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Appel à communication pour les doctorants : Les usages du sol : conflit, concertation, conservation : 7e journées des doctorants du Laboratoire population environnement développement (LPED, Marseille, 26-27/03/2014))

Les usages du sol : conflit, concertation, conservation : 7e journées des doctorants du Laboratoire population environnement développement (LPED)

Le sol peut être appréhendé comme un carrefour, défini par ses fonctions naturelles au sein de l’écosystème ainsi que par ses fonctions en relation avec les activités socio-économiques et fait à ce titre l’objet d’usages, de mesures et de représentations divergentes. Les impacts des actions humaines sur les milieux posent le problème de la mesure des dynamiques et des trajectoires des écosystèmes, qui font l’objet d’observations, de modélisations et d’expérimentation. Les types d’empreintes anthropiques sur les sols se transforment et évoluent différemment selon les contextes des types d’ancrage et les choix de développement. Ces choix et arbitrages peuvent engendrer des conflits d’usages, qui questionnent les articulations entre intérêt circonstancié et intérêt général. Ceux-ci sont débattus au sein des processus de concertation et des dispositifs d’expertise scientifique à l’occasion desquelles sont mobilisées des classifications et des reconnaissances d’espèces, qui requalifient tout autant les pratiques que les entités naturelles.

I. Les Journées des doctorants du Laboratoire Population Environnement Développement (LPED) : une manifestation pluridisciplinaire

Les Journées des doctorants du LPED relèvent d’un double objectif : d’une part, organiser un colloque dont les doctorants sont les principaux acteurs et, d’autre part, favoriser l’échange de savoirs en construction. Elles offrent la possibilité à de jeunes chercheurs de présenter leurs travaux devant un auditoire scientifique constitué de leurs pairs doctorants, de chercheurs et d’enseignants-chercheurs, et de s’initier à un aspect central du métier de la recherche, à savoir celui de la diffusion et de la valorisation des travaux et des résultats scientifiques.

Le LPED étant un laboratoire pluridisciplinaire composé de chercheurs dont les travaux relèvent aussi bien du domaine des sciences de la nature que des sciences humaines, ces Journées s’inscrivent dans cette réflexion pluridisciplinaire visant à favoriser les échanges de connaissances entre personnes issues de domaines et de cultures scientifiques différentes. Ces 7e journées des doctorants s’adressent aux jeunes chercheurs menant des thèses dans les domaines des sciences naturelles, humaines et sociales et qui souhaitent partager et faire connaître leur recherche tout en s’ouvrant à d’autres disciplines. La pratique scientifique s’insère dans un contexte historique, économique, social, culturel et politique qui l’influence1 et qu’elle alimente à son tour par des concepts et des notions qu’elle élabore. La définition des enjeux et des approches scientifiques élaborés dans des contextes différents constitue un élément de décentrement du regard.

Ce colloque est ouvert aussi bien aux doctorants du LPED qu’aux doctorants d’autres laboratoires, notamment en provenance de l’international. Bénéficiant d’un rattachement à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ainsi qu’à Aix-Marseille Université (AMU), le LPED est un lieu privilégié d’élaboration de programmes de recherche aussi bien sur le territoire national que dans les pays émergents et en voie de développement.

Les six précédentes journées des doctorants du LPED, initiées en 2006, ont donné lieu à des réflexions articulant des problématiques environnementales et sociétales. Elles ont convergé à propos des thématiques de la santé, de la ville, de l’environnement, du développement, des crises puis de la fragmentation. Ces manifestations se sont déroulées sur deux jours, grâce à une quinzaine d’interventions de doctorants et de chercheurs confirmés devant un auditoire rassemblant jusqu’à 70 personnes. Pour cette 7e édition des Journées des doctorants du LPED, il est proposé de questionner les « usages du sol », par le prisme des notions de conflit, de concertation et de conservation.

II. Les usages du sol

Le sol est rarement traité comme tel, car cette notion appartient plutôt au sens commun, et ne constitue pas un concept scientifique proprement dit. Elle est abordée différemment en fonction des approches disciplinaires : la pédologie l’appréhende à partir de sa formation et son évolution, l’agronomie comme support de l’alimentation, à partir de sa fertilité et de son potentiel, l’écologie comme habitat et un des éléments des écosystèmes, la géographie comme territoire, le droit ou l’économie comme un bien foncier. Le sol peut être aussi une composante du milieu, ou avoir un sens plus affectif, en renvoyant au sol natal, au terroir ou encore au patrimoine.

