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Appel
Date limite de soumission : vendredi 8 mars 2024
Dossier dirigé par Aminata KANE et Moussa SAMBA, Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Depuis plusieurs années la question de la valorisation des savoirs endogènes est suspendue aux lèvres des académiciens et des organisations non gouvernementales (ONG). Pendant longtemps, ils avaient, semble-t-il, négligé la contribution de ce type de patrimoine à la science. Ces réflexions ne sont pas nouvelles au regard de l’histoire qui les conditionne, d’autant plus que ces savoirs suscitent des orientations épistémologiques, sociales, politiques et médiatiques. La marginalisation des savoirs endogènes aurait pour départ la traite négrière (M’Bokolo, 1998), les questions liées au droit colonial, le code noir des indigènes (Doguet, 2009) et la mission civilisatrice qui sous-tendait l’idée d’élever les civilisations inférieures au niveau de la civilisation occidentale Dans la même veine, le manque de consensus sur leur dénomination, tantôt considérées comme des savoirs traditionnels, savoir locaux (Geertz, 1986), savoirs vernaculaires, savoirs autochtones (Barrou & Crossman, 2001), savoirs indigènes, savoirs endogènes (Hountondji, 1994) témoigne de l’intérêt qu’ils suscitent et l’importance de trouver une définition englobante pouvant satisfaire les détenteurs de ces savoirs et les scientifiques notamment avec les travaux amorcés sur leur possible classification (Agrawal, 2002).
Il existe différents projets qui s’inscrivent dans un processus de valorisation de ces savoirs, notamment ceux des Nations Unis (1992) d’une part qui reconnaissent que « les communautés locales et des populations autochtones dépendent étroitement et traditionnellement des ressources […] sur lesquelles sont fondées leurs traditions et qu’il est souhaitable d’assurer le partage équitable des avantages découlant de l’utilisation des connaissances (endogènes), des innovations et des pratiques traditionnelles intéressant la conservation de la diversité biologique et l’utilisation durable de ses éléments ». Ceux de l’Unesco (1972, 2003, 2005) qui à travers son programme « Systèmes de savoirs locaux et autochtones » d’autre part, insiste sur la dimension matérielle et immatérielle des savoirs endogènes en les considérants comme des « pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire ainsi que des instruments, objets, artefacts et espaces culturels » […] que les communautés, les groupes et, […] les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine
Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, et « recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine » (Unesco, 2003). Ainsi, Béatrice Collignon (2005), dans le Bulletin de l’Association de géographes français, stipulait que les travaux en ethnoscience des années 1950, ainsi que ceux Claude Lévi-Strauss (La pensée sauvage) ont montré que « les savoirs vernaculaires sont une construction intellectuelle et ne peuvent être réduits à une praxis fondée sur l’expérience empirique. (Les savoirs endogènes) s’élaborent dans un mouvement de mobilisation conjointe d’unités d’informations de types très divers issues de l’expérience, de raisonnements abstraits relevant […] de réflexions d’ordre philosophique, de la spiritualité́ individuelle et collective, de croyances, de rêves et d’émotions qui, ensemble, forment ces savoirs » (Collignon, 1996). Cette dimension matérielle et immatérielle tend à propulser des réflexions sur les techniques et méthodes de conservation pour
la raison qu’ils font partie du patrimoine socio-culturel africain. Les travaux de Hountondji (1994) ont joué un rôle important dans la déclinaison d’un cadre définitionnel des savoirs endogènes et à les différencier des savoirs exogènes. Les organismes internationaux tels que l’Unesco, le Codesria, Enda tiers monde, l’Institut des Mondes Africains (IMAF), etc. ont compris les enjeux patrimoniaux et identitaires qui les sous-tendent. Cette prise de conscience a donné naissance à des initiatives importantes ambitionnant dans ce même sillage l’enseignement des langues locales puisque les savoirs endogènes ont la particularité d’être transmis par ces biais.
Cet appel à contribution s’inscrit dans la continuité des préoccupations philosophiques de Valentin Yves Mudimbe, qui prône la construction d’une “science autochtone” qui chercherait à appréhender les réalités socio-culturelles africaines en réinventant l’Afrique. Il est question d’une déconstruction critique des discours sur l’Afrique en reconstituant la Bibliothèque coloniale qui impliquerait la “fabrique” d’une archéologie des représentations de l’Afrique en dépassant les discours universalistes dominant portés par les « polices discursives » (Mudimbe, 1988 : 34). Car, en effet, pour l’auteur, « constituer la discursivité en objet, c’est supposer qu’en toutes circonstances il n’est pas possible de dire n’importe quoi, n’importe comment et en n’importe quel lieu, et que ces coordonnées définissent une identité énonciative. Dans l’espace discursif, le même se constitue dans l’autre, le dehors investissant le dedans par le geste même qui l’expulse. Le discours ne peut être reconnu et cru que s’il peut offrir la preuve du contraire. Le discours n’a raison que dans la mesure où l’on croit que c’est bien l’autre qu’il détruit et non son simulacre » (Bisanswa, 2000). Il est donc question d’investir les sciences humaines et sociales en analysant le regard neuf que peuvent apporter les savoirs endogènes aux études postcoloniales et aux sciences de l’information et de la communication dans la mesure où ils émanent de pratiques communicationnelles invitant à des réflexions sur les modalités d’appropriation, mais surtout sur la manière dont ces savoirs se construisent, se transmettent et se pratiquent au sein des communautés. Cet appel se propose de faire un examen critique sur l’adhésion, la contribution et la posture éthique et scientifique des chercheurs s’intéressant à ces savoirs.
