Accueil ▷ Actualités ▷ Actualités
Appel
Date limite de soumission : mardi 11 avril 2023
Appel à contributions de la revue numérique Lumi
Ce dossier s’inscrit dans le prolongement du colloque « Colonisation(s) », qui s’est tenu les 28 et 29 septembre 2022 à l’université de Corse, UMR Lisa, Corti.
Fille illégitime, car si l’on croyait les Lumières mariées avec l’esprit de justice, seul leur compromission avec celui de lucre et de prédation a pu ancrer le phénomène colonial. Comment l’ère des déclarations des droits humains (« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ») a-t-elle pu produire une situation aussi inégalitaire que le système colonial ? Les mécanismes qui ont conduit de l’une à l’autre doivent continuer à faire l’objet d’études et d’analyses toujours plus précises, à un moment où l’on voit d’une part ressurgir des discours de justification ou de déni, et d’autre part apparaître des exigences de repentance toujours plus pressantes, adressées aux générations actuelles qui ne peuvent se sentir responsables de fautes – fussent-elles singulièrement graves – commises il y a un si grand nombre de décennies.
Au centre de la problématique, on trouve naturellement la question politique de la concurrence entre nationalismes européens en pleine expansion. Le sujet est connu et a déjà été abondamment traité.
La question économique mérite certainement d’être encore explorée, les Lumières ayant engendré la révolution industrielle, laquelle joua une rôle conséquent dans le développement des projets coloniaux : « …rêve du marché idéal, moteur de l’économie et explication des évolutions géopolitiques. Mais ce rêve est rationnalisé, organisé, rien n’est laissé au hasard. (…) L’Âge d’or semble tendre les bras à une Europe qui se sent capable de changer la face du monde… »
Il est également étonnant de voir que des responsables politiques comme Jules Ferry, engagés dans le projet d’émancipation par l’éducation et le savoir promu par les Lumières, ont pu justifier la démarche coloniale au nom du devoir, pour les « races supérieures », de « civiliser les races inférieures », ce qui – par-delà une rhétorique qui nous paraît aujourd’hui insoutenable – conduisait à l’exact contraire de l’émancipation…
On peut également s’interroger sur le passage d’une soi-disant supériorité de civilisation à une prétendue supériorité raciale. Dans l’un et l’autre cas, l’objectif est naturellement de justifier la présence coloniale, le colonisé étant supposé – par essence – incapable, fainéant et violent, dans l’impossibilité d’organiser une société harmonieuse. Albert Memmi note, parmi les traits mythiques du colonisé, sa méchanceté, sa brutalité, accusation classique également relevée – s’agissant du nord-africain – par Frantz Fanon. Autre phénomène analysé par ces écrivains : l’intégration par le colonisé de l’idée de sa propre infériorité, et ce jusqu’à « la haine de soi » (Albert Memmi).
Toujours dans le registre des motivations – ou des justifications – de la colonisation, rappelons la place, dans l’imaginaire des pays de la rive nord de la Méditerranée, des représentations relatives au supposé despotisme oriental, lequel était lié aux razzias et à l’esclavage de Chrétiens dans les Etats barbaresques. En Corse, on trouve notamment des témoignages de ce traumatisme dans les locutions idiomatiques (« Razza macumetana ! ») et dans l’art pictural, avec la thématique du « Maure bourreau » très présente dans le baroque insulaire. Le souvenir de ces événements, transmis par la tradition orale, a certainement joué un rôle dans l’engagement colonial des Corses.
