Navigation

AccueilActualitésActualités

« L’Empire français et la Grande guerre », Revue internationale des francophonies, 2018

La Revue internationale des francophonies souhaite évoquer les 600 000 ressortissants de l’ex-Empire français ayant combattu en 1914-1918. Nous espérons un tour d’horizon le plus large possible sur le rôle composite des colonies dans l’effort de guerre, avec l’espoir de tracer des lignes de fuite vers la francophonie actuelle. Nous nous concentrerons sur l’émergence d’une communauté de destin entre des peuples éloignés entre eux par la géographie, la culture ou la religion. Le deuxième axe se veut une mise en perspective francophone à la fois historique et mémorielle en jaugeant l’impact du conflit sur les sociétés d’origine. Enfin, on doit sonder les mutations considérables de l’entre-deux-guerres et la montée en puissance de l’anticolonialisme en relation avec l’expérience de la guerre.

Numéro publié sous la direction de François David, directeur du laboratoire E.A. 4586 « Francophonie, mondialisation et relations internationales », Université Jean Moulin Lyon 3 et Institut international pour la Francophonie

« L’Empire français et la participation de ses peuples à la grande guerre ont suscité peu de contributions scientifiques ces dernières années, comme si les deux travaux canoniques et majeurs de Marc Michel (2003) et Jacques Frémeaux (2006) décourageaient les vocations. Citons une exception notable : l’impressionnant programme quinquennal de conférences organisées par l’Académie des sciences d’outre-mer, « Les outre-mer français dans la Grande Guerre », avec publication des actes prévue en 2019-2020. Dans l’immédiat, à l’occasion du centenaire de la victoire, la Revue internationale des francophonies souhaite à son tour rendre hommage aux 72 000 combattants de l’ex-Empire français morts entre 1914 et 1918. Nous rassemblerons les études scientifiques offrant un tour d’horizon le plus large et complet possible sur les aspects composites et contrastés du rôle des colonies dans l’effort de guerre français (600 000 soldats au total), avec l’espoir de tracer des lignes de fuite vers la francophonie actuelle, à partir du moment où 1914-1918 est un événement fondateur de la construction de l’espace francophone ultramarin.

Nous nous concentrerons ainsi sur l’émergence d’une communauté de destin entre des peuples d’outre-mer aussi éloignés entre eux par la géographie, la culture et la religion que les zouaves, chasseurs d’Afrique, goumiers marocains, tirailleurs sénégalais, tirailleurs du Pacifique (Kanaks et Tahitiens), mais aussi les soldats-ouvriers annamites voire les terrassiers kabyles ou chinois (cf. les concessions françaises en Chine), sans oublier évidemment la Légion étrangère (cf. la typologie dressée par la Revue historique des armées en 2000).

Ypres, Dixmude, fort de Douaumont, chemin des dames, Reims… Le premier volet de ce numéro insistera sur les aspects opérationnels. Dans un esprit « nouvelle histoire bataille », seront bienvenues les publications centrées sur les conditions concrètes du combat des soldats non métropolitains (à la suite de Pedroncini, 1997) : l’instruction, l’épreuve du feu, l’aguerrissement, l’acclimatation (Cf. l’envoi des troupes africaines au sud de la France, durant l’hiver, en particulier à Fréjus ou dans le désastreux camp de Courneau en Gironde) plus globalement le caractère opérationnel des unités en question et leur imbrication dans l’ensemble du corps de bataille… autant de domaines déjà traités certes, mais qui méritent encore bien des compléments d’enquête. Des pages ou des articles de type « aventure humaine » jetteront volontiers un regard biographique, de chair et de sang à d’autres considérations plus statistiques et techniques (Cf. Echenberg, 2009).

Le deuxième grand axe problématique se veut une mise en perspective francophone à la fois historique et mémorielle en jaugeant l’impact de ce conflit hors-norme sur les sociétés d’origine : L’histoire stricto sensu, à partir des archives écrites : on doit revenir sur les conditions de recrutement des troupes en Afrique comme en Indochine, qu’il s’agisse des enrôlements forcés ou des participations volontaires (décret du 7 février 1912 instituant le recrutement par voie de réquisition et rôle éminent, par la suite, de Blaise Diagne, haut-commissaire du gouvernement pour le recrutement des troupes noires). Au-delà de la solde, une forme de patriotisme impérial naît-elle ? De fait, l’historiographie ne rend pas encore assez compte de la façon dont les populations concernées ont perçu et ressenti les éclats de cette boucherie européenne à mille lieues de leur quotidien et de leurs intérêts immédiats. Ici, nous sollicitons tout particulièrement le dépouillement des archives des administrateurs coloniaux sur place, comme celles tout aussi cruciales relatives à la censure du courrier et à la surveillance du moral des troupes. A l’évidence, ce genre d’études se heurte au fait que l’écrasante majorité des soldats issus de l’Empire était illettrée et peu susceptible de laisser des traces écrites exploitables (Antier-Renaud, 2009).

La mémoire : le départ des hommes du village, l’attente du retour, l’épreuve de la mort ou de la blessure – sinon l’invalidité, mais aussi la réintégration dans la vie quotidienne posent inévitablement la question à plus grande échelle de la transformation de ces sociétés autochtones au contact direct et indirect de réalités occidentales brutales et contrastées. Comment quatre années de conflit procédèrent-elles d’une forme de mondialisation des esprits et des mœurs, en rapprochant par le prix du sang des continents aussi éloignés ? Dans cette veine, on n’oubliera pas non plus les influences économiques du conflit sur les sociétés coloniales (conséquence des soldes sur les économies locales, impact de l’économie de guerre et contribution matérielle imposée aux territoires d’outre-mer). On essaiera d’observer l’impact de la guerre sur la diffusion du français dans l’empire. Le passage au front accélère-t-il la maîtrise de la langue française chez les troupes, comme chez leurs familles, après-guerre ?

Enfin, on sent bien qu’un travail collectif sur la guerre de 1914-1918 et les peuples de la « plus grande France », ne se limite pas à l’armistice, ni à ses suites immédiates. On doit continuer à sonder les mutations considérables de l’entre-deux-guerres et la montée en puissance de l’anticolonialisme en relation étroite avec l’expérience de la guerre. Aujourd’hui, on s’interrogera volontiers sur ces legs de la grande guerre en Afrique, à travers les manuels d’histoire ou les associations d’anciens combattants et de leurs descendants. Symétriquement, on ne négligera pas les sentiments pro-français. On n’oubliera pas plus la reconnaissance de la métropole (Cf. le monument aux héros de l’Armée noire, inauguré en 1924 à Reims, détruit par les Allemands en 1940 ; les stèles de Nogent-sur-Marne, Fréjus, Saint-Raphaël ; la grande mosquée de Paris édifiée entre 1922 et 1926 au prix de quelques accommodements avec la loi de 1905).

Dans une perspective interdisciplinaire, des références au champ littéraire et artistique sont tout à fait les bienvenues à condition d’en relier strictement l’étude à la réalité historique objective (par exemple, on attend depuis longtemps un hommage à Lucie Cousturier, francophone avant l’heure). Un ou deux textes comparatifs avec le British Empire rehausseraient l’ensemble. A vos plumes, à vos claviers ! »

Voir Bibliographie et instructions rédactionnelles :


Page créée le jeudi 1er février 2018, par Dominique Taurisson-Mouret.


Tout l’agenda

Dans la même rubrique

Dernières brèves