Le cadre thématique de cet appel sera décliné sous six (6) axes. Que pouvons-nous apprendre des savoirs endogènes ? Doit-on parler de savoirs ou de connaissances endogènes ? Comment peuvent-ils modifier le rapport aux savoirs scientifiques ? Comment caractériser leur place au sein de la communauté scientifique et dans les différents savoirs ? Quelle légitimité peut- on conférer aux savoirs endogènes ? Faut-il nécessairement des stratégies de validations pour leur attribuer une scientificité reconnue ? Et quelle est la responsabilité des scientifiques, des organismes non-gouvernementaux et des organismes internationaux et des institutions documentaires (Archives, Bibliothèque et Musée) ? Cet appel ambitionne d’explorer les apports transversaux entre savoirs endogènes et savoirs exogènes, leurs points de convergences ou de divergences ou encore les stratégies de patrimonialisation qui peuvent être mises en œuvre. La patrimonialisation est ici entendue sous deux formes : la première entend examiner la diversité des savoirs dits locaux ou endogènes en les considérant comme des « objets patrimoniaux » (Davallon, 2006). La seconde implique l’examen des actions permettant de faire de ces connaissances matérielles, immatérielles, symboliques et sacrées des objets patrimoniaux destinés à être sauvegardés.
Axes
Le comité scientifique invite les chercheurs à soumettre des contributions originales portant sur la thématique « savoirs endogènes en question ». Les propositions doivent partir d’une part de réflexions sur les enjeux de la préservation, de la transmission, de la circulation et de la validation des savoirs endogènes, et d’autre part, d’études de terrain et de recherches actions participatives. Ainsi, les propositions pourront s’inscrire dans les axes suivants :
L’axe 1 porte sur les questions épistémologiques et sémantiques entre savoirs traditionnels, savoirs endogènes, savoirs vernaculaires et l’oralité dans la transmission des connaissances, puisqu’ils s’orientent sur des formes d’organisation sociales et culturelles. Cet axe sera le lieu d’examiner l’apport du folk science (ethnoscience), en ce sens qu’elle participe « d’une démarche ethnographique visant à mettre en lumière les processus et systèmes cognitifs, particulièrement dans leurs aspects classificatoires et nomenclaturaux, processus et systèmes ayant permis et permettant aux sociétés une mise en ordre opérationnelle des faits, objets et phénomènes de leurs environnements naturels et aussi sociaux » (Barrau et al., 1985). Il s’agira de discuter de l’apport des conventions des Nations Unies, de l’Unesco notamment à travers le Protocole de Nagoya (2010) dans le processus de valorisation des savoirs endogènes, en ouvrant des pistes de réflexion orientées entre autres sur leur complémentarité avec les archives culturelles, leur patrimonialisation et les enjeux relatifs à la propriété intellectuelle.
L’axe 2 interroge l’apport des savoirs endogènes pour la compréhension des objets culturels exposés dans les musées en mettant en perspective les questions liées à la sacralité, au visible et à l’invisible (symbolique et mystique) et à l’exposition d’objets qui relèvent souvent du secret. Ces questions interpellent d’abord la manière de considérer les objets (simple objet exposé, culturel) et la dimension cultuelle qui les traverse et qui leur donne du
L’axe 3 questionne l’identité et l’interculturalité dans la construction des savoirs endogènes en interrogeant les possibles critères de classification de ces connaissances, et en appréhendant leur apport au développement des Sciences de l’Information et de la Communication (SIC).
L’axe 4 : ici, les réflexions pourront porter d’une part, sur la scientificité des savoirs endogènes (les outils et les moyens de validation, les techniques de collecte et de mise à disposition). D’autre part, sur les stratégies de valorisation par le numérique, notamment avec le web sémantique, en examinant leur impact sur la société, la promotion des langues locales, les pratiques culturelles et la défense des droits des
L’axe 5 : il s’agira d’appréhender l’articulation entre l’ouverture des savoirs (sciences ouvertes), la justice cognitive, les communs du savoir et les savoirs endogènes, puisque la tendance actuelle implique une mouvance vers une épistémologie sociale. Cette dernière « analyserait la dimension sociale de la connaissance. Celle-ci a non seulement des sources directes, celles auxquelles le sujet a lui-même accès, mais aussi des sources indirectes reposant sur la confiance ou sur l’autorité accordée à autrui. Elle s’intéresserait donc aux conditions de la transmission de l’information venant d’autrui, et aux relations de confiance et d’autorité épistémiques, notamment dans le domaine des sciences » (Bouvier & Conein, 2007).
