enfants autochtones de cultures diverses, ainsi que de colons euro-américains issus de milieux socio-économiques et culturels variés. Vast Early America nous amène également à définir ici l’Amérique du Nord comme un espace s’étendant du Canada actuel jusqu’au Mexique, et incluant les Caraïbes.
Cette journée d’étude propose trois axes : ethnographique, culturel et spatial, qui visent à guider les communications sans pour autant être exclusifs. La période qui nous concerne s’étendant du XVIIe au XIX siècle, l’objectif est aussi de discuter des évolutions et des transformations qui résultent des contacts entre autochtones et colons.
L’ethnographie a contribué à proposer une vision plus complète de l’expérience autochtone entre le XVIIe et le XIXe siècle et à dépasser une lecture strictement eurocentrique. Cette journée d’étude s’intéresse ainsi aux récits décrivant les sociétés autochtones et leurs rencontres avec les Européens et les Euro-Américains. Une attention particulière sera portée aux voix autochtones traduites, retranscrites ou publiées, qu’il s’agisse d’autobiographies ou de récits missionnaires et de conversion. L’analyse critique des récits coloniaux sera également bienvenue, en particulier quand elle permet de mettre en lumière les tensions entre observation empirique et interprétation idéologique, la circulation des stéréotypes, ou encore les espaces d’échange, de compréhension ou de respect. Dans cette perspective, l’approche ethnohistorique offre des outils précieux pour renouveler l’étude des contacts culturels et replacer les expériences du contact dans une pluralité de regards.
En ce qui concerne les contacts culturels, c’est moins le point de vue des missionnaires et des colons que celui des autochtones qui sera mis en avant. Ces populations ont pu sélectionner certains éléments dans les cultures européennes, souvent dans un objectif de survivance et de meilleure insertion dans une société de plus en plus dominée par les colons euro-américains. Entre le XVIIe et le XIXe siècle, des phénomènes d’emprunts mais aussi d’hybridité peuvent être observés dans l’élaboration des croyances et des pratiques des autochtones au quotidien. Cette adoption d’objets et de pratiques euro-américains n’a pas toujours transformé les cultures autochtones en profondeur, et leurs principes fondamentaux ont perduré, y compris dans les cultures autochtones hybrides. Ces expériences culturelles relèvent tant du religieux que des pratiques agricoles, des échanges commerciaux et des pratiques guerrières et diplomatiques. Les moments de contacts sont des points d’observation féconds pour analyser ces changements culturels et sociaux.
Enfin, ces expériences du contact sont situées et incarnées dans les territoires autochtones, d’où un intérêt particulier porté à la dimension spatiale de la rencontre. Les territoires de la rencontre (comme la région des Grands Lacs ou le grand Ouest américain) sont devenus des terrains de recherches stimulants pour repenser le contact et l’Altérité sur la longue durée. En prenant en considération l’espace comme un élément déterminant de la rencontre, la nouvelle historiographie sur les autochtones a forgé des concepts stimulants comme celui du Middle Ground, proposé par Richard White, et celui de Native Ground présenté par Kathleen DuVal, qu’il s’agit aujourd’hui de discuter et d’interroger. Entre autres thématiques, l’approche spatiale invite à étudier, entre autres, la notion de marges au sein des empires et à intégrer ces contacts dans la plus vaste dynamique des constructions impériales à l’époque moderne et contemporaine. »
Les propositions de communication, en français ou en anglais et d’environ 300 mots, devront être envoyées accompagnées d’un paragraphe biographique à coatsworthr chez gmail.com, donia.menghini chez gmail.com
et maiann.stachnik chez yahoo.com avant le 10 janvier 2026.
Une réponse sera donnée d’ici fin janvier 2026.
Chaque intervention durera vingt minutes et chaque panel sera suivi d’un temps de discussion.
Comité d’organisation et de sélection des propositions
Robert Coatsworth (Sorbonne Université)
Gabrielle Guillerm (Sorbonne Université)
Donia Menghini (Université Paris 8 Vincennes - Saint Denis)
Maïann Stachnik (Sorbonne Université)
Bibliographie indicative
« Forum : Materials and Methods in Native American and Indigenous Studies ». The William and Mary Quarterly, vol. 75, no 2, 2018, p. 207-342.
Blackhawk, Ned. The Rediscovery of America : Native Peoples and the Unmaking of U.S. History. Yale University Press, 2023.
Brooks, Lisa. Our Beloved Kin : A New History of King Philip’s War. Yale University Press, 2018.
Brooks, Lisa. The Common Pot : The Recovery of Native Space in the Northeast. University of Minnesota Press, 2008.
Calloway, Colin G. New Worlds for All : Indians, Europeans, and the Remaking of Early America. Second Edition, Johns Hopkins University Press, 2013.
Delucia, Christine. « Recovering Material Archives in the Native Northeast : Converging Approaches to Traces, Indigeneity, and Settler Colonialism ». Early American Literature, vol. 55, no 2 : Special Issue : Beyond Recovery, 2020, p. 355‑94.
Dubcovsky, Alejandra. Talking Back : Native Women and the Making of the Early South. Yale University Press, 2023.
DuVal, Kathleen. The Native Ground : Indians and Colonists in the Heart of the Continent. University of Pennsylvania Press, 2006.
Fisher, Linford D. The Indian Great Awakening : Religion and the Shaping of Native Cultures in Early America. Oxford University Press, 2012.
Greer, Alla. Property and Dispossession : Natives, Empires and Land in Early Modern North America, 1re éd., Cambridge University Press, 2018.
Havard, Gilles. Empire et métissages : Indiens et Français dans le Pays d’en Haut, 1660-1715, Septentrion, 2003.
Havard Gilles. Histoire des coureurs de bois : Amérique du Nord, 1600-1840, Paris, Les Indes savantes, coll.« Rivages des Xantons », 2016.
Mancall, Peter C., and James H. Merrell, eds. American Encounters : Natives and Newcomers from European Contact to Indian Removal, 1500–1850. Routledge, 2006.
Martin, Joel W., and Mark A. Nicholas, eds. Native Americans, Christianity, and the Reshaping of the American Religious Landscape. University of North Carolina Press, 2010.
Colloque
Vendredi 22 mai 2026 (Maison de la recherche de Sorbonne Université)
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