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Appel
Date limite de soumission : jeudi 30 octobre 2025
Appel à contributions de la revue Criminocorpus pour un dossier consacré aux relations entre prostitution, droit et justice, depuis la fin du Moyen Âge jusqu’à la période contemporaine.
L’histoire de la prostitution a émergé en France à la fin des années 1970-1980, au terme de la lente quête de légitimité scientifique de l’histoire de la sexualité. Trois ouvrages pionniers, Les filles de noces (1978) d’Alain Corbin, La prostitution et la police des moeurs au XVIIIe siècle (1987) d’Erica-Marie Benabou et La prostitution médiévale (1988) de Jacques Rossiaud, érigent la prostitution en sujet d’histoire en France, tandis que, en Angleterre à la même époque, ce sont les travaux de Frances Finnegan, Poverty and Prostitution : A Study of Victorian Prostitutes in York (1979) Judith Walkowitz, Prostitution and Victorian Society : Women, Class and the State (1980) qui fondent le champ. Dans leur sillage, de nombreux·ses chercheur·euses se sont par la suite intéressé·es à la question, enrichissant les approches en termes disciplinaires et méthodologiques. L’ouvrage dirigé par Magaly Rodríguez García, Lex Heerma van Voss, Elise van Nederveen Meerkerk, Selling Sex in the City : A Global History of Prostitution, 1600s-2000s, paru en 2017, en offre un parfait exemple.
Ce dossier vise à mettre en lumière les renouvellements historiographiques récents sur la question, en croisant les apports de l’histoire du droit, de l’histoire sociale et de la socio-histoire, tout en intégrant les perspectives des études de genre, de l’intersectionnalité, des études décoloniales et de l’histoire des sexualités.
Perspectives et renouvellements historiographiques
Ce dossier propose d’interroger les modes de régulation, de répression ou de tolérance de la prostitution à travers les siècles, en déplaçant le regard porté traditionnellement sur les seules autorités publiques. Il s’agira d’accorder une place centrale aux pratiques et aux expériences des personnes concernées, à leurs interactions avec la justice et aux réponses qu’elles apportent aux contraintes institutionnelles et sociales qui pèsent sur elles. Ce dossier s’intéressera par ailleurs à leur inscription dans le tissu social ainsi qu’à leurs rapports avec le voisinage.
L’apport des études de genre permet ainsi de mettre en avant l’agentivité des personnes concernées et les éventuelles stratégies mobilisées dans un contexte coercitif (Plumauzille, 2016). Elles interrogent également les rapports sociaux de sexe, le poids des stéréotypes et des injonctions de genre dans la mise en place du contrôle de la prostitution et la place forcée des hommes et des femmes dans le système de l’offre et de la demande sexuelle par le droit (textes et pratiques judiciaires et policières). Dans le sillon de l’analyse genrée, s’ajoute l’intersectionnalité qui permet d’interroger la pluralité des rapports de pouvoir, notamment de genre, de race, de classe ou encore d’âge (Duffuler-Vialle, 2015). L’hétéronormativité inhérente à l’approche institutionnelle de la prostitution sera également remise en perspective, afin de rendre visible l’histoire de la prostitution homosexuelle, marginalisée par l’historiographie (Tamagne, 1998, Révenin, 2005). L’enjeu consistera à intégrer la prostitution hétérosexuelle dans une approche plus globale d’échanges économico-sexuels, tels que l’a théorisée notamment l’anthropologue Paola Tabet (Tabet, 2004).
Ce dossier souhaite également mettre en dialogue les espaces européens et coloniaux afin de questionner la circulation des normes, des acteur·ices et des dispositifs de contrôle (Taraud 2003, Tracol-Huynh, 2013). Les contributions pourront s’appuyer sur une approche comparatiste pour analyser les régimes juridiques et sociaux de la prostitution dans le monde. Enfin les approches spatiales de la prostitution sont également plébiscitées (Gonzalez-Quijano, 2015, Roby, 2021). À ce titre, les travaux des sociologues, rarement mobilisés par les historien·nes, offrent des perspectives particulièrement stimulantes sur l’analyse de l’espace, des usages de la ville et des dynamiques de visibilité dans la prostitution (Pryen, 1999, Mathieu, 2000).
Les questions d’hygiène et de santé, présentes dès le Moyen Âge, prennent une acuité nouvelle à l’époque contemporaine, notamment au XXe siècle, dans le cadre des politiques natalistes, hygiénistes et eugénistes. Si elles ont été analysées par les travaux classiques, il conviendrait d’approfondir l’étude des figures féministes engagées sur ces enjeux. Au-delà du rôle des médecins et des sociétés savantes, les positions de militantes comme Madeleine Pelletier et Marcelle Legrand-Falco en France, mises en perspective avec celles d’Anna Pappritz et Henriette Arendt en Allemagne, mériteraient une attention particulière (Machiels, 2016).
L’importance des controverses politiques et féministes sera un autre axe fort du dossier. Il s’agira d’interroger les débats autour de la répression ou de la tolérance de la prostitution par les autorités publiques, débats qui ont donné naissance – à la période contemporaine – aux différents courants idéologiques de la prostitution : réglementarisme, abolitionnisme et prohibitionnisme.
Les tensions actuelles existantes au sein des mouvements féministes autour de la prostitution ne seront pas éludées. En effet la sex-war qui oppose les féministes queer et pro-sexe aux abolitionnistes apparaît comme l’un des sujets les plus clivants du féminisme contemporain. En effet, si la sexualité tarifée est appréhendée dans une perspective d’empowerment et désignée en tant que « travail du sexe » par les premier·es (Rubin, Butler, 2001), elle est dénoncée par les second·es comme une violence de genre, assimilée par certain·es au viol, contre laquelle il faut lutter afin de pouvoir s’extraire de la société patriarcale (MacKinnon, 1988). Dans ce dossier nous n’excluons par principe aucune des approches, sous réserve de souscrire à la démarche des épistémologies du point de vue, qui invitent la/le chercheur.euse à clarifier son positionnement vis-à-vis de son objet d’étude. En outre, et dans une approche historique, la genèse de cette querelle féministe dans des périodes plus anciennes pourrait faire l’objet de propositions d’articles.
Enfin, les contributions devront réfléchir aux défis méthodologiques et aux sources mobilisables, en particulier celles permettant d’accéder aux expériences et à l’agentivité des personnes qui se prostituent. Une attention particulière peut également être dédiée aux chronologies pour souligner les évolutions en fonction des contextes situés et particuliers.
Axes transversaux
Les contributions pourront s’inscrire dans les axes suivants, sans que cette liste soit limitative :
1. Régulations et agentivité
2. Prostitution, espaces et voisinage
3. Violences et proxénétisme
4. Prostitution, travail du sexe et sexualités
Date limite de soumission des propositions : 30 octobre 2025. Les propositions devront comporter une courte présentation de l’auteur·ice et un résumé de 3000 signes maximum.
Date limite d’envoi des articles après acceptation de la proposition : 31 juin 2026
Date de Publication du dossier : mars 2027
Contacts : Loraine.Chappuis chez unil.ch et helene.duffuler chez univ-artois.fr
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