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Appel
Date limite de soumission : mercredi 3 juillet 2024
Adresser vos propositions à fanny.dauphin17 chez gmail.com avant le 3 juin 2024
« Cette journée d’étude propose d’interroger la « réalité » et l’imaginaire des apprentissages cognitifs et éducatifs des élèves issus de familles immigrées construits par l’École de la République française depuis la fin du XIX° siècle. Cette réflexion dans la longue durée croisera les débats politiques noués autour de l’immigration en France à travers le discours assimilationniste de la fin du XIXème siècle, l’accent porté sur le relativisme culturel et le droit à la différence dans les années 1970-1980, le souci de l’intégration et la faveur accordée à l’interculturalisme dans les années 1980 et le thème de la discrimination mis à l’honneur à la fin des années 1990. L’attention portée à la problématique du genre, les controverses récentes sur l’intersectionnalité et la référence aux mémoires coloniales et postcoloniales pourront apporter un éclairage utile à compréhension des inégalités scolaires entre élèves français et élèves étrangers ou d’origine étrangère.
Problématique générale
L’École laïque -qui proclame l’éducabilité de chaque enfant et la nécessaire émancipation par le savoir de ses attaches particulières- est fréquentée par des élèves appartenant à des cultures diverses, plus ou moins éloignées de la culture française, de sa langue, de son histoire. La scolarisation des enfants de l’immigration, l’échec de ces élèves ont longtemps été pensés et mesurés à l’aune de leur degré d’acculturation au savoir universel que l’école de la République française a l’ambition de transmettre.
Ce paradigme assimilationniste des années 1930 a été interrogé à nouveau frais dans les années 1970 avec la mise en place de dispositifs spécifiques (CLIN, CLAD, CEFISEM) destinés à accompagner la scolarisation des enfants étrangers non francophones. En 1975, une circulaire définit – dans le cadre du tiers temps pédagogique de l’école élémentaire, les modalités de « l’enseignement des langues et cultures d’origine » (ELCO) : après l’introduction de cours de portugais en 1973, des accords sont passés avec « l’Italie et la Tunisie en 1974, le Maroc et l’Espagne en 1975, la Turquie en 1978 et l’Algérie en 1981 »[1].
Cette politique scolaire -qui proclame « le droit à la différence », la reconnaissance du relativisme culturel, la nécessité d’intégrer dans le curriculum de l’école de la République la culture d’origine de ces élèves étrangers -a nourri des débats vifs tant du point de vue de ses effets politiques (revendication de l’égalité républicaine lors de la marche des Beurs en 1983) que de ses effets scolaires ambigus. Valérie LANIER a souligné « la logique simultanément assimilationniste et différentialiste » qui soutient des dispositifs pédagogiques demeurés adossés à un « occidentalocentrisme » particulièrement visible dans « l’enseignement de l’Histoire et de la Littérature » et générateur d’une profonde dissymétrie stigmatisante entre la culture française et ces « cultures d’origine »[2]. Attentif à cette dénivellation entre l’enseignement de la culture savante du pays d’arrivée et celui de la culture d’origine ravalée au rang d’expression folklorisée d’une mode de vie[3], Abdelmalek Sayad a pu dénoncer un fonctionnement des ELCO propre à enfermer les enfants non francophones dans le ghetto de leur origine et à les vouer aux filières courtes ou spécialisées (type SES, SEGPA) du système éducatif français. Le sociologue attire l’attention sur le regard négatif que les parents de ces élèves portent sur une école qui échoue -selon eux- à les instruire, à les éduquer et à préparer leur insertion sociale : « tous les enfants sortent de l’école avec quelque chose, un métier, sauf les enfants des Arabes »[4] déplore-t-on dans les familles immigrées, qui ressentent plus durement l’échec scolaire de leurs enfants que les familles populaires françaises de souche. Ce jugement ne traduit-il pas la relation d’extériorité à la société française ressentie par les populations immigrées ? Le rapport de discrimination vécu par ces populations s’éclaire -selon Abdelmalek Sayad- à la lumière des inégalités sociales qui les frappe et de l’histoire coloniale et postcoloniale longtemps refoulée par l’idéologie républicaniste.
Initiés au début des années 1970, les travaux sur l’école et l’immigration ont oscillé entre des interprétations centrées sur des critères ethnico-culturels et des schémas explicatifs élaborés autour des rapports de domination entre les classes sociales. Puis « la recherche de systèmes compréhensifs, plus qu’explicatifs, locaux plutôt que globalisants » a permis de mettre l’accent sur les « expériences vécues par des acteurs concrets ». Plus récemment, la problématique du genre a pu enrichir la compréhension des trajectoires scolaires des enfants issus de l’immigration, leurs réussites, leurs échecs en intégrant « l’importance des aspirations et des mobilisations des familles, qui diffère selon l’origine et le genre des enfants. »[5]
Trois axes thématiques sont retenus pour cette journée d’étude
Axe 1 : Les représentations et les pratiques des enseignant-e-s en formation et en exercice
Des enquêtes auprès des enseignants et des futurs enseignants, des témoignages relatifs à leur expérience pédagogique et didactique permettront de questionner la relation tissée par ces pédagogues avec les élèves issus des familles immigrées. Comment cet imaginaire des enseignants et son inscription dans des dispositifs didactiques négocient-ils la tension entre la proclamation universaliste de la culture scolaire républicaine et l’attention portée aux « spécificités de ces élèves » ? Sur quels fondements – ethnico-culturels, sociaux, genré- reposent l’appréhension différentialiste des élèves issus de l’immigration ? En quoi l’origine géographique, la temporalité de l’arrivée de leurs parents en France produisent-ils des effets sur les représentations des enseignants, les trajectoires et les résultats scolaires de ces élèves ? Comment expliquer l’échec scolaire qui affecte spécifiquement les fils d’immigrés en provenance de certains pays ?
