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Appel
Date limite de soumission : vendredi 16 avril 2021
Qu’il s’agisse d’oppositions à l’industrie minière, de manifestations contre l’agro-industrie, d’actions collectives contre l’installation de mégaprojets, ou de la défense d’espaces de vie et de paysages marqueurs d’identités singulières, les campagnes des pays des Suds sont le théâtre de formes variées de résistance territoriale (Guerin-Pace et Mesclier, 2016 ; Gana et al., 2019). Au cours des dernières décennies, ces processus de résistance ont vu leur ampleur renouvelée dans un contexte de libéralisation de l’action publique (Mayaux et Surel, 2010) et de dégradations environnementales causées par l’accentuation des modèles capitalistes de développement rural et agricole. C’est dans ce contexte qu’en Amérique latine la résistance paysanne a pris un « tournant éco territorial » (Svampa, 2011), ou qu’au sud de la Méditerranée, comme en Tunisie, des groupes ruraux se sont organisés pour faire valoir leurs droits sur des ressources et résister à la violence d’un État corrompu et autoritaire (Gana, 2013), en marquant ainsi le début du « printemps arabe ».
Le numéro thématique proposé envisage donc d’interroger et de comparer ces différentes formes de résistance territoriale dans les régions rurales des pays des Suds. Si la notion de territoire renvoie à l’appropriation de l’espace, l’objectif sera alors d’analyser comment les luttes sociales acquièrent une dimension spatiale, en proposant des analyses à des échelles variées. Elles pourront mettre en évidence aussi bien les processus de résistance territoriale de petits groupes revendiquant des droits sur une parcelle de terre, que ceux d’organisations pouvant construire des projets politiques à la portée spatiale plus vaste. Il s’agira d’accorder une attention particulière aux stratégies mises en place par les populations pour accéder à une ressource ou un ensemble de ressources, comme cela s’est vu en Tunisie où, ces dernières années, la population rurale s’est mobilisée pour se réapproprier des biens fonciers (Fautras, 2015 ; Gana et Taleb, 2019) et remettre en cause l’inertie d’une dualisme agraire hérité de la période coloniale. Les textes soumis pourront également s’intéresser à la manière dont les populations rurales font appel à leur mémoire collective (Riaux et al., 2015 ; Allain, 2020) afin de produire un discours ayant pour but de légitimer l’appropriation de portions de terres et de ressources visant à renforcer leur ancrage territorial et la défense de leur identité (Guérin-Pace, 2006). Par ailleurs, les travaux pourront porter sur la transnationalisation des luttes et l’émergence de réseaux de solidarité entre différents groupes qui contribuent à augmenter la visibilité médiatique de leurs revendications (Thivet, 2014 ; Claeys et al., 2017).
Plusieurs questions pourront structurer le débat : comment les résistances prennent-elles forme selon les territoires ? Quel est l’objet des luttes et comment se construisent leurs causes ? Quel est le rapport des populations rurales aux enjeux environnementaux, et comment ces enjeux sont-ils cadrés ? Comment différents collectifs parviennent-ils à développer des résistances dans des contextes de contraintes politiques, sociales, économiques ? Comment des acteurs dominés expriment-ils leurs désaccords ? Enfin, comment les formes de (ré)appropriation de l’espace et de ses ressources se concrétisent-elles ?
Le numéro thématique souhaite mettre en avant des recherches abouties ou en cours sur des terrains des Suds, et qui s’interrogent sur les processus de résistance territoriale et leurs évolutions historiques. Les propositions de chercheur.se.s qui souhaitent discuter d’outils conceptuels permettant de rendre compte des divers types de résistance et de leurs spécificités dans les campagnes des Suds seront également bienvenues. Enfin, une attention particulière sera accordée aux travaux s’intéressant à d’autres processus de résistance, plus ancrés dans le quotidien, dans les pratiques même des populations paysannes, rurales et dans la transformation de leur rapport à leur espace de vie.
