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Appel
Date limite de soumission : lundi 30 octobre 2023
Depuis les années soixante, décennie des indépendances politiques en Afrique majoritairement, les pays décolonisés se sont lancés selon des fortunes diverses dans des processus diversifiés d’appropriation du savoir scientifique qui était auparavant l’apanage des puissances coloniales, tout particulièrement dans le domaine des sciences sociales. Ces dernières, notamment les travaux portant sur le monde rural, avaient été mobilisées dans une vision développementaliste qui accordait à cet espace et aux études s’y rapportant une place prépondérante.
Au fil des décennies cependant, l’intérêt pour le monde rural et pour l’analyse de la « ruralité » s’est progressivement étiolé, remplacé par d’autres centres d’intérêt et par d’autres objets scientifiques au fur et à mesure que s’accélérait l’urbanisation de ces pays, avec son cortège de nouveaux problèmes et défis. Les dynamiques pluridimensionnelles internes aux sociétés des Suds (politiques publiques et scientifiques, croissance démographique et urbaine, conflits sociaux…), ont joué dans l’intérêt faiblissant pour le monde rural un rôle central, relayé et encouragé par l’extérieur via la mise en place de programmes de coopération sous la houlette des bailleurs de fonds qui ont orienté, par la mobilisation des ressources financières, l’attention de ces pays vers d’autres objets de recherche. Les évolutions constatées ces vingt dernières années montrent ainsi de manière claire la mise en place de formes d’aides au développement centrées sur le transfert de recettes techniques et technologiques (informatique, logiciels…) qui ont eu tendance à ignorer les spécificités des mondes ruraux et à développer des interactions inégalitaires au sein de groupes réticulaires de chercheurs Nord/Sud et, plus rarement des collaborations concertées entre les réseaux Sud/Sud.
Dans les pays du sud en effet, les situations sont contrastées. On observe à cet égard qu’en Amérique du Sud, les sciences sociales ont été marquées très tôt par un travail de distanciation épistémique et théorique, voire sémantique et littéraire à l’égard des paradigmes coloniaux et néocoloniaux. Ce qui ne semble plutôt pas le cas dans les ex-pays colonisés d’Afrique où l’objet ruralité est resté en partie prisonnier des paradigmes et schémas d’analyse coloniaux, à l’exception de quelques tentatives de renouvellement des problématiques et avancées conceptuelles émanant d’individus ou de groupes ponctuels de chercheurs.
Dans le Maghreb en particulier, les sociétés rurales dans leurs dynamiques de changements profonds au double niveau des pratiques sociales et des attitudes culturelles sont devenues quasiment invisibles dans les champs de la recherche sociologique et anthropologique depuis quelques années, alors qu’elles avaient paradoxalement considérablement inspiré les travaux de sociologues et d’anthropologues occidentaux qui avaient marqué leur temps (Ernest GELLNER, Jacques BERQUE, Pierre BOURDIEU, Germaine TILLON et d’autres). La sociologie rurale n’est plus enseignée comme spécialité dans les cursus de formation académique en Algérie, en Tunisie, ou est alors réduite à des enseignements d’appoint notamment dans les formations d’ingénieurs agronomes. Elle reste prolifique au Maroc, mais a perdu de sa distanciation critique. Ne s’agit-t-il pas de la manifestation d’un double processus : une lente digestion du savoir occidental en matière des sciences sociales appliquées à la ruralité et un manque de moyens intellectuels et techniques d’appréhender ce milieu.
Notons enfin le paradoxe de l’absence d’intérêt pour la ruralité dans ses dimensions matérielles, immatérielles dans les pays du Maghreb qui ont vu, en l’espace de trente années seulement, un renversement démographique radical induit par la ruralisation effrénée des villes devenues le réceptacle de masses considérables de populations rurales. Cette nouvelle “ru-rbanité” constitue pourtant un cadre de réflexion et de production scientifique potentiel de premier choix pour les sciences sociales ruralistes.
