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Les Compagnies des Indes : histoire et anthropologie, Colloque La Réunion, mai 2011 (Soumission<31/01/2011)

LES COMPAGNIES DES INDES : HISTOIRE ET ANTHROPOLOGIE

Université de la Réunion, 12 et 13 mai 2011

L’histoire des Compagnies des Indes éveille un écho particulier à l’île de La Réunion où ce colloque est conçu et où il se déroulera. Le premier axe de contribution proposé concerne, précisément, le rôle des Compagnies des Indes dans l’histoire de l’île : peuplement, économie, droit, histoire politique…

Avec les compagnies de commerce, ou compagnies à charte, le capitalisme européen naissant trouve sa place dans un environnement de type féodal. Les compagnies exploitent “en fief” les colonies où elles s’établissent. Non seulement le commerce maritime ne déroge pas, mais il se révèle en mesure d’anoblir ceux qui le pratiquent. “Ceux qui ont la direction de cette île [Madagascar], écrit Vincent de Paul sont des marchands de Paris, qui sont comme les rois du pays.” Le monopole permet aux compagnies de prélever un double péage sur les colonies : à la fois sur les extrants et sur les intrants. La Réunion, colonie de peuplement, est donc, dès l’origine, régie par des “droits spéciaux” et le restera jusqu’en 1946. Il est bien difficile de comprendre les spécificités de l’île – jusqu’à la politique telle qu’on peut l’observer aujourd’hui – en faisant l’économie de cette “histoire longue”.

Dans ses diverses expressions, le sujet des Compagnies des Indes est d’une particulière richesse historique et anthropologique. Il illustre ce moment de l’histoire où les européens quittent “l’enclos de l’Europe”, pour user d’une expression d’un auteur du temps, et se lancent dans une première vague de colonisation. Cette entreprise, animée par la recherche du profit associée au commerce ou à l’exploitation de denrées exotiques, suppose la découverte et la maîtrise des routes maritimes. Après la chute de Constantinople (1453), les produits de l’Orient arrivent en Occident par la mer Rouge et l’Egypte. L’océan Indien est alors le lieu d’échanges reliant la Chine, la Malaisie, l’Inde, la péninsule arabique et l’Afrique de l’Est. Malacca et Ormuz sont les deux principaux pôles de cette activité maritime rythmée par le régime des moussons. La supériorité navale des portugais leur permet de contrôler rapidement les routes maritimes de l’océan Indien. Ils prennent possession de Goa, s’installent à Ormuz, puis à Malacca (1511).

Cette prééminence des marines occidentales est un trait constant de l’expansion coloniale en Orient. "Quiconque est maître de la mer a ung grand pouvoyr sur la terre" (Isaac de Razilly). L’armement des navires de commerce arabes, goudjeratis ou chinois est limité par leur mode de construction. Comme l’exprime justement Bahadur Shah : "Les batailles navales sont des affaires de marchands, elles n’ajoutent rien à la gloire des rois ". Évolution caractéristique des Temps modernes : c’est par la maîtrise de la mer que la gloire des marchands va supplanter celle des rois - la concurrence des nations européennes s’exprimant d’ailleurs dans la confrontation de leurs marines.

Si le doublement du Cap de Bonne Espérance a pour conséquence, au plan européen, la prise de contrôle de ce commerce par le Portugal au détriment de Venise, ses conséquences sont aussi régionales et mondiales. L’arrivée des Portugais dans l’océan Indien va bouleverser les échanges régionaux et mettre en relation les “deux Indes”, l’argent du Nouveau monde servant à l’acquisition des productions de l’Orient. Les compagnies des Indes orientales achètent, à Cadix ou à Amsterdam, le métal provenant des Amériques pour acquérir les biens qu’elles importent en Europe. Échange inégal, malgré les richesses déployées, si l’en croit les économistes du temps. "Depuis Pline jusqu’à nos jours, l’Inde a toujours été considérée et abhorrée comme un abîme où s’engloutissent les richesses de toutes les autres contrées, où elles ne font que circuler et dont elles ne sortent jamais." (Recherches historiques sur les connaissances que les Anciens avaient de l’Inde, W. Robertson, trad. Paris, 1792).

La constitution et le succès des compagnies de commerce engagent la mise en place des premières formes du capitalisme européen. La création des Bourses est liée à l’activité des Compagnies des Indes, l’importance du capital à réunir appelant une forme juridique qui permet une levée de fonds où la richesse privée et les moyens des États peuvent être mobilisés. La Bourse d’Amsterdam, première bourse européenne, est née avec la V.O.C., la banque d’Amsterdam est fondée en 1609 et, dès 1611, est ouvert un marché que nous appellerions aujourd’hui de “matières premières”.

