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Appel
Date limite de soumission : dimanche 31 janvier 2021
Dans les domaines des sciences de l’homme et de la société – selon leur définition étendue, entre autres, aux lettres et aux arts, au droit et à l’économie, qui sert de référence au MESRI depuis 2010 – le paysage répond à deux ordres de définitions qui découlent de la même notion polysémique de « forme ». D’une part, le mot indique les formes qui structurent et matérialisent la surface terrestre, donc sa physionomie et sa morphologie. Cette tradition, d’Alexander von Humboldt et Élisée Reclus aux historiens des Annales et à l’archéologie du paysage jusqu’à l’archéogéographie, décrit et interprète les formes paysagères qu’elle considère comme le résultat tridimensionnel, tangible et visible de la transformation perpetuelle de l’espace terrestre produite par l’interaction entre l’homme et l’environnement. D’autre part, c’est dans la sphère de la représentation esthétique et artistique que le mot est apparu dans les langues européennes. Il y indique depuis plusieurs siècles la vue d’une portion de l’espace qui s’offre à un observateur disposant d’un point de vue (physique ou culturel) privilégié et opérant un choix sélectif des objets visibles qui s’en trouveront par là même mises en discours et formalisées voire « artialisées ». Par ailleurs, bien avant l’émergence de la notion générale de « paysage », les hommes, partout et à toute époque, ont nommé certains objets et aspects du paysage, en même temps qu’ils les modifiaient et s’y adaptaient. Or, le seul fait de désigner ces objets marque l’émergence d’un discours et d’une mise en forme de la réalité.
Le paysage se présente donc comme un paradigme fondateur, un outil heuristique et un objet d’étude central pour une étude totale de l’homme en société, à tel point sa construction matérielle et culturelle se situe au carrefour des transformations et de la mise en scène du monde de la part des sociétés humaines au fil de leur histoire. D’autre part, les formes des paysages actuels, celles qui ont été observées, sélectionnées, mises en image ou en discours à un moment quelconque ou encore celles que révèle une enquête archéologique, sont le résultat de la transmission et de la transformation de formes plus anciennes dont elles portent l’empreinte. À ce titre, les formes paysagères et leurs représentations peuvent être érigées en source dans le cadre de toute autre enquête diachronique portant sur les objets et les problèmes les plus divers, y compris en sciences de la nature.
Après le « tournant spatial » des années 1990, les SHS semblent être en mesure de mener de front une étude transdisciplinaire du paysage, en construisant un discours commun. Celle-ci doit être tout à la fois matérielle et sociale et traduire tout autant l’organisation géométrique et relationnelle de l’espace que la construction du paysage bâti et planté ainsi que la production d’une conscience spatiale des sociétés. Ce constat constitue le point de départ de la réflexion que nous proposons à nos intervenants et à nos étudiants : en effet, si l’arsenal théorique est impressionnant, la collaboration pluri-, inter- voire transdisciplinaire reste, sur le terrain, souvent assez limitée. C’est pourquoi la première exigence de ce cycle de rencontres sera la dimension théorique et épistémologique : chaque chercheur sera invité à définir sa propre notion de paysage, son vocabulaire, ses enjeux heuristiques, ses sources, les corpus qu’il est en mesure de construire.
Deuxièmement, nous proposons de limiter le champ de réflexion aux paysages ruraux. Ce choix est dicté par un souci d’efficacité et d’homogénéité. En effet, l’étude des paysages ruraux embrasse, dans toutes nos disciplines, une masse de problèmes et d’approches, en constante évolution, assez large pour ne pas y mêler les problèmes liés aux paysages urbains ou maritimes ou encore industriels.
Le troisième attendu porte sur la nécessité d’offrir des exemples concrets d’enquêtes pour lesquelles le paysage – dans l’une ou plusieurs de ses définitions – constitue un paradigme de médiation, un objet d’étude ou encore un gisement d’information essentiel à éclairer d’autres objets d’étude. La confrontation entre chercheurs venant de différents champs disciplinaires sera la règle, des historiens aux archéologues, des géographes aux architectes, urbanistes et designers, des historiens de l’art et de la littérature aux anthropologues et aux linguistes, des sociologues aux juristes et aux économistes (la liste n’est pas exhaustive). Chaque rencontre sera conçue comme une action de formation et de recherche, c’est pourquoi tant les cas d’étude que les bilans historiographiques et les réflexions théoriques seront les bienvenus. La volonté affichée de marier recherche et formation se traduira à chaque rencontre par l’organisation de conférences, d’ateliers et d’une table ronde.