Le sol peut être appréhendé comme un « carrefour multifonctionnel »[2], défini d’un côté par ses fonctions naturelles (le sol étant un support pour les êtres vivants, habitat à biodiversité très élevée, régulateur des échanges et des flux écosystémiques, réservoir et lieu de transformation des matières minérales et organiques, système épurateur de substances toxiques) ; et, de l’autre, par ses fonctions en rapport avec l’homme (le sol étant le lieu de la production agricole, pastorale et forestière, un endroit de stockage de matières premières et de déchets, un élément constitutif du paysage, un miroir de l’histoire des civilisations et des cultures). Ajoutons qu’il est aussi le lieu de l’aménagement urbain. Le sol peut être étudié à plusieurs niveaux spatio-temporels : notamment l’échelle ponctuelle (dans laquelle sont mis en évidence le régime hydrique, la pédogenèse, les relations sols-plantes, etc.), l’échelle du bassin-versant (qui intègre aux mesures de l’échelle précédente les actions humaines liées à l’utilisation du territoire) et l’échelle des zones biogéographiques (s’intéressant aux grands équilibres entre microclimat, sol et végétation, qui aboutissent à la formation des biomes, ou ensemble d’écosystèmes caractéristique)[3].

Qu’il soit considéré comme habitat pour la biodiversité, espace de production, support de rente et est investi par des représentations scientifique et symbolique, le sol est l’enjeu d’activités sociales diversifiées. Ces activités varient en fonction des contextes socio-culturels et se caractérisent également par leur type d’ancrage, qu’il soit éphémère ou durable. Les usages sociaux du sol peuvent être entre autres productifs, récréatifs, culturels, scientifiques, et comprennent par exemple des actions de conservation, d’appropriation et d’occupation, qui impliquent des entreprises de sélection, de légitimation, de désignation, de valorisation ou encore de stigmatisation des sols, des pratiques et des usagers.

La mise en visibilité des phénomènes combinés de croissance démographique mondiale, d’urbanisation, de raréfaction des terres arables et des ressources naturelles, ainsi que les phénomènes de pollutions, a contribué à questionner le modèle économique de développement. A ce titre, les années 1970 ont été le théâtre de mouvements et de revendications sociales qui ont propulsé, depuis la base, les questions environnementales au-devant de la scène, avec pour effets de les introduire dans le champ politique. Les enjeux environnementaux contemporains sont définis par les acteurs scientifiques, politiques et militants, en lien avec les transformations matérielles, physiques et biologiques de l’état des sols (perte de biodiversité, érosion côtière, déforestation, étalement urbain, etc.). En s’institutionnalisant, ces politiques publiques, portant notamment sur la gestion et la protection de l’environnement, ont perdu de leur portée critique en se normalisant dans la diffusion et l’internationalisation des principes du développement durable[4], qui s’inscrivent dans une démarche gestionnaire et prospective[5]. Dans ce cadre, l’action publique internationale s’engage notamment dans un discours de « lutte » contre le changement climatique[6] et la désertification[7].

Les usages du sol peuvent être éclairés par l’analyse de stratégies sociales individuelles ou collectives, de planifications institutionnelles tout autant que par des mesures concernant les trajectoires des écosystèmes face au développement urbain[8], par les impacts des usages humains sur les sols, ou par les interactions entre espèces animales et végétales, ainsi qu’entre micro-organismes (telles que la compétition, la coopération ou la prédation). Des analyses quantitatives, qualitatives, diachroniques et longitudinales sont nécessaires pour estimer et comprendre les dynamiques entre phénomènes naturels et sociaux ainsi que les écarts d’interprétation dont ils peuvent être objets.

Quelles sont les dynamiques de distribution et de développement des espèces et quelles sont leurs interactions, que ce soit dans des milieux fortement anthropisés comme un espace agricole ou une ville, ou dans des milieux moins marqués par la présence humaine ? Comment les qualités écologiques d’un site peuvent-ils agir sur la valeur foncière d’un sol et par ailleurs modifier les usages et les pratiques ? Comment les dégradations environnementales redéfinissent-elles les représentations et usages communs liés à l’occupation, l’utilisation et la propriété des sols ? En quoi l’artificialisation des sols participe-t-elle d’une redéfinition des conceptions et des indicateurs de l’écologie scientifique[9] ? Quelles sont les capacités d’innovation et les marges de manœuvre des acteurs face à ces nouvelles donnes et normes environnementales ?

