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Appel
Date limite de soumission : vendredi 6 juin 2025
« L’objectif de ce colloque international, organisé dans le cadre du labdoc (laboratoire de recherche sur les pratiques audiovisuelles documentaires), est de participer aux réflexions en cours sur les manières d’appréhender, par la recherche-création, les grandes perturbations auxquelles l’humanité et l’ensemble du vivant sont actuellement confrontés. Il vise à mettre en rapport des approches documentaires, provenant de l’intérieur et de l’extérieur de l’institution universitaire, de façon à renouveler nos regards sur le monde vivant.
Nous souhaitons en effet faire dialoguer diverses explorations documentaires (cinéma, photographie, installation, arts visuels, littérature, théâtre, créations sonores…), susceptibles de contribuer à interroger nos habitudes perceptives dans la tentative de faire surgir des relations sensibles et intimes avec l’ensemble du vivant. Considérant « l’enchevêtrement » des êtres (humains et non-humains) et de la matière sur un même plan ontologique (Barad, 2003 ; 2007 ; Braidotti, 2013) de même que de la pluralité des « modes d’existence » (Latour, 2012), ces approches posthumanistes et néo-matérialistes nous proposent d’ouvrir nos sens et nos affects à cette vaste part du vivant qui échappe à notre regard déterminé et limité par nos rapports utilitaires à la nature. Subvertissant les acquis du naturalisme (Descola, 2005), ces approches s’attèlent à mieux saisir les agentivités non- humaines, les formes environnementales et les rapports entre les espèces (Haraway, 2021).
Ainsi, elles entendent cultiver de nouvelles manières d’être en relation avec le monde et inventer d’autres futurs possibles.
Du point de vue politique, en admettant que la crise écologique soit aussi une « crise de la sensibilité » (Morizot, Zhong Mengual, 2018), les enjeux au cœur de ce colloque concernent à la fois la nécessité de créer de nouveaux rapports sensibles, d’inclure les existants non-humains dans nos modes de collectivité et de transformer nos manières de (conce)voir le monde qui nous entoure et nous façonne (Zhong Mengual, 2021). Ce colloque cherchera ainsi à mettre de l’avant des approches qui déjouent les visions suprématistes de l’humanité pour envisager d’autres formes de relation au vivant. En effet, si les postures écologiques s’attachent à décentrer le point de vue humain pour explorer les interdépendances et les dynamiques interespèces ou écosystémiques (Naess, 2017 ; Plumwood, 2020), les postures écoféministes permettent d’éclairer les rapports entre les dominations des femmes et de la nature par des épistémologies situées (Hache, 2024 ; Haraway, 1988) alors que les postures décoloniales et postcoloniales contribuent à articuler les luttes contre le racisme et la domination environnementale tout en valorisant des pratiques et des cosmologies alternatives au naturalisme et à l’exploitation coloniale (Shiva, 1998 ; Ferdinand, 2019). Dans un autre ordre d’idées, nous pourrons interroger les tensions entre anthropocentrisme et marchandisation du vivant en contexte technoscientifique contemporain (Lafontaine, 2021). Les thématiques de l’extractivisme, de l’instrumentalisation de la vie et des biotechnologies pourront faire partie de nos discussions. Il s’agira par ailleurs de se demander comment résister au désespoir ambiant et aux discours catastrophistes et apocalyptiques en produisant d’autres histoires, qu’elles relèvent de la « résurgence » (Tsing, 2017) ou du « trouble » (Haraway, 2020). Enfin, l’ensemble de ces réflexions permettra de dessiner les contours d’un « monde commun » (Morizot, 2020), partagé et négocié par tous les terrestres.
En tant qu’elles explorent les modes de perception et de représentation du réel et du monde, les formes documentaires incarnent une ressource d’expérimentation et de questionnement politique. Nous envisageons le documentaire dans une acception élargie, qui inclut diverses formes d’expérimentation sur l’image, le son, le texte et le récit. Différentes démarches documentaires permettent de questionner les problèmes écologiques, les rapports inter espèces et les existences non-humaines en liant les enjeux politiques à des enjeux formels. Les dispositifs formels peuvent ouvrir ou fermer des régimes d’attention : une œuvre qui laisse de l’espace à l’ambiguïté, à la lenteur, au silence, active une attention différente de celle d’un récit spectaculaire. Cette modulation de l’attention peut inviter à l’écoute, au soin, à la cohabitation : autant d’attitudes politiques face au vivant. Les enjeux formels du documentaire — entendus comme des choix esthétiques, narratifs, techniques ou médiatiques — ne sont donc pas accessoires : ils sont inextricablement liés aux modes de relation au monde que chaque démarche propose ou remet en question. L’attention portée aux enjeux formels revient à interroger la puissance politique des formes sensibles, leur capacité à désarmer les habitudes perceptives, à cultiver des alliances inattendues et à réorienter nos manières de faire monde. Ainsi, l’ouverture du colloque aux démarches de recherche-création externes à l’académie vise à rester connecté à des pratiques potentiellement moins normées par les cadres universitaires et à mettre en relief les contributions de celles-ci aux études documentaires.