Axe 2 : Les attentes et les perceptions des élèves et de leurs familles
Comment les familles de ces élèves perçoivent-elles l’accueil de leurs enfants à l’école de la République ? Quel écho la thématique politique récente de l’ « école de la confiance » a-t-elle eu auprès d’elles ? Comment interprètent-elles les résultats scolaires de leurs enfants ? Quels regards portent-elles sur la capacité de cette école à préparer leur intégration sociale ? Quelles aspirations et quelles ambitions sociales ces parents nourrissent-ils pour leur progéniture ? Comment ces parents se représentent-ils leur capacité à accompagner leurs enfants tout au long de leur parcours scolaire ? Ces différents questionnements pourront croiser les caractéristiques sociales, culturelles, générationnelle attachées à ces familles.
Axe 3 : L’expérience française à l’échelle de l’Europe
Le rapport EURYDICE intitulé « l’intégration des élèves issus de l’immigration : politiques et mesures nationales » produit sous les hospices de la commission européenne, publié en janvier 2019 met l’accent sur le retard des « élèves migrants » (…) par rapport à leurs condisciples autochtones dans la plupart » des dix-sept systèmes éducatifs européens. Il se fixe comme « objectif général (…) de soutenir la coopération européenne relative à l’éducation » de ces élèves à partir d’une « analyse comparative des principales politiques » conduites dans ces différents pays. La communication 2017 des enfants migrants émanant de la commission européenne souligne la nécessité d’évaluer « les besoins de chaque enfant le plus tôt possible dès leur arrivée » et de leur assurer « un accès à l’éducation sans délais et quel que soit leur statut. » Cette recommandation devra servir l’approbation des valeurs communes européennes à travers le développement d’une éducation inclusive. L’objectif d’intégration des élèves issus de l’immigration dans ces différents pays européens soulève plusieurs questions. Quelle définition donne-t-on des « élèves issus de l’immigration » ? Ces derniers ont-ils les mêmes droits d’accès à l’éducation que ceux nés dans le pays d’accueil ? Comment est pensé le droit à l’éducation pour les mineurs migrants en situation irrégulière ? Quel sort est réservé à ceux d’entre eux qui ont dépassé l’âge de la scolarisation obligatoire ? Quelle importance est accordée à la langue d’instruction dans l’accueil scolaire de ces jeunes ? Quelle place est réservée à l’enseignement de la langue maternelle ? Quel sens lui donne-t-on ? Quels sont les professeurs chargés de cet enseignement ? Quels sont les effets de l’enseignement de la langue d’instruction sur l’orientation scolaire des élèves et sur leur intégration sociale et culturelle dans le pays d’accueil ? Ces apprentissages linguistiques s’intègrent-ils dans une perspective d’éducation interculturelle et dans le cadre d’un programme de « citoyenneté et développement » ? Dans quelle mesure ces programmes répondent-ils à de simples besoins scolaires ou à des besoins plus globaux -sociaux et émotionnels- d’enfants de cet âge ? Pour remplir ces différents objectifs comment est pensée la formation des enseignants pour travailler dans ces classes marquées par la diversité culturelle ? Ces politiques scolaires intègrent-elles la participation des parents à l’éducation de leurs enfants ? Comment ceux-ci apprécient-ils leur scolarisation ? Les institutions scolaires développent-elles des liens avec d’autres acteurs locaux et sociaux de l’intégration des élèves migrants ?
[1] Benoît Falaize et Smaïn Laracher, Préface, in Abdelmalek Sayad, L’école et les enfants de l’immigration. Essais critiques, Paris, Éditions du Seuil, La couleur des Idées, 2014, 236 p.
[2] Valérie Lamier, Résumé de sa thèse : L’accueil des enfants d’immigrés dans les écoles françaises : éducation entre culture familiale et culture du pays d’arrivée, sous la direction de Jean-Claude Fritz, Thèse soutenue le 14 décembre 2011 à l’Université de Bourgogne, UFR de Droit et Science politique, https://theses.hal.science.
[3] Abdelmalek Sayad, L’école et les enfants de l’immigration. Essais critiques, opus-cit., p. 170.
[4] Abdelmalek Sayad, Idem, p. 154.
[5] Yaël Brinbaum, Géraldine Farges, Élise Tenret, Les trajectoires scolaires des élèves issus de l’immigration selon le genre et l’origine : quelles évolutions ?, Paris, CNESCO, Septembre 2016, p. 7.
Colloque
Vendredi 22 novembre 2024 (Maison de la recherche, Université d’Artois)
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