III. Présentation des axes thématiques des JDD

Axe Thématique 1 : Conflit et usages des sols

Les conflits liés aux usages des sols peuvent être appréhendés en tenant en compte de la nature du lien social et de l’agencement des pouvoirs et de la répartition des formes de capital économique, symbolique et social[10], au sein d’une société ou d’un groupe donné. Ces conflits d’usages sont également fonction des besoins, de la disponibilité et de la qualité de la ressource du sol, qui est souvent délimitée juridiquement en matière de territoire, envisagé dans ses rapports avec les groupes humains. Les dispositifs d’aménagements territoriaux résultent de ces interactions entre acteurs qui poursuivent des stratégies distinctes, pouvant entrer en compétition tant dans la qualification des sols, que dans leurs répartitions en termes fonciers. La dimension foncière envisage le sol comme un bien délimitable, une ressource exploitable et imposable, faisant l’objet d’échanges et d’accaparements au titre de propriété. Le sol est donc régi par les activités socioéconomiques et traversé par les dynamiques des êtres vivants (animaux et végétaux) qui y trouvent de quoi se nourrir.

Les conflits renvoient aux valeurs culturelles, aux représentations sociales (formes de connaissance de sens commun constituant des modèles de pensée de de conduite, qui produisent du sens dans l’expérience vécue[11]) et aux priorités défendues par les acteurs et questionnent les articulations entre intérêt circonstancié et intérêt général. Or ces valeurs culturelles et identitaires vis-à-vis des sols peuvent être mouvantes et se transformer par exemple dans le sens de nouvelles fonctions territoriales (touristiques, récréatives, environnementales, etc.) au détriment d’usages considérés comme désuets, discréditant d’anciennes pratiques. Le mouvement de « retour à la nature »[12] des classes moyennes urbaines illustre cette tension entre les usages d’un monde paysan se transformant[13] et par exemple le passage de la forêt agricole à la forêt de loisir. Les variations des définitions de cet intérêt général et les mécanismes de défense déployés pour faire valoir la légitimité de certains usages du sol sont au cœur de ce questionnement sur les conflits.

Les compétitions et prédations entre espèces végétales ou animales, la lutte menée contre les ravageurs[14], les parasites ou les espèces exotiques envahissantes dites invasives[15] (notamment celle pour limiter et contrôler l’expansion de certaines espèces dans les parcs nationaux français, telle que la griffe de sorcière (Carpobrotus) sans l’île de Porquerolles[16]). Cette lutte est présente au sein de la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), la lutte contre les espèces exotiques envahissantes est considérée comme l’une des plus grandes menaces pour la biodiversité. En France, elle correspond à un des engagements du Grenelle de l’Environnement[17]. Les conflits entre pratiques paysannes et scientifiques ou gestionnaires dans le choix et les modalités de domestication des espèces sont autant d’objets de conflits liés au sol[18]. Les dynamiques de développement urbain et de maintien de la faune et de la flore locale sont par exemple des motifs de désaccords opposant des acteurs aux intérêts contradictoires (telles que les problématiques liées à la résilience des écosystèmes face à la "surfréquentation" des espaces naturels[19], notamment celles liées aux habitudes de reproduction des espèces face à l’inclusion des forêts périurbaines dans le tissu urbain et à la fréquentation croissante de ces espaces[20]). Or il ne s’agit plus uniquement de collectifs composés d’humains face à leurs institutions, mais de collectifs assemblant humains et être non-humains[21] qui sont impliqués et reconsidérés par les recherches aux intersections entre sciences sociales, humaines et naturelles[22].

Quels enjeux, intérêts et représentations les conflits d’usages des sols révèlent-ils ou masquent-ils ? En quoi peuvent-ils cristalliser ou catalyser des changements ou des ruptures significatives ? En quoi la thématisation croissante de l’environnement transforme-t-elle les conflits d’aménagement et comment fait-elle apparaître de nouveaux acteurs ? Comment les conflits d’usages des sols sont-ils répartis et régulés au sein de pouvoirs à géométrie déconcentrée ou centralisée ? Comment les espèces et les écosystèmes menacés et invasifs sont-ils défendus et combattus par leurs porte-paroles ? En quoi l’intervention humaine peut-elle favoriser ou non l’extinction ou le développement d’une espèce[23] ?