Au Brésil, le dialogue avec les études rurales sur le Maghreb s’est réalisé, surtout, à partir des travaux menés dans cette région par Pierre BOURDIEU et Addelmalek SAYAD. Les études de ces derniers à propos du processus de déracinement de la paysannerie Kabyle a eu une influence notable sur les premières recherches sociologiques et anthropologiques brésiliennes effectués dans les années 1970 concernant la logique de reproduction et de déplacement spatiaux de la paysannerie du Nord-est du pays. En outre, l’avancée de la perspective post-coloniale dans les sciences sociales brésiliennes s’est établie au cours des dernières années parallèlement au dialogue avec les études de Bourdieu en Algérie qui passent par des thèmes tels que les idéologies de la modernisation, le genre et la génération, le traditionalisme et la conscience temporelle, l’oligarchie agraire et la colonialité.
Il est donc nécessaire dans ces conditions de poser le problème de cette cécité de la société et de l’université vis-à-vis de la ruralité dans les pays décolonisés sur un plan plus large, plus sociétal, comme traduction d’un rejet inconscient de leur mémoire et de leurs consistances rurales par les nouvelles sociétés qui se construisent dans les villes du Maghreb et d’ailleurs. La stigmatisation non déclarée, inconsciente du rural, le déni de cette dimension constitutive des identités que l’on retrouve dans les représentations et les pratiques sociales des nouvelles populations des villes ne seraient ainsi in fine que l’effet pervers d’une fausse représentation de la modernité sociale dans le contexte post colonial. Laquelle représentation se trouve davantage complexifiée sous l’effet de la mondialisation qui pose grandement la question de la place de la paysannerie dans une économie globalisée.
Objectifs et axes privilégiés
L’objectif du colloque est d’entamer un travail d’inventaire empirique, théorique et épistémique des sciences sociales rurales dans/sur les Suds depuis la décolonisation jusqu’à la mondialisation (1960- 2023).
Il s’adresse en priorité aux sociologues, anthropologues et géographes, mais sera ouvert aux autres champs disciplinaires (histoire, économie, littérature…) et transdisciplinaires (genre, environnement, périurbain…).
Axes thématiques
Axe1 : L’état des lieux de la recherche ruraliste depuis les années soixante à nos jours : thématique de recherche, méthodes, groupes sociaux étudiés, rapports des chercheurs avec les pouvoirs politiques…
Axe2 : Témoignages et analyses réflexives autour des expériences collaboratives Nord/Sud et Sud-Sud ;
Axe3 : Les forces et les insuffisances des théories post-coloniales ruralistes et plus généralement, de la démarche critique et distanciée.
Calendrier
24 novembre 2023 : clôture de la réception des propositions ;
15 décembre 2023 : sélection des propositions et retours aux auteur.e.s ;
15 mars 2024 : envoi de la première version des manuscrits ;
30 mars 2024 : envoi du programme et des modalités pratiques de participation
15 avril 2024 : envoi du programme définitif aux participant.e.s
23-24-25 avril 2024 : tenue du colloque
Les propositions de communication sont à adresser dans une des langues de travail à colloqueruralitetunis chez gmail.com
Consignes aux participants
Les résumés ne doivent pas dépasser une page A4, et doivent comporter le titre de la communication, le.s nom.s des auteur.e.s, leur affiliations, le contact (mail), un texte en Times New Roman, caractère 12. Les communications se feront dans la langue de choix de l’intervenant (arabe, anglais, français, portugais), mais les PPT devront être présentés en français ou en anglais, ils seront accompagnés d’un long résumé dans l’une ou l’autre de ces deux langues (aucune traduction simultanée n’est programmée). Les textes complets doivent respecter les normes suivantes : 40 000 signes maximum, environ 25 pages, police Times New Roman, caractère 12.
La publication d’un numéro articulé entre la Revue Tunisienne des sciences sociales et la revue brésilienne Contemporanea est programmée à l’issue du colloque et après évaluation des textes.
Frais de participation et prise en charge : Enseignant.e.s-chercheurs.euses : 30 € ; étudiant.e.s : 10€. Les organisateurs prennent en charge les repas du midi et les pauses café. Quant à l’hébergement il sera à la charge des participants. Des informations utiles vous seront adressées avant la tenue de l’évènement.