Nous nous intéresserons en particulier aux propositions qui :
rompent avec les codes formels et narratifs des traditions documentaires et des représentations dites réalistes pour (re)voir le vivant dans sa multiplicité et ses entrecroisements de mondes humains et non-humains ;
proposent de nouveaux récits relatant diverses manières de vivre « dans les ruines du capitalisme » (Tsing, 2017) en solidarité avec les autres êtres espèces ;
croisent des langages et/ou champs d’étude et qui mettent de l’avant des approches intermédiales.
Enfin, nous prioriserons dans notre sélection :
les démarches de recherche-création, qui articulent l’analyse et l’expérience, le savoir et l’expérimentation, la science et l’art ;
un dialogue entre la recherche-création en milieu universitaire et diverses formes de production de savoirs par des créations hors université. »
Modalités de soumission
Ce colloque est ouvert aux chercheur.euses du milieu universitaire et non-universitaire, aux étudiant.es, aux artistes et praticien.nes du documentaire, aux collectifs d’artistes et aux groupes de recherche. Les communications seront d’une durée de 20 minutes, incluant la projection d’images et d’extraits audiovisuels. L’événement se déroulera en présence sur deux jours au début avril 2026 (date à confirmer).
Les propositions de communication d’un maximum de 300 mots doivent être envoyées à revoirlevivant chez uqam.ca, accompagnées d’une courte bibliographie et d’une notice biographique d’un maximum de 100 mots. Elles doivent être soumises au plus tard le 6 juin 2025.
Une réponse vous sera communiquée le 2 juillet 2025
Comité scientifique
Diane Poitras, professeure, École des médias, UQAM, Montréal, Québec
Viva Paci, professeure, École des médias, UQAM, Montréal, Québec
Marion Froger, professeure, Université de Montréal, Montréal, Québec
Marco Bertozzi, IUAV Université de Venise, Venise, Italie
Marjolaine Béland, chargée de cours, École des médias, UQAM, Montréal, Québec
Comité organisateur
Maxime Michaud, étudiant, doctorat en communication, UQAM, Montréal, Québec
Viva Paci, professeure, École des médias, UQAM, Montréal, Québec
Diane Poitras, professeure, École des médias, UQAM, Montréal, Québec
Ketzali Yulmuk-Bray, étudiante, doctorat en études littéraires, UQAM, Montréal, Québec
Références
Barad, K. (2003). « Posthumanist Performativity : Toward an Understanding of How Matter Comes to Matter ». Signs, 28(3), 801–831. https://doi.org/10.1086/345321
Barad, K. (2007). Meeting the Universe Halfway : Quantum Physics and the Entanglement of Matter and Meaning. Durham, North Carolina, Duke University Press.
Braidotti, Rosi. (2013). The Posthuman. Cambridge, Polity.
Castro T., P. Pitrou, M. Rebecchi. (dir.) (2020). Puissances du végétal et cinéma animiste. La vitalité révélée par la technique. Dijon, Les presses du réel.
Ferdinand, M. (2019). Une écologie décoloniale. Penser l’écologiAPdepuis le monde caribéen. Paris, Seuil, coll. « Anthropocène ».
Hache, É. (2024). De la génération. Enquête sur sa disparition et son remplacement par la production. Paris, La Découverte, coll. « Les empêcheurs de tourner en rond ».
Haraway, D. (1988). « Situated Knowledges : The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective », Feminist Studies, 14(3), 575-599, http://www.jstor.org/stable/3178066.
Haraway, D. (2021). Quand les espèces se rencontrent. Trad. F. Courtois-L’Heureux, Paris, La Découverte, coll. Les empêcheurs de penser en rond »._____. (2020). Vivre avec le trouble. Trad. V. Garcia, Vaulx-en-Velin, Les éditions des mondes à faire. coll. « 21st Century Studies ».
Latour, B. (2012). Enquête sur les modes d’existence. Une anthropologie des modernes, Paris, La Découverte.
Morizot, B. (2020). Manières d’être vivant. Enquêtes sur la vie à travers nous. Arles, Actes Sud, coll. « Mondes sauvages ».
Naess, Arne. (2017). Vers l’écologie profonde. Trad. D. Bellec, Marseille, Wildproject, coll. « Domaine sauvage ».
Plumwood, V. (2020). Réanimer la nature. Trad. L. Bury, éd. D. Linder, Paris, PUF.
Shiva, V. (1988). Staying Alive. Women, Ecology and Survival in India. New Delhi, Zed Press.
Tsing, Anna L. (2017). Le champignon de la fin du monde. Sur les possibilités de vivre dans les ruines du capitalisme. Trad. P. Pignare, Paris, La Découverte, coll. « Les empêcheurs de penser en rond ».
Zhong Mengual, E. et B. Morizot. (2018). « L’illisibilité du paysage. Enquête sur la crise écologique comme crise de la sensibilité ». Nouvelle revue d’esthétique, 22(2), 87-96.
Zhong Mengual, E. (2021). Apprendre à voir. Le point de vue du vivant. Arles, Actes Sud, coll. « Mondes sauvages ».
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