Ce colloque concerne l’histoire européenne. Mais aussi, il va de soi, l’histoire indo-océanienne. S’agissant de navigation et d’expansion maritime, entre autres sujets, ce sont les migrations austronésiennes, arabes et indiennes qu’il s’agit de situer et de comprendre. L’histoire du peuplement de Madagascar, par exemple, objet de débat entre les voyageurs et les historiens est emblématique de cette longue durée dans laquelle les européens sont les derniers venus. L’archéologie, l’anthropologie et la génétique collaborent ici et des recherches en cours pourront faire l’objet de débats entre historiens et généticiens. La découverte de Madagascar par les Portugais et par les Français, avec la tentative de colonisation de Fort-Dauphin ; les prises de possession successives de l’Isle de France et de Bourbon ; la révélation de l’Inde fabuleuse et de sa civilisation (“La fortune a, dit-on, des temples à Surate”, écrira La Fontaine)... sont ainsi des épisodes récents et “eurocentrés”.

Le choc des cultures est à l’origine des spéculations philosophiques sur l’“autre homme”. Cette reconnaissance discutée engage une traduction du message porté par les missionnaires : les lazaristes de Fort-Dauphin seront les auteurs du premier catéchisme écrit en malgache et l’un des premiers textes écrits en créole réunionnais (découvert en 2002 dans les archives de la Mission lazariste à Paris) est un catéchisme destiné aux esclaves. L’inquisition à Goa, les missions des jésuites sur la côte de Coromandel, la querelle des rites malbars sont autant d’expressions du succès des compagnies de commerce et de l’expansion européenne : “S’il n’y avait pas des marchands pour transporter les trésors de la terre aux Indes orientales, qui transporterait les missionnaires avec leurs trésors célestes ? Les missionnaires portent l’Évangile et les marchands portent les missionnaires”… En réalité, dans les trousses de l’expansion coloniale, ce n’est pas une simple aumônerie mais bien un équipage complet de conversion, théologique, moral et sociétal, qui suit le militaire et, généralement, précède le commerçant. Cette relation intime entre mission et colonisation pourra constituer un objet de réflexion.

L’histoire de l’île de La Réunion est indissociable de celle des compagnies des Indes et ses archives conservent les documents qui permettent de retracer cette dépendance. Dans la continuité des travaux d’Albert Lougnon, responsable de l’édition de la correspondance du Conseil supérieur de Bourbon et de la Compagnie française des Indes orientales (et du classement des Archives départementales de La Réunion), des historiens travaillent aujourd’hui à rendre ces documents accessibles au public. Ce colloque sera l’occasion de faire un point sur les travaux en cours et les publications à venir.

Le contact des cultures, qui accuse les identités, est un révélateur. C’est certes l’occasion de la constitution d’un savoir historique et ethnographique, c’est aussi celle de l’exercice d’une anthropologie critique qui compare les évolutions propres des systèmes sociaux et s’essaie à comprendre le “choc des civilisations”.
Thèmes proposés :

Sans prétendre à l’exhaustivité ni à la nouveauté sur un sujet qui a fait l’objet de nombreuses publications savantes, il s’agit de réunir enseignants-chercheurs, spécialistes et doctorants sur un thème pluridisciplinaire et fédérateur.

I - La Réunion et les Mascareignes

- Histoire du peuplement ;
- Le statut juridique des colonies sous le régime des compagnies à charte ;
- L’économie et l’esclavage ;
- L’économie du café ;
- L’économie du sucre ;
- La genèse des sociétés créoles.

II - Les Compagnies des Indes et l’histoire européenne

- La maîtrise des routes maritimes ;
- L’éclatement de l’ordre féodal et la naissance de l’“homme économique” ;
- La structure juridique des compagnies à charte ;
- La mise en place des premières formes du capitalisme financier européen ;
- Un bouleversement religieux associé au déclin du monde féodal.

III - La découverte de mondes nouveaux

- Les mouvements de population dans l’océan Indien : histoire et génétique ;
- La “méditerranée asiatique” (Denys Lombard) et le sud-ouest de l’océan Indien ;
- La missiologie dans l’océan Indien ;
- Les débuts de l’ethnographie malgache ;
- La connaissance de la civilisation indienne.

IV - L’étude des sources et la paléographie

V - Le style "Compagnie des Indes"

CALENDRIER :
- 31 janvier 2011 : soumission des résumés de communication (300 mots).
- 28 février 2011 : réponse du Comité Scientifique.
- 31 mars 2011 : envoi des communications par les auteurs. Les textes ne devront pas dépasser 4 000 mots.

Les projets de communication sont à envoyer avant le 31 janvier 2011 à l’aide du formulaire en ligne : http://www.anthropologieenligne.com...

par voie postale, à Bernard Champion,

Département d’Ethnologie de l’Université de la Réunion,

15, avenue René Cassin, B.P 7151, 97 715 Saint Denis messag, cedex 9, France

ou par courriel à Jacqueline Andoche, coordonatrice du colloque : marie.andoche chez univ-reunion.fr ou jacquelineandoche chez wanadoo.fr

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Page créée le vendredi 19 novembre 2010, par Dominique Taurisson-Mouret.


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