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Mercredi 5 juin 2019
« Cet ouvrage est un essai sur les relations que les éleveurs nomades entretiennent avec leur environnement chez deux peuples mongols, en Mongolie et en Sibérie du Sud. Il est le fruit de plus de vingt mois d’enquête cumulés sur le terrain entre 2008 et 2019. Grâce à sa connaissance des langues (mongol, bouriate, russe) et à ses séjours prolongés, Charlotte Marchina entraîne le lecteur dans l’intimité et la vie quotidienne des éleveurs. Nomad’s land se concentre sur les aspects spatiaux du pastoralisme nomade, et notamment sur les manières dont les éleveurs envisagent et mettent concrètement en œuvre l’occupation de l’espace, à partager avec des êtres non humains, que ce soient des animaux domestiques, sauvages, ou encore des entités invisibles. En comparant les situations de peuples mongols de part et d’autre de la frontière mongolo-russe, ce livre montre également un continuum culturel mongol malgré l’inscription dans des trajectoires historiques et politiques différentes.
La grande originalité de l’ouvrage réside dans l’abondante cartographie, résultat de données GPS de première main collectées par l’auteur, qui donne à voir les itinéraires de nomadisation des éleveurs et les trajets quotidiens des différents troupeaux sur les pâturages. Les nombreuses cartes, accompagnées d’une analyse fine des données, offrent une meilleure compréhension de toute la complexité des relations en jeu entre les éleveurs, leurs animaux – chevaux, chameaux, bovins, moutons, chèvres et chiens – et leur environnement partagé, ainsi que des manières dont systèmes sociaux et écologiques interagissent entre eux.
En ces temps de changements climatiques extrêmement rapides sur ces terrains, et plus généralement à l’ère de l’« Anthropocène » – concept qui implique que l’homme est devenu une force géologique majeure qui agit sur la terre –, les relations que les humains entretiennent avec leur environnement sont devenues, dans la plupart des endroits du monde, un enjeu écologique, économique, politique et éthique majeur. Dans ce contexte, la grande division entre nature et culture qui caractérise les visions du monde occidentales est lentement en train de s’effondrer.
Loin de vivre « en symbiose » ou en « harmonie » avec leur environnement, comme se plaisent souvent des Occidentaux à s’imaginer ou à présenter les Mongols, ils ne nous donnent pas moins, en se refusant eux-mêmes à toute relation de domination exclusive sur les animaux et les ressources naturelles, l’occasion de réfléchir aux relations que nous-mêmes voulons entretenir aujourd’hui avec notre environnement. »
Charlotte Marchina est anthropologue et maître de conférences à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco, Paris), où elle enseigne la langue et la civilisation mongoles, après avoir été chercheuse invitée à l’International Institute for Asian Studies (Leiden, Pays-Bas). Nomad’s land est une version remaniée d’une partie de la thèse qu’elle a soutenue en 2015 à l’Inalco, thèse récompensée par trois distinctions : le Prix Aguirre-Basualdo en Lettres et Sciences Humaines de la Chancellerie des Universités de Paris ; le Prix de la meilleure thèse de l’Inalco ; la Mention du prix de thèse du Musée du quai Branly-Jacques Chirac.
Page créée le dimanche 5 janvier 2020, par Dominique Taurisson-Mouret.