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Appel
Date limite de soumission : mardi 30 novembre 2021
Colloque en hommage à Abdelmalek Sayad
L’objectif du colloque est d’entamer un travail d’inventaire empirique, théorique et épistémique des sciences sociales rurales dans / sur les Suds depuis la décolonisation jusqu’à la mondialisation (1960-2021). Il s’adresse en priorité aux sociologues, anthropologues et géographes, mais sera ouvert aux autres champs disciplinaires (histoire, économie, littérature…) et transdisciplinaires (genre, environnement, périurbain…).
Depuis les années soixante, décennie des indépendances politiques en Afrique majoritairement, les pays décolonisés se sont lancés selon des fortunes diverses dans des processus diversifiés d’appropriation du savoir scientifique qui était auparavant l’apanage des puissances coloniales, tout particulièrement dans le domaine des sciences sociales. Ces dernières, notamment les travaux portant sur le monde rural, avaient été mobilisées dans une vision développementaliste qui accordait à cet espace et aux études s’y rapportant une place prépondérante.
Au fil des décennies cependant, l’intérêt pour le monde rural et pour l’analyse de la « ruralité » s’est progressivement étiolé, remplacé par d’autres centres d’intérêt et par d’autres objets scientifiques au fur et à mesure que s’accélérait l’urbanisation de ces pays, avec son cortège de nouveaux problèmes et défis. Les dynamiques pluridimensionnelles internes aux sociétés des Suds (politiques publiques et scientifiques, croissance démographique et urbaine, conflits sociaux…), ont joué dans l’intérêt faiblissant pour le monde rural un rôle central, relayé et encouragé à l’externe par la mise en place de programmes de coopération sous la houlette des bailleurs de fonds qui ont orienté, par la mobilisation des ressources financières, l’attention de ces pays vers d’autres objets de recherche. Les évolutions constatées ces vingt dernières années montrent ainsi de manière claire la mise en place de formes d’aides au développement centrées sur le transfert de recettes techniques et technologiques (informatique, logiciels…) qui ont eu tendance à ignorer les spécificités des mondes ruraux et à développer des interactions inégalitaires au sein de groupes réticulaires de chercheurs Nord / Sud et, plus rarement des collaborations concertées entre les réseaux Sud / Sud.
Dans les pays du sud en effet, les situations sont contrastées. On observe à cet égard qu’en Amérique du Sud, les sciences sociales ont été marquées très tôt par un travail de distanciation épistémique et théorique, voire sémantique et littéraire à l’égard des paradigmes coloniaux et néocoloniaux. Ce qui ne semble plutôt pas le cas dans les ex pays colonisés d’Afrique où l’objet ruralité est resté en partie prisonnier des paradigmes et schémas d’analyse coloniaux, à l’exception de quelques tentatives de renouvellement des problématiques et avancées conceptuelles émanant d’individus ou de groupes ponctuels de chercheurs.
Dans le Maghreb en particulier, les sociétés rurales dans leurs dynamiques de changements profonds au double niveau des pratiques sociales et des attitudes culturelles sont devenues quasiment invisibles dans les champs de la recherche sociologique et anthropologique depuis quelques années, alors qu’elles avaient paradoxalement considérablement inspiré les travaux de sociologues et d’anthropologues occidentaux qui avaient marqué leur temps (Ernest Gellner, Jacques Berque, Pierre Bourdieu, Germaine Tillon et d’autres). La sociologie rurale n’est plus enseignée comme spécialité dans les cursus de formation académique en Algérie, en Tunisie, ou est alors réduite à des enseignements d’appoint notamment dans les formations d’ingénieurs agronomes. Elle reste prolifique au Maroc, mais a perdu de sa distanciation critique.
Notons enfin le paradoxe de l’absence d’intérêt pour la ruralité dans ses dimensions matérielles, immatérielles dans les pays du Maghreb qui ont vu, en l’espace de trente années seulement, un renversement démographique radical induit par la ruralisation effrénée des villes devenues le réceptacle de masses considérables de populations rurales. Cette nouvelle « rurbanité » constitue pourtant un cadre de réflexion et de production scientifique potentiel de premier choix pour les sciences sociales ruralistes.
Au Brésil, le dialogue avec les études rurales sur le Maghreb s’est réalisé, surtout, à partir des travaux menés dans cette région par Pierre Bourdieu et Addelmalek Sayad. Les études de ces derniers à propos du processus de déracinement de la paysannerie Kabyle a eu une influence notable sur les premières recherches sociologiques et anthropologiques brésiliennes effectués dans les années 1970 concernant la logique de reproduction et de déplacement spatiaux de la paysannerie du Nord-est du pays. En outre, l’avancée de la perspective post-coloniale dans les sciences sociales brésiliennes s’est établie au cours des dernières années parallèlement au dialogue avec les études de Bourdieu en Algérie qui passent par des thèmes tels que les idéologies de la modernisation, le genre et la génération, le traditionalisme et la conscience temporelle, et l’oligarchie agraire et la colonialité.