S’agissant des Lumières et de leur postérité paradoxale, on relèvera aussi la coexistence au XIXe siècle, au sein des mêmes milieux et parfois chez les mêmes personnes, d’un engagement antiesclavagiste et d’un soutien à la colonisation. Victor Schœlcher en est l’exemple le plus saisissant. Rappelons que le décret d’abolition de l’esclavage (1848) est intervenu quelques mois après que la conquête française de l’Algérie a été accomplie avec la reddition de l’Emir Abd el-Kader. Mais déjà au XVIIIe siècle, les discours sur l’esclavage et la colonisation étaient loin d’être exempts de complexité et d’ambiguïté. Les travaux d’Yves Benot sur les fondements intellectuels de l’antiesclavagisme et de l’anticolonialisme au siècle des Lumières ont apporté une contribution déterminante à la compréhension de la question. S’agissant de la colonisation, l’abbé Raynal, figure marquante de l’antiesclavagisme, défendait lui-même une idée largement répandue au sein des Lumières : « Si la contrée est en partie déserte, en partie occupée, la partie déserte est à moi. J’en puis prendre possession par mon travail. » Rappelons du reste que Napoléon Bonaparte, qui avait été un lecteur passionné de l’abbé Raynal et qui avait entretenu des relations épistolaires avec ce dernier, rétablit néanmoins l’esclavage qui avait été aboli par la Convention. Par ailleurs, sa campagne d’Egypte avait constitué une opération de nature à la fois militaire et coloniale.
De la colonisation française, un angle de vue complémentaire nous est donné par la littérature, qu’il s’agisse des écrivains qui en ont dénoncé les méfaits (Maupassant, Gide, Albert Londres) ou des chantres de cette même colonisation, de ceux que l’on appelait auteurs « colonistes », un qualificatif oublié de nos jours.
Modalités de soumission
Les propositions d’articles sont à envoyer à lumi chez universita.corsica
avant le mardi 11 avril 2023 à 12h.
Merci de préciser le nom et le rattachement institutionnel du contributeur.
La décision du comité scientifique de Lumi sera prise et notifiée avant le mercredi 10 mai 2023.
Comité Scientifique
Laetizia Castellani, Professeur certifiée, Université de Corse, Histoire (XIXe siècle)
Jean-Yves Coppolani, Professeur des universités, Droit constitutionnel
Thierry Dominici, enseignant-chercheur à l’Université de Bordeaux, sciences politiques
Eugène Gherardi, Professeur des universités, Directeur de l’UMR LISA 6240, Université de Corse, Histoire culturelle
Antoine-Marie Graziani, Professeur des universités, Université de Corse, Histoire (XVIIIe siècle)
Sylvain Gregori, Directeur du musée de Bastia, Histoire
Florence Jean, Maître de conférences, histoire du droit et des institutions, droit musulman
Denis Jouffroy, Maître de conférences, Université de Corse, anthropologie
Christophe Luzi, Ingénieur de recherche CNRS, HDR, Université de Corse, Humanités numériques
Wanda Mastor, Professeur des universités, Université de Toulouse, agrégée de Droit public
Stéphane Paquin, Professeur à l’Ecole nationale d’administration publique (ENAP), co-directeur de la collection « Politique mondiale » aux presses de l’Université de Montréal, Québec, économie politique internationale et comparée.
Jean-Paul Pellegrinetti, Professeur des universités, directeur de publication de la revue Cahiers de la Méditerranée et de la revue Études Corses, Université de Nice, histoire (XIXe siècle)
Jean-Dominique Poli, Maître de conférences, Université de Corse, littérature
Sébastien Quenot, Maître de conférences, responsable de la chaire Unesco « Devenirs en Méditerranée », Université de Corse, Sociologie, imaginaire
Didier Rey, Professeur des universités, Université de Corse, Histoire contemporaine
Guillaume Rousseau, Professeur agrégé, Université de Sherbrooke, Droit public.
Daniel-Louis Seiler, Professeur des universités, Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, Sciences Politiques.
François Saint-Bonnet, Professeur des universités, Université Paris Panthéon-Assas, Histoire du droit
Jean-Guy Talamoni, Avocat, enseignant-chercheur HDR à l’Université de Corse, Histoire des idées
Pierre-Antoine Tomasi, enseignant-chercheur à l’Université de Corse, Droit constitutionnel
Marie-France Verdier, Maître de conférences HDR à l’Université de Bordeaux, Directrice de la revue de droit constitutionnel comparé Politeia, Droit public
Michel Vergé-Franceschi, Professeur des universités, université de Tours, Histoire (XVIIIe siècle)
Comité de lecture
Eugène Gherardi
Christophe Luzi
Wanda Mastor
Sébastien Quenot
Jean-Guy Talamoni
Pierre-Antoine Tomasi
Direction scientifique
Jean-Guy Talamoni
Page créée le lundi 16 janvier 2023, par Webmestre.