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Appel à contribution : Savoirs autochtones et développement, n° 83 de la revue Autrepart (<15/02/2015)

Coordination : Mina Kleiche-Dray, chargée de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) - CEPED - IFRIS.

L’adoption du concept de gouvernance environnementale est allée de pair avec celle du concept de développement durable dans les agendas politiques nationaux, dans le but de trouver un équilibre entre progrès économique des sociétés, justice sociale et préservation des ressources naturelles nécessaires à la vie. Dans les pays des Suds, cette adoption s’est traduite par une certaine revalorisation et une requalification croissante des savoirs autochtones. Dans les pays dits de mégadiversité, dont la plupart sont des pays en développement ou émergents, les savoirs sur les ressources naturelles portés par les populations autochtones et/ou locales, qui en tirent leurs ressources principales, sont de plus en plus visibles. Depuis une quinzaine d’années, ces pays, préoccupés jusque-là par la question du transfert technologique, ont commencé à intégrer la protection de l’environnement dans leur agenda politique. Plus récemment encore cette tendance s’est accrue avec le positionnement du changement climatique au centre de l’agenda international. Ces prises de position ont eu lieu dans un contexte de démocratisation politique, qui a fait émerger sur le terrain une diversité d’acteurs dans l’ensemble de la chaîne d’intervention, de la conception à la mise en œuvre et au bilan ou à l’évaluation des projets de développement. Dans ce contexte, semble révolue la période pendant laquelle les projets de développement étaient conçus par les États en coopération avec les grands programmes de développement internationaux, puis mis en œuvre sur le terrain par une série d’agents des gouvernements et par des coopérants étrangers. Cette évolution remet en cause les projets politiques de développement économique et social (essentiellement centrés sur la lutte contre la pauvreté) et de protection de l’environnement établis par l’État en soulevant des questions telles que la biodiversité, le carbone, la préservation de l’environnement, la « biopiraterie » versus la « bioprospection », ou les droits de propriété des populations locales et autochtones.

Se pose alors la question de la participation opérationnelle des savoirs autochtones (et donc des populations qui en sont porteuses, historiquement exclues des projets développementalistes tout au long du xixe siècle) convoqués aujourd’hui par des acteurs multiples/par une diversité d’acteur du développement et à plusieurs niveaux de prise de décision.

Certes, de nombreux accords internationaux, conventions (article 8j de la Convention de la biodiversité en 1992), protocoles internationaux définissent et positionnent le rôle de ces savoirs considérés comme essentiels pour le progrès économique et social et la protection de l’environnement. Les gouvernements nationaux doivent tenir compte de plus en plus des mouvements sociaux et de la société civile, où apparaissent de nouvelles élites porteuses de projets basés sur les savoirs autochtones, – Via Campesina, Centre African de biosécurité – pour lutter contre l’extension rapide de l’agriculture intensive – dont la monoculture des organismes génétiquement modifiés – ou l’élevage extensif, contre les biocarburants, l’accaparement des terres et l’extraction minière, en mettant les savoirs traditionnels au centre de leurs discours et de leurs pratiques, c’est le cas en particulier de plusieurs pays d’Amérique Latine. Ainsi ces nouveaux acteurs valorisent les modes de gestion centralisées des ressources naturelles, la mise en place de banques de semences locales, d’une agriculture sans chimie de synthèse, le développement des marchés locaux. Cependant, ces nouvelles propositions sont aussi source de tensions et de conflits en raison de visions concurrentes qui vont du protectionnisme (conservation) du patrimoine naturel à l’usage rationnel et/ou équilibré des ressources.

Malgré ces dynamiques, il semble que les savoirs autochtones sont aujourd’hui avant tout valorisés dans la reconnaissance identitaire de populations qui avaient été jusque-là laissées en marge du « projet modernisateur » des sociétés en développement (lancement des programmes de patrimonialisation culinaires et vestimentaires de l’Unesco, Indian Traditionnal Knowledge Digital Library, Biblioteca digital de la medicina tradicional Mexicana) et dans leur capacité à préserver les écosystèmes et à en permettre le renouvellement. Les savoirs autochtones apparaissent en quelque sorte comme les gardiens de la biodiversité planétaire.

De nombreux travaux ont analysé ces rapports difficiles entre performance technique et pression sur des écosystèmes fragiles. Ils ont mis en avant, entre autres, la multiplication des confrontations entre les rationalités différentes des acteurs impliqués (individus, groupes ou organisations) pour expliquer les conflits d’usage des ressources naturelles, notamment entre populations locales et entreprises privées, techniciens, scientifiques, agents du gouvernement, organismes internationaux.

Ce dossier entend aller au-delà de la dénonciation et de l’analyse de logiques qui seraient différentes, voire radicalement opposées. L’objectif est de comprendre les dynamiques sociocognitives de l’usage des ressources naturelles, pour questionner le partage qui semble s’opérer entre savoirs autochtones et savoirs pour le développement économique qui reste basé sur le transfert technologique.

Un premier axe de réflexion du dossier pourra être constitué par l’analyse de la recomposition des savoirs autochtones dans les processus de gouvernance environnementale comme configuration politique particulière historiquement située. Quelles sont les modalités pratiques, techniques et cognitives des nouveaux projets alliant développement agricole et protection de l’environnement ? Peut-on les concevoir comme de nouveaux agencements des populations locales considérées désormais comme acteurs de développement ? Un second axe s’intéressera aux reconfigurations des savoirs scientifiques et techniques. Comment peut-on caractériser les savoirs qui sont formés à la croisée des savoirs scientifiques et des savoirs traditionnels, comme l’agroécologie, l’ethnobotanique, ou encore les sciences de l’environnement ? Quelles sont les conséquences de ces reconfigurations, de ces recompositions sur la construction des politiques de développement durable ?

Des mises en présence des savoirs autochtones et des savoirs scientifiques, techniques et experts dans le cadre de conflits, de controverses ou de succès dans la conception, mise en œuvre et réalisation des projets de développement, discutant la notion de gouvernance dans toute sa polysémie sont les bienvenues. Un intérêt particulier sera porté à l’analyse des situations concrètes permettant de comparer plusieurs modèles de dynamiques sociales et d’imaginaires collectifs. Il s’agira ainsi d’interroger les procédures d’usage des ressources naturelles et leurs effets sur le rapport à la nature des différents acteurs impliqués.

Les propositions de contributions pourront porter sur l’un ou l’autre des volets ou les combiner. Elles devront présenter brièvement le sujet abordé et la méthodologie employée. Seront privilégiées les propositions qui associent enquête empirique originale et interprétation théorique.

Les intentions de contributions (titre et résumé ne dépassant pas 1000 signes) doivent être adressées à la revue Autrepart le 15 février 2015 au plus tard

Les articles sélectionnés devront être remis le 30 avril 2015

Les notes de lecture sur le thème du numéro doivent être adressées à la revue Autrepart avant le 30 mai 2015

Revue Autrepart - 19 rue Jacob - 75 006 Paris

Merci d’envoyer vos messages à la revue à : autrepart chez ird.fr avec copie à revue.autrepart chez gmail.com


Page créée le lundi 5 janvier 2015, par Dominique Taurisson-Mouret.


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