Les coordinateurs invitent les auteurs à proposer des réflexions s’articulant autour des trois axes suivants :
Trajectoires sociohistoriques des luttes : entre constructions d’identités, projets de territoires et… impasses
Les luttes autour des enjeux territoriaux sous-entendent la construction de causes communes, d’objets de revendications, de discours et de liens entre les acteurs. Il s’agit ainsi d’appréhender la construction des sentiments d’appartenance tant au groupe qu’au territoire, d’en saisir le lent processus et ses évolutions dans le temps. Les travaux proposés pourront dès lors se focaliser sur le lien entre les processus de résistance et la structuration de collectifs de défense d’identités et porteurs de projets de territoires (Raimbert et Rebaï, 2017). Mais, à l’inverse, ils pourront s’intéresser aux facteurs limitant les résistances, ainsi qu’aux conflits internes qui peuvent émerger au sein d’un même mouvement et le conduire dans une impasse.
Enjeux environnementaux comme leviers de résistance
On connait mieux les grandes coalitions d’acteurs qui défendent les espaces naturels, les espèces en voie de disparition ou encore les forêts et les écosystèmes fragiles. Mais qu’en est-il des mobilisations d’acteurs des mondes ruraux, comment appréhendent-ils les enjeux environnementaux ? Comment les reformulent-ils et dans quelle mesure ces derniers sont-ils liés à une certaine idée qu’ils se font de leurs territoires ? Alors que des mouvements paysans puissants se sont structurés ces dernières années pour s’opposer au modèle libéral de développement qui s’est imposé dans les Suds (Borras Jr. et al., 2018), il sera intéressant d’évaluer dans quelle mesure ces mouvements ont pu donner lieu à la mise en place de résistances locales structurées autour de la défense de ressources naturelles. Les analyses pourront d’une part se centrer sur le rôle des ONG et des mouvements activistes qui contribuent à renforcer les groupes paysans dans leurs stratégies de résistance territoriale ainsi que sur les travaux développés sur le thème de la justice environnementale dans les Suds (Martinez Alier, 2014, Farthing et Fabricant, 2018). D’autre part, des travaux sur les inégalités environnementales et les souffrances environnementales (Auyero et Swistun, 2009) en zones rurales seront particulièrement bienvenus.
Résistances et actions collectives en contexte de contrainte
La production scientifique sur les mobilisations sociales face aux grands projets (barrages hydroélectriques, mines à ciel ouvert, fermes géantes, etc.) est riche et a d’ailleurs contribué à la visibilité de ces luttes socio-environnementales. Or, les acteurs sociaux des campagnes des Suds agissent souvent dans des situations de contraintes : autoritarisme, difficultés sociales et économiques, marginalisation culturelle et/ou de genre, etc. Les formes de résistance sont donc multiples et ne passent pas toujours par des actions collectives visibles (Siméant, 2013 ; Geoffray, 2011). Nous invitons donc les auteurs à réfléchir à l’imbrication de la sociologie de l’action collective avec les études portant sur les résistances ordinaires et quotidiennes (Scott, 1985).
Modalités de soumission
Les articles proposés pourront répondre à plusieurs axes proposés. Les textes proposant des comparaisons sont encouragés.
Les propositions sont à envoyer à la coordination du numéro, Mathilde Allain mathilde.allain27 chez gmail.com et Nasser Rebaï nass.reb chez hotmail.fr au plus tard pour le 16 avril 2021 pour une publication début 2022. Les instructions pour les auteur.e.s sont disponibles en ligne.
Nasser Rebaï est chercheur associé à PRODIG, Mathilde Allain est chercheuse à l’IHEAL.
Procédure d’évaluation
La procédure d’évaluation est une procédure en double aveugle. Les articles font donc l’objet d’une évaluation par deux lecteurs identifiés par le comité de rédaction et/ou les coordinateurs du dossier parmi les collègues français et étrangers spécialistes du thème ou de l’espace auquel se réfère l’article. En cas d’évaluations divergentes, un troisième évaluateur peut être mobilisé. L’identité des auteurs et celle des évaluateurs n’est pas communiquée.
Le texte est soumis à évaluation sans mention du nom de l’auteur et les avis des évaluateurs sont transmis à l’auteur sans que soit précisé le nom de ces derniers. La version corrigée sera relue par les responsables du dossier avant sa mise en ligne.
Outre une évaluation générale, la relecture critique d’un article comprend une appréciation plus technique (contenu scientifique, structure, concordance du titre et du texte, illustrations, tableaux, documents, etc.).
La fiche d’évaluation est consultable via le lien ci-dessous.
Page créée le mercredi 25 novembre 2020, par Webmestre.