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« Partons d’un constat établi dans des exposés précédents. Au milieu des années 2010, les violences djihadistes au Sahel se reconfigurent, le JNIM au centre du Mali et à la frontière Niger/Burkina Faso, Boko Haram à celle du Borno (Nigeria) et du Cameroun et au lac Tchad. Or ces zones se situent en creux dans la carte des djihads du XIXe siècle, aux extrémités des principaux États musulmans où se pratiquait la capture des païens légitimée par le djihad : le califat d’Hamdallahi (Mali) / État d’al-Hâjj Umar et l’immense califat de Sokoto (Nigeria). Il en résulte que dans ces foyers jihadistes actuels, les distinctions statutaires maîtres/esclaves priment sur l’ethnicité au Mali (De Bruijn et Van Dijk 2005) comme au Cameroun (Séhou 2021).
Pour comprendre cette spécificité, il faut prendre en compte le tournant épistémologique des années 2000. D’une part en 2006 est articulée la critique de l’invisibilisation de l’islam par l’anthropologie (Launay, Saul) ainsi que le rôle des interprètes musulmans (Dulucq) négligé par la déconstruction de l’ethnie des années 1980. D’autre part émerge l’identification d’une « ethnographie-raciologie musulmane » fondée sur la jurisprudence malikite (fiqh) (Hunwick 1999 ; Hall 2011). Dans le corpus de consultations ou fatwas qui la constitue, le statut religieux – musulman libre versus esclave présumé « païen » – prévaut sur l’ethnie.
Mais cette méconnaissance remonte à un changement de perspective inverse celui des années 1930. D’un même geste l’ethnographie universitaire naissante à travers la mission Dakar-Djibouti situe l’Islam « hors d’Afrique » et valorise les autochtones en les mettant « hors du temps » (Fabian 2006/1983), au Mali et au Cameroun dans les espaces mêmes des violences djihadistes actuelles. S’acheva alors la « saison orientaliste » des érudits coloniaux et les connivences entre les deux ethnographies, la musulmane et l’occidentale, que nous tenterons de mettre en regard.
Enfin nous comparerons le bref « moment factionnaliste » qu’ont connu les deux épicentres des mouvements djihadistes autour de 2020 – au Nigeria avec la mort de Abubakar Shekau en 2019 le successeur du fondateur de Boko Haram (Foucher 2024) – et les guerres de succession à la mort des fondateurs des États musulmans. Cette comparaison permettra d’aborder les notions proches : segmentarité et « guerre des frères ». »
Références
Foucher, Vincent, “Boko Haram : Mapping an Evolving Armed Constellation,” MEAC,
UNIDIR, Geneva, 2024
Lovejoy, Paul, A. Jihad in West Africa in the Age of Revolution 1785-1850, Ohio University Press, 2016.
Schmitz, Jean « Jihâd, soufis et salafistes ou les flux et reflux de l’émancipation islamique (XVII-XXe siècle) », in J. Schmitz, A. W. Ould Cheikh &, C. Jourde, (dir.), Le Sahel musulman entre soufisme et salafisme, Karthala-IISMM, 2022 pp. 31-77.
Séance présentée dans le cadre du séminaire d’Anthropologie comparative du Sahel occidental musulman (dir. Pietro Fornasetti (associé IMAF), Ismaël Moya (CNRS-Ecole Polytechnique, LESC)J
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