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Vient de paraître : Danielle Donet-Vincent, Il était une fois le bagne colonial… Vie d’un fonctionnaire civil de l’administration pénitentiaire entre Nouvelle-Calédonie, Guyane et Afrique (1890-1945), 2012

Vient de paraître : Danielle Donet-Vincent, Il était une fois le bagne colonial… Vie d’un fonctionnaire civil de l’administration pénitentiaire entre Nouvelle-Calédonie, Guyane et Afrique (1890-1945), Préface de M. Léon Bertrand, maire de Saint-Laurent-du-Maroni, Matoury (Guyane), Ibis Rouge Éditions, 2012, 160 p. (Espace outre-mer).

Dossier de presse (extraits)

Mémoire, patrimoine, projet éditorial : le fonds Ubaud

À l’origine, un patient travail sur un fonds familial d’archives et d’objets…

Mme Jacqueline Ubaud-Anjot, fille d’Albert Ubaud, fonctionnaire de l’administration pénitentiaire coloniale, a confié il y a quelques années à Mme Danielle Donet-Vincent l’ensemble du fonds légué par son père à sa mort : tirages photographiques et plaques de verre, cartes postales, manuscrits et tapuscrits personnels, peintures, dossiers d’archives, aquarelles et autres objets. Ce fonds, Mme Danielle Donet- Vincent s’en est servi pour réaliser cet ouvrage et a choisi de le donner au Musée Ernest-Cognacq de Saint-Martin-de-Ré.

réalisé par une spécialiste de l’histoire du bagne colonial…

Mme Danielle Donet-Vincent, docteure en histoire, ancienne conservatrice de maison d’écrivain, est spécialiste de l’histoire du bagne colonial. Elle a fait partie du groupe de recherches sur les prisons de la République, dirigé par Michelle Perrot et Robert Badinter, à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Elle a participé à de nombreux colloques et publié plusieurs ouvrages et articles sur l’histoire de la transportation et de la déportation. Elle a également travaillé sur les fêtes officielles de la IIIe République, et en particulier sur la place des femmes au cours de cette période, sujet sur lequel elle a publié plusieurs articles, dont un, véritablement pionnier, sur Lucie Dreyfus.

pour obtenir un livre où se mêlent parcours individuel et histoire collective, écriture et image

Bien plus que l’histoire du bagne, déjà largement connue, c’est la vie d’un homme qui apparaît ici.

Albert Ubaud, né en Algérie, fils d’un fonctionnaire civil de l’administration pénitentiaire coloniale en poste à la Nouvelle-Calédonie, puis lui-même fonctionnaire civil de cette même administration en Guyane de 1926 à 1943, est le héros de cet ouvrage.

Pendant sa vie d’« exilé volontaire », il note, photographie, dessine, peint tout ce qui le captive ou le surprend. Au cœur même des rouages de la puissante institution pénale, il donne à voir le décor et son envers, les condamnés inconnus ou célèbres, ses collègues et supérieurs, les notables et populations de la colonie, mais aussi les paysages, les voyages transatlantiques et les rencontres inattendues.

Il marche dans les pas du plus célèbre des condamnés, le capitaine Dreyfus, dont il retrace le par- cours, consulte les archives pénitentiaires pour constituer ses dossiers. Ami du directeur de l’administration pénitentiaire Prevel, il exerce des fonctions à responsabilité à Saint-Laurent-du-Maroni et aux îles du Salut et a l’occasion de croiser le gouverneur Félix Éboué et son épouse, Charles Péan, responsable de l’Armée du Salut en Guyane

Revenu en métropole au moment de sa retraite, il reprend la masse de ses observations, les organise et corrige jusqu’à la fin de sa vie. De ce long retour sur son passé, il nous reste les pages attachantes ou curieuses qui ont été reprisés ici, montrant un Ubaud dont le cœur et l’esprit sont restés ancrés dans les terres lointaines où il a vécu.

