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Dimanche 25 octobre 2020
« Un sentiment étrange s’insinue souvent chez l’Européen du nord, témoin de la liesse générale qui emplit Lima entière toute la journée, dès qu’un combat de taureaux est annoncé. Les espoirs, les attentes et le plaisir de cette journée constituent l’objet principal des conversations, en particulier de la population féminine de la ville. On affiche les annonces du combat plusieurs jours à l’avance au coin des rues.
Les combats de taureaux se déroulent aujourd’hui sur la « Plaza firme del Acho », aménagée à cet effet, à gauche au bout de la nouvelle allée.
Le clairon donne le signal du début du combat. Les capeadores se dispersent. L’un d’entre eux se place face au toril, le clairon résonne à nouveau et, par la porte ouverte, le « vengador prieto de Bujama » fonce. Une belle bête, de pure race castillane ! solide, ramassée, basse sur pattes, un tronc court et une tête puissante. Quelques rares boucles crépues couronnent son front d’airain dont les menaçantes cornes courtes et pointues et perfidement entrelacées de fleurs, s’inclinent légèrement vers l’avant. Une chabraque pourpre galonnée de blanc, richement ornée de pièces d’or et d’argent, couvre le dos noir luisant que décorent des rubans multicolores. La queue haut levée, le feu jaillissant du regard et les naseaux furieux béants, « le Vengeur » fonce dans l’arène en proie à une colère aveugle. Le capeador à cheval l’attend calmement, son poncho tendu devant lui. Le taureau est déjà sur lui, ses cornes semblent forer dans le ventre du cheval, il paraît certain de l’issue ; mais sur un mouvement furtif du capeador, son cheval fait une volte audacieuse et le taureau passe devant lui ; mais aussitôt le cavalier le rattrape et l’excite à nouveau, virevolte, excite encore et déploie, en une série de « suertes » contrôlées et adroites, son admirable adresse et son sang-froid.
Le récit de Johann Jacob von Tschudi, un jeune érudit polyglotte d’origine suisse, fut considéré en son temps comme la meilleure relation consacrée au Pérou depuis la parution du Voyage d’un naturaliste autour du monde de Charles Darwin. Il offre en tout cas une des plus vivantes descriptions de ce pays. Son œuvre, mêlant érudition et pragmatisme, peut être lue comme un récit d’aventures picaresques, un guide de voyage, un recueil d’observations ethnographiques et naturalistes. Mais elle nous révèle aussi la manière de penser et de voir le monde d’un voyageur européen du XIXe siècle. »
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