Axe Thématique 2 : Concertation et usages des sols

La concertation renvoie à une modalité de construction d’une prise de décision et à une tentative de conciliation des positions. En tant que dispositif institutionnalisé de l’action publique, la concertation est considérée comme un mode de « gouvernance »[24] renvoyant aux idées de transparence, de répartition plus juste des pouvoirs et des compétences, de constitution d’un intérêt collectif, voire de démocratie participative[25]. Il se caractérise en principe par davantage de dialogues entre les acteurs et a été défini selon un principe de négociation et de co-construction de la décision, qui varie en fonction du niveau de cadrage de la concertation[26]. La concertation peut être pratiquée à différents niveaux : au sein d’un même service territorial, entre partenaires publics et privés, ou encore à l’égard des administrés. Celle-ci peut être impulsée par le haut ou bien sollicitée par la base. Les usages des sols peut être investit par le débat collectif avec des initiatives telles celui du développement d’un écotourisme ou d’un « tourisme durable ». La signature d’une charte, la co-construction de l’offre touristique respectueuse des milieux et du patrimoine et le partage des bénéfices avec retombées économiques pour les acteurs du territoire sont entre autres les principes avancés par ce mode de concertation.

Or de tels projets de type écotouristique peuvent servir de faire-valoir aux directives foncières et aux politiques publiques au risque toutefois de réorganiser les rapports des hommes avec leurs territoires et notamment de les déposséder de leurs identités[27] à travers la recherche de l’« authenticité », de la typicité par la patrimonialisation des usages du sol. Ces concertations se déploient dans des cadres prédéfinis qui ne permettent pas aux populations concernées de s’emparer des enjeux du débat[28]. Les manifestations révèlent des rapports sociaux conflictuels et des appropriations individuelles d’enjeux collectifs (comme c’est le cas avec l’élaboration d’un Plan local d’urbanisme (PLU), en tant que document réglementant l’occupation et les fonctions du sol en France). Dans quelle mesure la concertation dans le cadre des politiques territoriales peut-elle se montrer innovante en intégrant notamment les pratiques et les savoirs traditionnels ?

A titre d’exemple, le conflit social autour du projet français de l’implantation de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, dans le département de la Loire-Atlantique, a poussé les autorités à initier une démarche de concertation : en lançant une enquête publique ainsi que la création de commissions (commission de dialogue, commission agricole et commission d’experts environnementaux). Les arguments avancés par les contestataires ont concerné les nuisances qui pourraient être provoquées par le réaménagement proposé, en contestant l’évaluation des impacts environnementaux et agricoles du projet ou encore la méthode de compensation pour les zones humides. À ce sujet a été mandatée la commission d’experts mentionnée plus haut, constituée de chercheurs et universitaires[29], afin d’« apporter la validation scientifique » de cette méthode de compensation, en faisant l’évaluation des fonctions biogéochimiques, hydrologiques et biologiques et les enjeux sociaux et écosystémiques associés aux zones humides[30]. S’agirait-il d’un glissement des modalités d’expression sociale du conflit vers l’institutionnalisation de celui-ci par la concertation, dans le but de le désamorcer ? Ou, à l’inverse, la concertation permettrait-elle une reconfiguration ou une redéfinition des normes institutionnelles par le bas, via la redistribution du jeu d’acteurs ?

Dans le cas de concertations visant l’aménagement territorial, certaines espèces naturelles peuvent être mobilisées dans le but de protéger un espace ou d’empêcher un projet de développement urbain. Ainsi, l’espèce naturelle concernée peut acquérir à l’occasion du processus de concertation et des dispositifs d’expertise scientifique déployés, sont mobilisée des classifications et des reconnaissances au titre d’espèce rare ou endémique. Les concertations sont donc l’occasion de requalifier tout autant les pratiques que les entités non humaines. Du fait de la place de la science dans les sociétés modernes, l’écologie scientifique devient un acteur central dans la prise des décisions concernant les territoires et le sol. La reconnaissance des fonctionnements et dynamiques des écosystèmes permet une reconfiguration des projets d’aménagement et la diffusion de la culture écologique dans les sphères des aménageurs, élus locaux et usagers et les riverains, tels que pêcheurs, escaladeurs, etc.

Dans les pays du sud, la concertation est souvent instiguée par les organisations internationales telles que les ONG et la Banque mondiale, mettant en tension une « demande locale » de développement et une « demande extérieure » d’environnement[31]. Cette introduction exogène des notions de concertation dans les pays du Sud creuserait-elle l’asymétrie existante entre communautés locales et institutions publiques internationales et renforcerait-elle la méconnaissance mutuelle ? Les limites de l’approche résident dans la tension entre injonction et adoption des formes de participation à la concertation en fonction de la légitimité des acteurs porteurs du projet et de l’horizontalité des dispositifs de prise de parole[32].