Il est donc nécessaire dans ces conditions de poser le problème de cette cécité de la société et de l’université vis-à-vis de la ruralité dans les pays décolonisés sur un plan plus large, plus sociétal, comme traduction d’un rejet inconscient de leur mémoire et de leur consistance rurale par les nouvelles sociétés qui se construisent dans les villes du Maghreb et d’ailleurs. La stigmatisation non déclarée, inconsciente du rural, le déni de cette dimension constitutive des identités que l’on retrouve dans les représentations et les pratiques sociales des nouvelles populations des villes ne seraient ainsi in fine que l’effet pervers d’une fausse représentation de la modernité sociale dans le contexte post colonial.
Ce colloque est organisé en partenariat entre
Le Groupe de Recherche Petites Paysanneries GPP-GPP Suds (France), dont les activités d’animation scientifique (conférences, colloques, publications) sont focalisées, depuis sa création, en 2011, sur le monde rural et le développement des interactions entre chercheurs du Nord et du Sud.
Le Laboratoire d’Analyse Socio-Anthropologique du Développement des Territoires (LASADET) de l’université d’Alger 2, l’une des rares institutions scientifiques algériennes à maintenir une tradition ruraliste, quasiment disparue de la plupart des autres universités algériennes.
L’université Fédérale de São Carlos- Brésil, par le biais du Groupe de Recherche Ruralités, Environnement et Société (RURAS) désireuse d’une ouverture scientifique collaborative avec les chercheurs magrébins. Un dossier de la revue Contemporânea de l’École doctorale de Sociologie de L’université de São Carlos, à paraître en 2022 a pour thématique la sociologie rurale nord-africaine.
Cet événement qui se tiendra à Alger sera également l’occasion de rendre hommage à Abdelmalek Sayad dont la posture scientifique et symbolique, l’expérience collaborative pionnière qu’il réalisa avec Pierre Bourdieu sur les paysans algériens et, plus tard sur l’immigration algérienne en France ont permis de fécondes orientations épistémologiques.
Axes thématiques
Axe 1 : L’état des lieux de la recherche ruraliste depuis les années soixante à nos jours : thématiques de recherche, méthodes, groupes sociaux étudiés, rapports des chercheurs avec les pouvoirs politiques…
Axe 2 : Témoignages et analyses réflexives autour des expériences collaboratives Nord / Sud et Sud-Sud ;
Axe 3 : Les forces et les insuffisances des théories postcoloniales ruralistes et plus généralement, de la démarche critique et distanciée.
Les propositions des doctorants et des jeunes docteurs sont vivement encouragées.
Modalités de soumission
Les propositions de communication peuvent être en arabe, anglais, français, portugais ou espagnol. Elles sont à adresser dans une des langues de travail à : colloque.alger22 chez gmail.com
N’excédant pas les 1500 signes (format Word, police Times New roman, 12), elles doivent comporter :
Le nom, la fonction, le rattachement institutionnel et l’adresse électronique de (des) auteur·e(s) qui doivent figurer en tête ;
Axe choisi
Un titre significatif
5 mots-clés ;
Un court CV des auteur·es
Calendrier
10 octobre 2021 : diffusion de l’appel ;
30 novembre 2021 : clôture de la réception des propositions ;
15 janvier 2022 : sélection des propositions et retours aux auteur·es ;
30 Avril 2022 : envoi de la première version des manuscrits (40 000, environ 25 pages)
15 Septembre 2022 : envoi du programme et des modalités pratiques de participation aux invité·es
15 octobre 2022 : envoi du programme définitif aux participant·es
21 Novembre 2022 : tenue du colloque (à confirmer)
Coordination
Brahim Benmoussa, Pr. de sociologie, université d’Alger 2 (Algérie)
Rodrigo Constante Martins, Pr. de sociologie, département de sociologie de l’université fédérale de São Carlos, groupe de recherche RURAS (Brésil)
Madani Safar-Zitoun, Pr. de sociologie, université d’Alger 2 (Algérie)
Mohamed Raouf Saïdi, sociologue, chercheur associé au Ladyss-CNRS, GPP (France)
Date limite de soumission : lundi 21 novembre 2022
Page créée le mercredi 20 octobre 2021, par Dominique Taurisson-Mouret.