L’axe 6 propose d’explorer le rôle des femmes comme réceptacle de certains savoirs afin d’observer comment ces derniers s’élaborent, se transmettent, se complètent et évoluent dans le temps, en tenant compte des rapports sociaux et des identités genrées. Les contributions pourront mettre l’accent sur le genre comme facteur important dans la transmission des savoirs et son inscription dans les rapports socialement construits entre hommes et
Modalités de soummission
L’article final doit comporter au maximum 6 000 mots (espaces, notes, figures, résumés, textes compris). Il comporte :
Titre de l’article en français et en anglais ;
Prénom Nom de l’auteur ou des auteurs ;
Rattachement institutionnel (université et laboratoire), adresse mail professionnelle ;
Résumé de l’article en français et en anglais (une dizaine de lignes avec cinq (5) mots-clés maximum.
Les auteurs intéressés sont appelés à soumettre leurs articles avant le 8 mars 2024 en texte intégral (en format Doc, Docx Odt) aux adresses suivantes :
rssi-ebad chez ucad.edu.sn
aminata18.kane chez ucad.edu.sn
moussa.samba chez ucad.edu.sn
Calendrier
Date de lancement de l’appel : 1er décembre 2023
Date limite envoi des articles : 8 mars 2024
Notification d’acceptation : 10 avril 2024
Retour de articles corrigés : 10 mai 2024
Publication : juin 2024
Comité scientifique
Adma Aly PAM (UNESCO-Paris)
Ahmeth NDIAYE (EBAD-UCAD-Sénégal)
Aida SLAVIC (Universal Decimal Classification Consortium - Pays-Bas)
Alain KIYINDOU (MICA, Bordeaux)
Angèle STALDER (Université Lyon 3 - France)
Béatrice FLEURY (Université de Lorraine – France) Bernard DIONE, (EBAD-UCAD-Sénégal)
Christian COTE (Université Lyon 3 - France)
Dimitri Régis BALIMA (Université Joseph KI-Zerbo)
Djibril Diakhaté (EBAD-UCAD-Sénégal)
Edouard VASSEUR (École nationale des chartes, France)
Emmanuelle CHEVRY PEBAYLE (Université Haute Alsace - France)
Esther OLEMBE (Archives Nationales - Cameroun)
Hamady BOCOUM (UCAD, Musée des civilisations Noires-Sénégal)
Ibrahima LO (EBAD-UCAD-DLL -Sénégal)
Jean-François FAU (Université Senghor d’Alexandrie, Égypte) Joana CASENAVE (Université de Lille - France)
José Augusto Chaves GUIMARA]ES (Université São Paulo - Brésil) Laı̈d BOUZIDI (Université Lyon 3 - France)
Mabrouka EL HACHANI (Université Lyon 3 - France)
Mamadou DIARRA (EBAD-UCAD-Sénégal)
Mbaye THIAM (EBAD-UCAD-Sénégal)
Mohamed SIDIR (Université de Jule Vernes, Amiens, France)
Moustapha Mbengue (EBAD-UCAD-Sénégal)
Olivier SAGNA, E(BAD-UCAD)
Omar LAROUK (Enssib - France)
Papa Momar DIOP (Vice-président du comité consultatif international Mémoire du Monde Unesco et ARCMoW )
Sabrina BOULESNANE (Université Lyon 3 - France)
Sylvestre K. Kouakou (EBAD-UCAD-Sénégal)
Widad MUSTAFA EL HADI (GERiico, Lille 3)
France Winand Annaëlle (Université de Montreal- EBSI)
Zuza WIOROGÓRSKA (université de Varsovie)
Bibliographie
Barrau, J., Bonniel, J., Chevallier, D., Dos Santos, J., & Fabre, D. 1985. Les savoirs naturalistes populaires. Éditions de la Maison des sciences de l’homme. doi:10.4000/books.editionsmsh.3684
Tardy, C., & Dodebei, V. (Eds.) 2015. Mémoire et nouveaux patrimoines. Marseille : OpenEdition Press. doi:10.4000/books.oep.411
Davallon, J. (1991). Produire les hauts lieux du patrimoine. Dans : André Micoud éd., Des Hauts- Lieux : La Construction Sociale de l’Exemplarité (pp. 85-102). Paris : CNRS Éditions. https://doi.org/10.3917/cnrs.micou.1991.01.0085
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