À partir des archives et œuvres transmises par Ubaud, l’auteure s’est efforcée de replacer les situations et les faits dépeints dans leur contexte historique, tout en laissant la première place à la sensibilité et aux opinions d’Ubaud sur un monde colonial et pénal, désormais disparu. En guise de conclusion, elle laisse la parole et l’image à la famille Mesnard, qui, dix ans après le départ d’Ubaud, parcourt les mêmes paysages, rencontre les mêmes populations, qu’elle s’efforce de saisir, comme Ubaud, dans leur richesse et leurs beautés si différentes et attachantes.

Les souvenirs d’Albert Ubaud

- 1888 naissance à Oran (Algérie)

- 1890-1908 jeunesse en Nouvelle-Calédonie : son père est fonctionnaire de l’administration pénitentiaire coloniale.

- 1908-1926 service militaire et engagement dans l’armée en France métropolitaine

- 1926-1943 fonctionnaire civil dans l’administration pénitentiaire coloniale en Guyane (5 séjours) : sa première fonction est celle de commis de 3e classe (1926) ; il est retraité en 1944.

- 1943-1945 séjour forcé au Sénégal et au Maroc du fait de la guerre

- 1964 décès à Gap

Souvenir nostalgique de son enfance en Nouvelle-Calédonie (vers 1895)

« Dans mon souvenir revit notre séjour à Bourail. L’habitation de mes parents se trouvait dans une cour immense, « la cour des travaux », devant laquelle passait une route menant à la rivière Kouri, dans un sens, et à l’usine de rhum du pénitencier, dans l’autre sens. À l’entrée de cette cour, clôturée de lattes goudronnées, et à gauche se trouvait le logement du surveillant militaire, gardien des lieux, nommé Courtin. Il avait un fils, Paul, âgé d’une quinzaine d’années environ. Au fond de la cour, les ateliers pénitentiaires et le bureau d’étude de mon père. »

Souvenir d’indignation de son passage en Martinique (1932)

« À Fort-de-France, nous assistâmes pour la première fois à un spectacle, paraît-il fréquent, sorte de survivance du temps de l’esclavagisme dans nos colonies tropicales. Ce que nous vîmes nous écœura. Nous vîmes, en effet, toute une colonne de femmes, jeunes et vieilles, en haillons et pieds nus, portant à dos des couffins pleins de houille d’un poids excessif, qu’elles remplissaient à la pelle dans des gabarres amarrées au quai, pour, ensuite, les vider dans les soutes du Pellerin-La-Touche. Cela se faisait sous le regard de surveillants de couleur, vociférant et hurlant, invectivant les porteuses courbées, écrasées sous les couffins d’où s’échappaient des blocs de houille qui en tombant meurtrissaient leurs pieds nus. Cela avait l’aspect d’un manège humain exécutant sans repos une ronde noire infernale… [...]. Et pour ma part, j’eus honte d’appartenir à un pays qui se glorifie d’avoir aboli l’esclavage et avait statufié le libérateur, dont la statue à Cayenne semblait regarder [...] l’horrible sauvagerie contre laquelle il avait lutté dans le passé. »

Souvenir de la Toussaint à Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane (vers 1930)

« Chaque année, le 1er novembre, jour de Toussaint, on peut assister au cimetière à une veillée qui revêt un caractère de piété macabre : c’est comme une espèce de « réveillon aux morts ». Dès la chute du jour, toutes les tombes s’illuminent. Cet embrasement nocturne des sépultures, parmi lesquelles vont et viennent des silhouettes se parlant à voix basse, comme si elles craignaient de troubler l’éternel repos des ombres, est, en effet, d’un lugubre et saisissant effet. Alors, chacun s’installe, qui sur des pliants, qui sur le bord des tombes, et prie. [...] De pieuses mains illuminent les tombes de ceux qui n’ont plus personne ici-bas. Et l’on voit aussi dans le cimetière des forçats quelques tertres éclairés. Ce n’est pas le côté le moins touchant de cette étrange veillée. »

Ouvrage présenté par l’auteure le 21 mai au Musée Ernest Cognacq, à Saint-Martin de Ré. Conférence à 19 h sous le titre : revenir à Cayenne.

Voir le site de l’éditeur Ibis Rouge éditions


Page créée le jeudi 3 mai 2012, par Dominique Taurisson-Mouret.


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