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Appel
Date limite de soumission : dimanche 6 janvier 2019
L’ancienne distinction entre nature et culture ne semble nulle part moins opérante que dans l’archipel caribéen. Plus qu’ailleurs, la nature y est un produit historique, issu de multiples transplantations d’espèces botaniques et animales, de l’exploitation des terres et de la reconfiguration des paysages à des fins économiques et politiques. Dans cet espace, aussi, exploitation de l’humain et exploitation de la nature sont indissociables puisque c’est pour tirer profit de l’agriculture caribéenne, que fut organisé le peuplement (forcé) des différentes îles.
Partant, la nature est une présence ambivalente pour les écrivain-e-s qui travaillent à la représenter : elle est le lieu de l’exploitation servile, une force souvent incontrôlable, menaçante dans sa puissance, mais elle est aussi un refuge, l’abri des marrons qui se dissimulent dans ses forêts, une source de rituels et de remèdes ramenés d’Afrique, une terre accueillante dans laquelle s’ancrent les identités caribéennes reconstituées. Pris dans cette histoire, le paysage ne peut pas être un simple arrière-plan, il est un élément symbolique autour duquel se tissent des enjeux de représentation, de définition et de catégorisation, à la fois pour les écrivain-e-s et pour les critiques.
Cette journée d’étude, organisée par les membres de l’association CARACOL, propose donc d’interroger la manière dont ces particularités historiques, sociales et géographiques donnent forme à une expérience singulière de la nature, à une écopoétique spécifiquement caribéenne. Il s’agira d’interroger ici la manière dont ces représentations de la nature contribuent à faire le paysage caribéen : à le dire, le circonscrire, le définir, le catégoriser et à se l’approprier. La perspective de ces journées étant d’orientation comparatiste, nous accueillons les communications portant sur des œuvres de tous les espaces et de toutes les langues de la Caraïbe. Les réflexions pourront s’orienter autour de ces différents axes problématiques :
Paysages caribéens et discours nationalistes
Penser une identité caribéenne uniforme est un défi pour des écrivains-e-s issu-e-s d’îles aux langues, aux histoires coloniales et aux situations administratives parfois très éloignées. Dans ce cas, la nature et ses pratiques permettent de dessiner les contours d’une identité et d’une littérature caribéennes transnationales et translinguistiques, fondées sur des paysages communs et des pratiques spécifiques de la nature. S’ancrant dans les cultures populaires et religieuses, les littératures caribéennes travaillent alors à établir un rapport non colonial aux natures et paysages archipéliques, notamment en investissant des objets significatifs comme la calebasse, certains arbres ou certaines espèces animaleacs.
Urgences écologiques et écritures de la crise
Colonisation, globalisation et expansion néolibérale ont modifié durablement le paysage caribéen à travers l’exploitation des ressources naturelles et le développement de l’industrie touristique. Le déséquilibre qui en résulte accroît les conséquences des catastrophes naturelles qui touchent les Caraïbes. Il convient alors d’analyser la manière dont les littératures pensent et représentent l’interaction entre l’humain et son environnement. Nous pourrons donc ici nous interroger sur ces récits ancrés dans les changements climatiques (anciens ou récents), leur analyse du présent et leur portée politique, explicite ou plus indirecte.
Perspectives écoféministes
La nature caribéenne est couramment personnifiée sous les traits d’une mère-nature généreuse, d’une amante sensuelle, ou d’une femme à dompter et conquérir. En retour, le corps féminin pourra être célébré à travers des métaphores naturelles. Dans les deux cas, féminin et naturel s’entrecroisent jusqu’à sembler parfois se confondre. Cet axe sera l’occasion de penser les enjeux qui sous-tendent ces représentations, mais aussi la manière dont les écrivain-e-s parviennent à s’en saisir, à les moquer ou à les subvertir. Il permettra aussi d’interroger la manière dont sont pensées les pratiques féminines de la nature, dans une opposition parfois explicite avec les pratiques masculines du jardin, du champ ou de la plantation. Enfin, nous pourrons questionner l’existence d’une éthique féminine de la nature dans ces différents textes, en l’articulant avec les pensées et discours écoféministes.
Épistémologie de la nature
Les représentations du paysage reposent sur des savoirs spécifiques et contribuent à faire la géographie littéraire des Caraïbes. Ainsi, dans les textes coloniaux, la nature caribéenne est classée, nommée, analysée pour servir des intérêts à la fois scientifiques et économiques. Cet héritage épistémologique pose problème dans une perspective postcoloniale : quelle typologie, quelle nomenclature, quelles ressources utiliser pour représenter le paysage ? Comment, aussi, mettre en scène les savoirs spécifiques caribéens sans les transformer en une ressource épistémologique pillable et exploitable ? On pourra interroger le langage littéraire comme renouveau de la représentation du paysage caribéen et envisager l’étude d’une éco-poétique caribéenne qui contribue à redonner du sens à la nature.
Mémoires, histoires et paysages
Les écrivains de la Caraïbe représentent un paysage caribéen marqué par son histoire : des plantations de canne à sucre aux espaces isolés du marronnage. Mais l’historicité de la nature caribéenne est doublement problématique : d’une part, la nature est monument, comme l’affirme Glissant, elle est porteuse d’histoire et non refuge de l’anhistorique. Mais elle est aussi porteuse d’une histoire lacunaire, le mouvement de régénération naturelle entrant en concurrence avec la fossilisation nécessaire à la constitution d’une mémoire collective. Nous pourrons ici interroger le rôle de la nature dans la reconstitution d’une histoire caribéenne lacunaire et la manière dont les récits travaillent à faire de la nature un personnage des histoires caribéennes.
Utopies de la nature : le paradis caribéen
Dans les discours coloniaux, puis néocoloniaux (notamment ceux vantant l’attractivité touristique de certaines îles), le paysage caribéen est célébré comme un Éden retrouvé, Eldorado des conquistadores et des occidentaux en quête de plage et de soleil. Lorsqu’ils et elles représentent le paysage, les écrivain-e-s doivent donc composer avec ces imaginaires de la nature, en particulier dans des situations où leur lectorat est partiellement ou majoritairement européen ou nord-américain. Nous pouvons dès lors interroger la manière dont les écrivain-e-s ont travaillé et travaillent les mythes de la nature, représentent ces paysages rêvés et les confrontent avec la réalité géographique, écologique et sociale de l’archipel.
Modalités de soumission
Les propositions de communication, d’une longueur de 400 mots maximum, accompagnées d’une brève biobibliographie, sont à envoyer à caracol.journeedetude chez gmail.com pour le 6 janvier 2019 au plus tard.
Ces journées d’étude sont organisées par l’association CARACOL (Observatoire des littératures caribéennes). Cette association a pour vocation de réunir les doctorant-e-s et jeunes chercheur-e-s qui travaillent autour des littératures de l’espace caribéen (entendu au sens large et incluant les côtes continentales bordées par la mer des Caraïbes -Colombie, Guyanes-), afin de constituer un espace de fédération et d’échange. L’association se propose de stimuler les liens entre ses membres à travers l’organisation de rencontres scientifiques dans le cadre de journées d’études, ou de séminaire.
Date limite de soumission : vendredi 14 juin 2019
Page créée le dimanche 6 janvier 2019, par Dominique Taurisson-Mouret.