Un tel état de l’art sera déployé sur trois ans et trois rencontres, de la durée de deux journées chacune. À l’occasion de la première rencontre, qui se tiendra en mars 2021, nous nous concentrerons sur les composantes matérielles des paysages ruraux : géomorphologie et pédologie, hydrographie, végétation, infrastructures et bâti, etc. Il sera donc question des témoins, des témoignages et des représentations portant sur l’utilisation du sol (ressources, production, peuplement), dans une approche synchronique ou diachronique, matérielle et culturelle : écosystèmes et ressources du sol, du sous-sol et des littoraux (chasse, pêche et cueillette, sources d’énergie, pierre, argile, sel, minerais, etc.) ; peuplement végétal (marges et végétation spontanée, espaces sylvicoles, espaces agro-pastoraux, cultures) ; habitat et peuplement. Les implications contemporaines sont évidentes : la pression anthropique sur les écosystèmes, l’agriculture du futur, le débat sur l’Anthropocène, etc. Si la dimension matérielle apparaît prépondérante, ces formes du paysage rural traduisent et construisent également un espace social, un « monde rural », aux fortes implications culturelles et symboliques. Que l’on pense, par exemple, à la possibilité d’étudier les paysages agraires antiques à la fois par les fouilles et la photographie aérienne, les textes gromatiques ou agronomiques, les codes juridiques, les récits de voyage et la poésie bucolique. Il s’agira donc, ici comme au cours des deux rencontres qui suivront, de faire émerger de nouvelles synergies en SHS pour une étude transdisciplinaire du discours et du support matériel, du discours sur le support matériel, du discours que le support matériel traduit ou sous-entend voire encore du discours dont le support matériel est le produit.
La deuxième rencontre se déroulera au printemps 2022 et sera consacrée aux structures et aux relations spatiales que les formes des paysages ruraux révèlent, traduisent et portent. À travers leurs formes actives ou fossilisées émergent, en effet, les modalités, présentes et passées, de l’organisation et de l’appropriation de l’espace, entre realia et représentations : appropriation du sol (frontières, délimitations linéaires et bornages, clôtures, aménagements à caractère défensif et pour le contrôle du territoire, grandes structures funéraires et cultuelles, etc.) ; occupation du sol (réseaux d’habitats, parcellaires agraires, rapport entre terroirs et incultum) ; connexions, flux et réseaux (voirie, stockage, marchés et foires…). La dimension matérielle entretient ici une relation féconde avec la dimension juridique et institutionnelle des paysages ruraux (statut de la terre, droits de propriété et usage, rapports de production, projection dans l’espace des intentions, des intérêts et des conflits entre les acteurs en présence…) et donc avec la sphère politique et sociologique.
Enfin, la troisième rencontre portera sur la dimension cognitive, symbolique et culturelle des paysages ruraux, jusqu’à toucher les questions patrimoniales et même les relations « entre ciel et terre », pour citer Joseph Morsel. On y étudiera les modes de représentation de la forêt, de la campagne, de la montagne propres à chaque société et à chaque époque (absence de représentation, répulsion ou attraction, vision esthétisante, idyllique, arcadisante…). On pourra préciser les processus qui font de la campagne, autrefois le lieu de vie de l’écrasante majorité de l’humanité, un Éden idéalisé, un patrimoine et un héritage. Les paysages ruraux sont ainsi un produit mais aussi un acteur des identités individuelles et des idéologies communautaires, à toutes les échelles, de que l’on appelle « identités spatiales » ou formes spatiales des identités. Là aussi, des défis actuels pourront être relevés : la questions des biens communs (des terres communes médiévales au partage de ressources qui est en plein essor aujourd’hui), les politiques agricoles et environnementales, la patrimonialisation accrue de nos sociétés et ses limites, l’artificialisation de la biosphère et de la vie humaine, la relativisation des distances. Encore une fois, le croisement des approches matérialistes et culturelles sera de mise, avec sans doute une plus grande disponibilité d’exemples pour les secondes.
Modalités et calendrier de proposition
Nous nous inscrivons d’emblée dans une perspective triennale, c’est pourquoi l’argumentaire ci-dessus porte sur la totalité du projet. Cependant, ce premier appel à communication ne porte que sur la première édition. Un nouvel appel à communication sera diffusé en vue de la préparation de la deuxième et de la troisième rencontre.
Pour la première édition, les propositions de communication, avec titre et résumé, sont à envoyer à giovanni.stranieri chez univ-st-etienne.fr, avant le 31 janvier 2021.
La notification d’acceptation sera envoyée le 15 février 2021.