Comment la concertation est-elle pratiquée dans des contextes politiques différents, notamment non-démocratiques ? A-t-elle un impact sur les usages des sols ? Le rapport entre utilisation et occupation ne va pas toujours de soi : comment s’orchestrent les différentes formes d’usage des sols ? Comment se confrontent et se concilient leurs interactions ?

Axe Thématique 3 : Conservation et usages des sols

A travers les politiques de conservation, le sol prend une dimension patrimoniale ou écologique. L’objectif de celles-ci est alors de maintenir, de protéger, voire de préserver de l’extinction un patrimoine culturel et/ou naturel. Elle renvoie notamment à des disciplines comme la muséologie, l’architecture, l’écologie ou encore la biologie de la conservation, etc. L’écologie de la restauration, notamment, cherche à restaurer les écosystèmes naturels dégradés ou menacés. L’une des questions soulevées par la conservation est : comment concilier développement et protection ? Ces politiques s’appuient en partie sur les recherches en écologie scientifique, soulignant notamment les liens entre science et gestion[33]. Pour celle-ci, il s’agit d’explorer les dynamiques et les capacités d’adaptation des écosystèmes ainsi que les impacts des usages et pratiques de gestion sur ceux-ci. Par exemple, comprendre la solution du sol et la régulation des échanges nutritifs de tous les organismes unicellulaires qui y vivent, ou les dynamiques nutritionnelles liées aux différents types de litières : animale, végétale, liquide, etc. en lien avec les usages des sols. En effet, ceux-ci peuvent venir perturber ou accélérer les processus : par exemple, les apports et les drainages artificiels des terres agricoles accélèrent souvent les processus induits par la solution du sol (en pédologie, il s’agit de l’eau circulant dans les espaces libres ou pores du sol)[34]. En outre, des instituts de recherche comme l’INRA expérimente des méthodes de production, telle que l’agroécologie, qui ont à la fois un rendement important et ne portent pas atteinte à la qualité des sols (s’inspirant de techniques préexistantes ou de savoir-faire traditionnels), voire qui favorisent la biodiversité, comme par exemple, les recherches en agroforesterie[35].

De même, la gestion des espaces naturels est orientée par les notions de biodiversité (l’indice potentiel de biodiversité en exemple)[36] et de « services écosystémiques »[37] garantis par le bon état des milieux. En écologie de la forêt, l’ancienneté des usages forestiers des sols augmente la biodiversité des milieux (on parle de forêts primaires, vieilles forêts, forêts anciennes...)[38]. D’un autre côté, la conciliation ou la juxtaposition des usages peuvent également être bénéfiques à la diversité et au nombre des espèces, en témoignent les études sur les lisières entre forêts et usages agricoles[39]. D’autres types de milieux sont concernés par ces enjeux de gestion : les zones humides, les canaux, les littoraux, etc. Les questions de la continuité des milieux dans un but de conservation de la biodiversité, dans le temps mais également dans l’espace (par exemple, en France, la construction de trames vertes et bleues[40]), interrogent à la fois les dynamiques écologiques (maintien des capacités d’adaptation) et les usages socio-économiques (agricoles, urbains, forestiers) des milieux concernés. La problématique des changements globaux (comme le changement climatique) déplace encore le débat en interrogeant les capacités d’adaptation des espèces et la distribution des espèces[41], ainsi que la « vulnérabilité »[42] et la « résilience »[43] des systèmes socio-économiques et écologiques face aux risques induits.

Les politiques de conservation des milieux oscillent entre deux tendances fortes, représentées, schématiquement par, d’un côté, l’exclusion de tout usage (par exemple, les réserves biologiques intégrales, telles qu’aux États-Unis) et, de l’autre, la tentative de concilier et de pérenniser les différents usages (économiques, culturels, scientifiques, récréatifs...), à travers un compromis de « multifonctionnalité » et la préservation et la mise en valeur des différentes fonctions écosystémiques. L’écologie du paysage, par exemple, propose l’articulation entre activités humaines et fonctionnements écologiques[44]. La conservation implique l’intervention humaine par la sélection de ce qui est d’abord défini comme en bon état et considéré comme digne de valeur, et celle-ci peut être défendue pour elle-même, pour des raisons économiques, au nom de la science, de l’humanité, etc. Les mouvements de patrimonialisation des milieux naturels peuvent entraîner des requalifications des usages des sols, notamment à travers une remise en cause de la propriété privée et une mise en commun des ressources naturelles[45], au nom de l’intérêt collectif, et ainsi engendrer des conflits et des tentatives de concertation.

