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Appel
Date limite de soumission : samedi 22 janvier 2022
La troisième édition des « Rencontres du XIXe siècle » des jeunes chercheurs dix-neuvièmistes (doctorant.e.s et jeunes docteur.e.s) se tiendra les 9 et 10 juin 2022 à Dijon, à l’Université de Bourgogne, sous le patronage de la Société d’Histoire de la Révolution de 1848 et avec le soutien du laboratoire LIR3S (UMR CNRS 7366)
Les propositions de communication (en français ou en anglais, de 2000 signes maximum) devront être envoyées à rencontres19eme chez gmail.com avant le 21 janvier 2022, accompagnées d’un court CV.
À compter des années 1970-1980, la notion de « nature » a nourri une réflexion critique dans les sciences humaines et sociales, portée par des préoccupations écologiques montantes. Elle est dorénavant comprise comme une idée occidentale, progressivement forgée au cours de la première modernité afin de désigner l’univers animal, végétal et minéral (Descola, 2005 ; Laneyrie-Dagen, 2010), entraînant sa mise à distance progressive et légitimant son exploitation. La nature s’est ainsi imposée comme un objet historique permettant d’interroger les pratiques et les imaginaires des sociétés d’autrefois, donnant ainsi naissance à l’histoire environnementale. En effet, depuis lors, le terme concurrent « d’environnement » est souvent privilégié pour étudier les interactions concrètes entre populations humaines et non humaines. La compréhension du xixe siècle a particulièrement bénéficié de ce renouvellement historiographique, que ce soit en histoire culturelle, politique ou encore économique.
En effet, dans le sillage du « siècle des Lumières », plusieurs environnements font l’objet de pratiques alliant récréation et prophylaxie, que ce soit la montagne avec la « cure d’air » (Briffaud, 1994), les littoraux avec l’invention de la plage (Corbin 1988) ou encore la savane avec la pratique des « grandes chasses » (Venayre, 2016). Chez les citadins du « Vieux Continent », taraudés par l’épuisement, de telles activités s’imposent ; leur succès pousse les pouvoirs publics à « commercialiser la nature » (Hagimont, 2017), à aménager ces espaces pour y développer le tourisme, tandis que s’inaugurent des cultures nationales de protection de la nature (Mathis et Mouhot, 2015). Aussi, aux États-Unis, la wilderness justifie-t-elle les premiers parcs naturels à partir de 1872, avec la création du Yellowstone National Park. L’essentiel n’en demeure pas moins que l’imaginaire du progrès, l’industrialisation, l’accélération des transports, l’accroissement de l’extraction minière, de l’exploitation végétale et animale stimulent l’imaginaire d’un progrès humain reposant sur la domination de la nature. Le développement d’un capitalisme internationalisé accélère cette marchandisation, mettant en contact des populations entretenant des rapports différents à leur environnement, engendrant de nouveaux phénomènes de pollutions et de contaminations (Le Roux et Jarrige, 2017). Les terrains coloniaux représentent aussi bien des dispositifs de valorisation de la nature au détriment des populations locales, qui se trouvent parfois réduites à la famine (Davis, 2006), que des laboratoires privilégiés de conservation de la nature et de genèse d’une pensée environnementale (Grove, 1996). Pour toutes ces raisons, en ce temps, apparaîtrait donc « un nouveau régime écologique et politique » (Charbonnier, 2020).
Par ailleurs, tout au long de la période, la littérature (que l’on songe au Moby Dick de Melville en 1851) ou la peinture (Le voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar D. Friedrich en 1818) entretiennent l’image d’une nature indomptable, parfois destructrice. La méconnaissance, encore grande, des principaux phénomènes naturels (météorologiques, sismiques, volcaniques, etc.) préoccupe le monde savant, qui fonde dès lors de nouvelles disciplines afin d’en élucider les mécanismes et tenter d’en limiter les impacts (Corbin, 2020). Les discours sur la nature qui doit être maîtrisée portent également sur les humains, naturalisant ainsi les différences et inégalités entre groupes sociaux. Pour preuve, la médecine puis l’anthropologie d’alors mesurent le niveau de développement des sociétés humaines en fonction de leur proximité avec la nature, signe certain, croit-on alors, de « primitivité ». Les représentations évolutionnistes, qui s’imposent peu à peu avec les écrits de Charles Darwin, confortent l’association entre nature et sauvagerie et, dans les dernières décennies, l’opposition nature-culture se structure dans l’imaginaire occidental (Stocking, 1987 ; Descola, 2005). Les représentations de la nature légitiment ainsi des formes de domination, que ce soient celles des hommes sur les femmes, des Européens sur les sociétés extra-européennes ou encore des notables sur les ouvriers.