Cycle de journées d’études
17-18 novembre 2021, Saint-Étienne – L’utilisation du sol
Printemps 2022, Saint-Étienne – L’organisation et l’appropriation de l’espace
Printemps 2023, Saint-Étienne – La dimension cognitive, symbolique et culturelle des paysages ruraux
Les organisateurs
Sarah Réault, maître de conférences en Géographie
Giovanni Stranieri, chargé d’enseignement en Histoire et en Archéologie médiévales
Colloque
17-18 novembre 2021 (Université Jean Monnet, Saint-Etienne)
Mercredi 17 novembre Site Tréfilerie, salle SR2 (+ intervenants et public en visioconférence)
9h – Accueil des participants
Session 1 – Aux sources des paysages ruraux
9h30 – David Montembault, Institut AGRO – Agrocampus Ouest Angers, UMR 6590 ESO, Lire les paysages ruraux et leurs évolutions pour concevoir les formes paysagères de demain
10h10 – Hervé Cubizolle, université de Lyon, UMR 5600 CNRS EVS, Jacqueline Argant, LAMPEA UMR CNRS 7269, université Aix-Marseille et ARPA, Antoine Scholtes, université de Lyon, UMR 5600 CNRS EVS, André-Marie Dendievel, ENTPE UMR CNRS 5023 LEHNA-IPE, Frédéric Trement, université Clermont Auvergne, EA1001 CHEC, Christine Oberlin, centre de datation par le radiocarbone, université Lyon 1, Développement des sociétés agro-pastorales et changements hydro-pédologiques. L’exemple des hautes terres du Massif Central oriental (France)
11h10 – Jean-Luc Bourges, UMR 5190 LARHRA, Le paysage du monde rural pensé à travers les contributions du secteur agricole au revenu national du royaume de France au XVIIIe siècle
11h50 – Rémi Landois, université de Bourgogne, UMR 6298 ARTEHIS, Jean-Pierre Garcia, université de Bourgogne, UMR 6298 ARTEHIS, Amélie Quiquerez, université de Bourgogne, UMR 6298 ARTEHIS, Archéologie des paysages ruraux sous couvert forestier : quelles approches pour quels résultats ? Part I : l’exemple du plateau de Messigny et du Val Suzon (Bourgogne)
Session 2 – Regards croisés sur les paysages ruraux du passé
14h30 – Amélie Quiquerez, université de Bourgogne, UMR 6298 ARTEHIS, Mélinda Bizri, UMR 6298 ARTEHIS, Jean-Pierre Garcia, université de Bourgogne, UMR 6298 ARTEHIS, Archéologie des paysages ruraux sous couvert forestier : quelles approches pour quels résultats ? Part II : l’exemple du lieu-dit « La place aux Laides » (Mont Beuvray)
15h10 – Sébastien Fray, université de Saint-Étienne, UMR 8584 LEM-CERCOR, Comprendre le manse. Essai d’archéologie d’un savoir-faire historien
16h – Maëlys Blandenet, ENS de Lyon, UMR 5189 HiSoMA, « Toutes les plantes ne peuvent pas bien pousser dans le même terroir » (Varron, Res Rusticae, I, 7, 5) : choix des cultures et construction du paysage chez les agronomes latins
16h40 – Jean-Pierre Garcia, université de Bourgogne, UMR 6298 ARTEHIS, Amélie Quiquerez, université de Bourgogne, UMR 6298 ARTEHIS, Thomas Labbé, UMR 6298 ARTEHIS, Réalité des pratiques et discours sur la naturalité des sols viticoles dans un paysage-modèle de viticulture de terroir en Bourgogne
17h20 – Riccardo Berardi, UMR 8584 LEM-CERCOR, L’exploitation du sol et des côtes par la seigneurie en Calabre aux XIe-XIIIe siècles
Jeudi 18 Novembre Site Tréfilerie SR2 (+ intervenants et public en visioconférence)
Session 3 – Entre héritages et métamorphoses : pratiques et représentations
9h – Olivier Leroy, UMR 5600 CNRS EVS-ISTHME, Des peuplements agroforestiers aux paysages des montes adehesados : les chênes verts de la Sierra de Grazalema (Andalousie, Espagne) comme produits des pratiques rurales actuelles et passées
9h40 – Pierre-Olivier Mazagol, Pierre Niogret, Jérémie Riquier, Michel Depeyre, université de Lyon, université de Saint-Étienne, UMR CNRS 5600 EVS-ISTHME, À la recherche du paysage englouti des Gorges de la Loire – Création d’une géovisualisation 3D
10h40 – Stéphane Blond, université d’Évry-Val d’Essonne, UMR 8533 CNRS IDHES Évry, La représentation des paysages ruraux dans l’atlas de Trudaine (milieu XVIIIe siècle)
11h20 – Mustapha Ameur Djeradi, université de Mostaganem, ENERGARID, université de Béchar, Algérie, Bourgeonnement de l’habitat rural à Bûq`a Bûazdiya-s
12h – Lamya Maghnaoui, université Cadi Ayyad de Marrakech, LERMA, La mise en tourisme de la vallée du ZAT : valorisation du paysage rural de l’Iris pour un développement local durable
Session 4 – Méthodes et pratiques de la recherche sur les paysages ruraux
14h30 – Deux ateliers en parallèle (Site Tréfilerie, salles D233+D234)
Atelier 1, David Montembault, Institut AGRO – Agrocampus Ouest Angers, UMR 6590 ESO, La lecture des paysages pour saisir les transformations du rapport à l’environnement dans une commune périurbaine
Atelier 2, Sarah Reault, EVS-ISTHME, université Saint-Étienne, Étagement géohistorique de Saint-Etienne aux crêtes du Pilat : randonnée sur les cartes anciennes (Cassini, État-Major)
16h10 – Bilan des ateliers, conclusions, perspectives
17h – Fin Des Travaux
Page créée le mardi 16 novembre 2021, par Dominique Taurisson-Mouret.