Quels sont les enjeux écologiques, économiques et sociaux à la requalification des sols dans un but de protection ? Quels sont les usages favorisant la conservation des sols, des milieux et de leurs attributs et fonctions ? Comment mesure-t-on les impacts des différents usages sur la qualité des sols et plus généralement l’état des milieux ? Quelles sont les conséquences des approches de conservation et de protection sur les pratiques et les usages sociaux (production, récréation, culturel et scientifique) ? Comment les savoirs et usages traditionnels et locaux sont-ils articulés et intégrés ou non aux techniques de conservation ? Comment les sciences définissent-elles le bon état et la mise en œuvre des processus de protection ?
Modalités de participation

L’objectif de ces 7e journées des doctorants du LPED est de permettre aux doctorants de présenter leurs travaux de recherches dans cadre scientifique et pluridisciplinaire. L’appel à communication concerne donc les doctorants de toutes les disciplines qui abordent les notions de conflits, de concertation et de conservation liés aux usages du sol, selon les perspectives propres à chaque discipline.

Les propositions de communication doivent être rédigées dans un fichier .doc, .docx ou .pdf. Elles comprendront un résumé court (250 mots maximum), 3-5 mots-clés, ainsi qu’un résumé long (1000 mots maximum),accompagnées d’un curriculum vitae d’une page maximum.Elles devront mentionner le titre, le nom de l’auteur (ou des auteurs), sa discipline, son statut et son institution de rattachement.

Les propositions et la fiche d’inscription devront être envoyées avant le 31 octobre 2014 :

- soit par courrier :

LPED - JDD7

Favrot Mélanie - Parès Nelly - Rouadjia Anna

Université de Provence, case 10

3, place Victor Hugo

13331 Marseille, cedex 03

- soit par courriel à l’adresse suivante : JourneesDDocs.7 chez gmail.com

Calendrier

Les réponses seront renvoyées mi-décembre.

Les textes définitifs seront attendus pour le 31 janvier 2015. Certains seront sélectionnés pour faire l’objet d’une publication ultérieure.

Le LPED ne pourra pas prendre en charge la totalité des frais des doctorants pour ces journées. La priorité sera accordée aux doctorants en provenance du Sud.

Les journées se tiendront les 26 et 27 mars 2014 à Aix Marseille Université - Site Saint Charles – Marseille

1 Prigogine I., Stengers I., 1986, La nouvelle alliance. Métamorphose de la science, Ed. Folio, Coll. Folio Essais, Paris, 439p.

2 Gobat J.M., Aragno M., Matthey W., 2010, Le sol vivant : bases de pédologie, biologie des sols, Presses polytechniques et universitaires romandes, Coll. sciences et ingénierie de l’environnement, 817p.

3 Ibid.

4 Aspe et Jacqué, 2012, Environnement et société, Ed. Maison des sciences de l’homme, Paris, Ed. Quae, Versailles, 279p.

5 Granjou C., Mauz I., 2011, ’’Gouverner par les scénarios ? Comment les institutions environnementales anticipent l’avenir de la biodiversité’’, Quaderni, n°76, pp.5-11.

6 IPCC, 2007, ’’Climate Change : The Physical Science Basis. Summary for Policymakers, Contribution of the Working Group I to the Fourth Assessment of the Intergovernmental Panel on Climate Change’’. http://www.ipcc.ch/, consulté le 28/01/2014.

7 Carrière S. M., Rodary E., Méral P., Serpantié G., Boisvert V., Kull C. A., Lestrelin G., Lhoutellier L., Moizo B., Smektala G. and Vandevelde J.-C., 2013, "Rio+20, biodiversity marginalized", Conservation Letters, n°6, pp. 6-11.

8 Marco A., Barthelemy C., Dutoit T., Bertaudière-Montès V., 2010, "Bridging Human and Natural Sciences for a Better Understanding of Urban Floral Patterns : the Role of Planting Practices in Mediterranean Gardens", Ecology and Society vol. 15, n°2, art. 2, 18p. En ligne : http://www.ecologyandsociety.org/vol15/iss2/art2.