Organisation
Le colloque se tiendra dans les locaux de la FLAHM et du CERES et sera organisé par : Le Laboratoire Géomatique des Géosystèmes, Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de Manouba, université de la Manouba (Tunisie) ; le Centre d’études et de recherches économiques et sociales (CÉRÉS), organisme public de recherche dépendant du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique ; L’université Fédérale de São Carlos- Brésil, Groupe de Recherche Ruralités, Environnement et Société (RURAS) ; Le Groupe de Recherche Petites Paysanneries GPP-GPP Suds (France), un réseau de chercheurs du Nord et du Sud ;
Cet événement qui se tiendra à Tunis sera également l’occasion de rendre hommage à Abdelmalek SAYAD dont la posture scientifique et symbolique, l’expérience collaborative pionnière qu’il réalisa avec Pierre Bourdieu sur les paysans algériens et, plus tard sur l’immigration algérienne en France ont permis de fécondes orientations épistémologiques.
Coordination
Ali ABDALLAH, économiste, Centre d’études et de recherches économiques et sociales (Tunisie) ; Rodrigo CONSTANTE MARTINS, Pr. de sociologie, Département de sociologie de l’Université fédérale de São Carlos, Groupe de recherche RURAS (Brésil) ; Ali HANAFI, géographe, Laboratoire Géomatique des Géosystèmes, FLAH, Université de la Manouba (Tunisie) ; Mohamed Raouf SAÏDI, sociologue, chercheur associé au Ladyss-CNRS, Groupe Petites Paysanneries (France).
Comité scientifique
Ali ABDALLAH, économiste, CERES, Tunisie
Philippe ADAIR, sociologue, Université Paris-Est Créteil, France
Fadma AIT MOUS, sociologue, FLSH Aïn-Chock Casablanca, Maroc
Brahim BENMOUSSA, sociologue, Université d’Alger 2, Algérie
Omar BESSAOUD, économiste, CIHEAM-IAM Montpellier, France
Said BOUJROUF, géographe, Université Caddi Yadh, Maroc
Jeanne CHICHE, géographe, Maroc
Rodrigo CANSTANTE MARTINS, sociologue, Université Fédérale São Carlos, Brésil
Ali DAOUDI, économiste, ENSA, Algérie
Mohamed ELLOUMI, agroéconomiste, INRAT, Tunisie
Seddik FAZAI, géographe, Université de Tunis, Tunisie
Tarik GHODBANI, géographe, Université Oran 2, Algérie
Abdelhafid HAMMOUCHE, Clersé-CNRS, Université de Lille, GPP, France
Ali HANAFI, biogéographe, LR G&G, FLAHM - Université de la Manouba, Tunisie,
Taoufik MELKI, climatologue, LR G&G, FLAHM - Université de Manouba, Tunisie
Marilda A. MENEZES, sociologue, Université Fédérale do ABC, Brésil
Hédi RIAHI, géographe, LR G&G, FLAHM - Université de la Manouba, Tunisie
Bruno ROMAGNY, économiste, Institut de Recherche pour le Développement, France
Madani SAFAR-ZITOUN, sociologue, Algérie
Mounir SAÏDANI, sociologue, CERES, Tunisie
Mohamed Raouf SAÏDI, sociologue, Ladyss-CNRS, GPP, France
Caroline TAFANI, géographe, Université de Corse, France
Naoufel ZIADI, économiste, CERES, Tunisie
Comité d’organisation
Ali HANAFI (Tunisie)
Oumayma ARIDHI (Tunisie)
Chiraz BELHAJ KHEDHER (Tunisie)
Khadidja BENDOUINA (Algérie)
Noura BRAHMI (Tunisie)
Wahiba DEHBI (Algérie)
Oumayma ELGHALI (Tunisie)
Anis GUESMI (Tunisie)
Romadhan HADDAD (Tunisie)
Rim KATLANE (Tunisie)
Mounira KEBAILI (Tunisie)
Adel KLAI (Tunisie)
Dalel MAKHLOUFI (Tunisie)
Ana SABADIN (Brésil)
Hamouda SAMAALI (Tunisie)
Hédi ZENATI (Tunisie)
Colloque
Du 23 au 25 avril 2024 (Université de la Manouba (Tunisie))
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