La nature est aussi au cœur des révolutions artistiques, notamment picturales. La peinture de paysage fait l’objet d’un intérêt croissant tout au long du siècle et connaît de profondes mutations. Si le début de la période est marqué par le paysage recomposé et parfois intégré à la peinture d’histoire selon une tradition académique, la nature devient vite propice à la contemplation, au spirituel. Le paysage traditionnel est aussi transformé en spectacle naturel grâce à la matière, aux effets de mouvement et de lumière d’un Turner, relayé par les impressionnistes qui cherchent à représenter l’insaisissable – une nature « invisible », faite de vibrations et de variations – pour aboutir à l’explosion des couleurs. Le développement de la photographie ouvre aussi vers une multitude de représentations de la nature, même lointaines, suivant différents formats, de points de vue, d’abord inspirées par la peinture puis s’en éloignant. La photographie transforme également la perception du corps et de la nudité. Si la tradition du nu académique perdure, le corps malmené apparaît aussi comme un symbole de l’exploitation de la nature et un leitmotiv de la peinture et de la sculpture réalistes.
Ces quelques éléments, loin d’être exhaustifs, montrent bien l’importance du thème au xixe siècle. Ils invitent à de nombreux questionnements que le colloque se propose d’explorer. Les Rencontres se tiendront les 9 et 10 juin 2022 à Dijon, à l’Université de Bourgogne, sous le patronage de la Société d’Histoire de la Révolution de 1848 et avec le soutien du laboratoire LIR3S (UMR CNRS 7366) Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche Sociétés, Sensibilités, Soin. Le logement sera pris en charge ou assuré de façon collaborative par des doctorant.e.s, deux repas seront pris en charge par les organisateurs, mais les frais de déplacement seront à la charge des participant.e.s et/ou de leur laboratoire de rattachement.
Les communications pourront porter sur tout type de contexte, local, colonial et/ou national et sont invitées à explorer un ou plusieurs des axes suivants.
Axe 1. La nature comme capital : une ressource à exploiter et administrer
L’industrialisation et les nouveaux usages des ressources naturelles
La pollution industrielle
Les représentations hygiénistes de la nature
La mise en marché de la nature
Politiques de conservation et patrimonialisation de la nature
Axe 2. La nature comme justification : naturalisation(s) et légitimation(s)
La « nature » comme fondement de légitimation des hiérarchisations et des inégalités de genres, de races et de classes
Les discours sur l’association entre nature et sauvagerie
Le statut des « non-humains » et le rapport à l’animalité
La naturalisation des inégalités socio-économiques dans la construction des empires coloniaux
« Droit naturel » et revendication démocratique
Axe 3. La nature comme refuge
L’essor du tourisme dans les espaces dits « naturels »
La critique de la partition nature/culture chez les socialistes, utopistes, anarchistes, transcendentalistes ou naturistes
Les espaces dits « sauvages » comme lieux d’évasion et de modes de vie alternatifs (voyageurs-aventuriers, beachcombers dans les îles du Pacifique, etc.)
La végétation urbaine (parcs, jardins, arbres d’agréments, etc.)
Résister à la marchandisation : la nature comme « commun » démocratique
Axe 4. La nature, objet de collections, de savoirs et d’imaginaires
La naissance, le développement et l’institutionnalisation des sciences de la nature (géographie, géologie, volcanologie, glaciologie, météorologie, écologie, etc.)
Le développement des collections d’objets « naturels »
Usages et traitements littéraires de la nature (courant dit « naturaliste », robinsonnades et littérature de naufrage, récits d’exploration, etc.)
Apport de la photographie pour la connaissance, l’exploration et la diffusion des images de la nature
La nature dans l’espace domestique urbain : les papiers peints et les plantes exotiques, etc.
Axe 5. La nature et les arts visuels
Représenter la nature visible/invisible
Nature, ruralité et représentation des inégalités sociales
Le traitement du corps comme symbole
Comité scientifique et d’organisation :
Nicolas Cambon (Université Toulouse Jean Jaurès)
Eléonore Chanlat-Bernard (EHESS)
Alexandre Frondizi (Université de Neuchâtel)
Arnaud Malaty (Université de Bourgogne)
Cédric Maurin (Sorbonne Université)
Camille Mestdagh (Université de Bourgogne)
Eric Sergent (Université Lumière Lyon 2)
Emma Sutcliffe (Université de Bourgogne)
Benoit Vaillot (Université de Strasbourg & Centre Marc Bloch)
Colloque
9-10 juin 2022 (Université de Bourgogne)
Page créée le jeudi 14 avril 2022, par Webmestre.