9 Dumas, E., Geniaux, G., Napoléone, C., 2005, Les indices d’écologie du paysage à l’épreuve du marché foncier, Revue d’Economie Régionale et Urbaine (1), pp.83-108.

10 Bourdieu P., 1979, La Distinction, Critique sociale du jugement, Éditions de Minuit, coll. Le sens commun, Paris, 672p.

11 Jodelet D., 2006 "Place de l’expérience vécue dans le processus de formation des représentations sociales", in Hass V. (dir.), Les savoirs du quotidien. Transmissions, Appropriations, Représentations, Rennes, Les Presses universitaires de Rennes, pp.235-255, 274p.

12 Aspe C., Jacqué M., 2012, Environnement et société, Ed Quae, Versailles, Ed. Maison des sciences de l’homme, Paris, 279 p.

13 Mendras H., 1967, La fin des paysans, Paris, SEDEIS, 364p.

14 Miossec, J.-M., Lopez-Ferber, M., Audibert, M., Lallemand, S., VOLTZ, M., Kosuth, P., 2010, ’’Analyse spatiale pour prévenir les invasions de criquets ravageurs à Madagascar’’, Les Dossiers - Agropolis, 9, p.48.

15 Verlaque R., 1999, L’endémisme en Méditerranée : caractéristiques et menaces, Biosystema 17 : pp.45-52.

16 Larrère R., 2009, "Y a-t-il une bonne et une mauvaise biodiversité ?", in Afeissa H.-S., Ecosophies, la philosophie à l’épreuve de l’écologie, Editions MF, Coll. Dehors, Paris, pp.149-165.

17 Cf. sur le portail du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Un-engagement-international,13025.html

18 McKey D., Elias M., Pujol B., Duputié A., Delêtre M, Renard D., 2012, "Maintien du potentiel adaptatif chez les plantes domestiquées à propagation clonale. Leçons de gestion par les cultivateurs de manioc amérindiens", Revue d’ethnoécologie, n°1, [En ligne] mise en ligne le 29 novembre 2012, consulté le 23 mai 2013. URL : http://ethnoecologie.revues.org/741 ; DOI : 10.4000/ethnoecologie.741

19 Claeys C., Barthélémy C., Tatoni T., Bonhomme P., 2011, "Protected Areas and Overuse in the Context of Socio-Natural Changes : An Interdisciplinary French Case Study", International Review of Social Research, Volume 1, n° 3, pp.73-92.

20 Jollivet M., 1987, "Un exemple de construction savante du risque forestier : les forêts périurbaine", in J.-L. Fabiani, J. Theys (dir.), La société vulnérable, évaluer et maîtriser les risques, Presses de l’Ecole Normale Supérieure, Paris, 674p.

21 Latour B., 2005, Nous n’avons jamais été modernes, Ed. La Découverte, Coll. Poche, 205p.

22 Callon M., 1986, "Éléments pour une sociologie de la traduction, La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieux", L’année sociologie, 36, pp.169-208. Cf. également Gramaglia C., 2003, "Humains et goélands : interactions et conflits de proximité en Languedoc-Roussillon", Espaces et Sociétés, n°110-111, 2003/3-4, pp.167-188.

23 Olivieri I., Vitalis R., 2001, La biologie des extinctions, Médecine Sciences, n°17, pp.63-69.

24 Lascoumes P., Le Galès P., 2004, ’’Instrumentation de l’action publique et recomposition de l’État. Gouvernement/gouvernance’’, Gouverner par les instruments, Presse Science Po., Paris, 372p.

25 Bacqué M-H, Rey H., Sintomer Y., 2005, Gestion de proximité et démocratie participative. Une perspective comparative, La Découverte, Paris, 315p.

26 Claeys-Mekdade, C., Leborgne M. Ballan, E., 2009, "Cadrer la procédure de concertation pour construire la confiance ?", Environnement : décider autrement. Nouvelles pratiques et nouveaux enjeux de la concertation, L’Harmattan, Paris, pp.97-116.

27 Descola P., 2011, L’écologie des autres : l’anthropologie et la question de nature, Ed. Quae, Versailles, 110p.

28 Blatrix C., 2002, ’’Devoir débattre, les effets de l’institutionnalisation de la participation sur les formes d’action collective’’, Politix, n°57, pp.79-102. Cf. Voir aussi Carrel Marion, 2006, ’’Politisation et publicisation : les effets fragiles de la délibération en milieu populaire’’, Politix, n°75, pp.33-51.

29 Issus du Centre National de Recherche Scientifique (CNRS), de l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA), de l’Institut National de Recherche en Sciences et Technologies pour l’Environnement et l’Agriculture (IRSTEA), de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et du Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN).

30 Cf. Marsily G., Barnaud G., Benoit M., Billy V., Birgand F., Garnier J., Lesaffre C., Levêque C., Muller S., Musy A., Tournebize J., Zimmer D., 2013, "Rapport du collège des experts scientifiques relatif à l’évaluation de la méthode de compensation des incidences sur les zones humides". En ligne : www.developpement-durable.gouv.fr/C-comme-Concertation.html, consulté le 28/07/2014.

31 Genin D. (ed), Benchekroun F. (ed), Aït Hamza M., Auclair L., Benrhamoune Z., Qarro M., Romagny B., Zagdouni L., 2007, De la parole aux gestes… Eléments de réflexion sur les dispositifs de gestion concertée des ressources forestières et pastorales au Maroc. France Coopération-ENFI-IRD, Rabat, Maroc, 61p.

32 Ibid.

33 Ghimire S., McKey D., Aumeeruddy-Thomas Y., 2005, "Heterogeneity in ethnological knowledge and management of medicinal plants in the Himalayas of Nepal : implications for conservation", Ecology and Society, vol. 9, n°3, art.6, 19p. En ligne : www.ecologyandsociety.org/vol9/iss3/art6/, consulté le 28/07/2014.

34 Gobat et al., Ibid.

35 Par exemple, la recherche en agroforesterie au domaine de Restinclières (près de Montpellier). Cf. Les sessions sur site n°8 "Agroforesterie et services écosystémiques - Domaine de Restinclières, Prades-le-Lès", et n°9 "Agrobiodiversité - Domaine de Restinclières, Prades-le-Lès", lors du colloque international Resilience 2014, organisé du 4 au 8 mai, à Montpellier.

36 Aspe C. Jacqué M., 2012b, "De l’approche patrimoniale à la gestion durable des forêts : "biodiversité" comme nouveau canon d’appréhension du réel", Forêt méditerranéenne t.XXXIII, n°2, p.1-10.

37 Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) France, 2012, "Panorama des services écologiques fournis par les milieux naturels en France", vol 1 : contexte et enjeu. En ligne : http://www.uicn.fr/Services-ecologiques-en-France.html, consulté le 06/12/2013.

38 Decocq G., 2012, "L’ancienneté de l’état boisé et la biodiversité forestière", communication donnée lors du colloque "De la statistique Daubrée à l’inventaire forestier de l’IGN : un siècle d’expansion des forêts françaises, quelle stratégie pour la gestion forestière du 21e siècle ?’’, à l’IGN, le 6 décembre 2012.

39 Deconchat M., 2014, "Projet BILISSE : Comment la biodiversité des lisières renforce des services écologiques ?", Communication donnée lors du colloque "Restitution des projets 2010 et de lancement des projets 2014", organisé par le GIP-Ecofor, à Nancy, les 5-6 juin 2014.

40 Bertaudière-Montès V., Deschamps-Cottin M., Barthélémy C., 2012, "Atlas analytique de la Trame Verte de Marseille", PIRVE Programme interdisciplinaire de recherche ville et environnement, co-financé par le CNRS et le ministère de l’Ecologie, Juin 2012, 68p.

41 Léotard G, Debout G, Dalecky A, Guillot S, Gaume L, et al., 2009, Range Expansion Drives Dispersal Evolution In An Equatorial Three-Species Symbiosis, PLoS ONE, n°4, Anna Dornhaus, University of Arizona, United States of America.

42 Laubier L., 2003, "Changement et vulnérabilité des peuplements marins côtiers", C. R. Geoscience, n°335, pp.561-568.

43 Décamps H., 2007, La vulnérabilité des systèmes socioécologiques aux événements extrêmes : exposition, sensibilité, résilience, Natures Sciences Sociétés, n°15, pp.48-52.

44 Burel F., Baudry J., 1999, Écologie du paysage. Concepts, méthodes et applications, Editions Tec et Doc, Paris, 359p.

45 Aspe C., 1991, "L’environnement : une histoire entre les couches moyennes et la localité", Chercheurs d’eau en Méditerranée : pratiques et représentations de l’eau dans l’espace méditerranéen, Éditions du Félin, Paris, pp.191-213.


Page créée le vendredi 17 octobre 2014, par Dominique Taurisson-Mouret.


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