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Appel
Date limite de soumission : lundi 10 août 2020
Coordinateurs :
Roberta ARRUZZO, Universidade Federal Rural do Rio de Janeiro – UFRRJ, betarruzzo chez hotmail.com
Emerson Ferreira GUERRA, Universidade Federal Rural do Rio de Janeiro – UFRRJ, roptyc chez gmail.com
Bastien SEPULVEDA, TVES – E.A. 4477, Programme ACHN-ANR, Université de Lille, bastien_sepulveda chez yahoo.fr
Ce dossier pour la revue franco-brésilienne Confins cherche à mettre en évidence la manière dont les débats en cours au sujet de la construction de l’espace et de concepts tels que « territoire » et « territorialité » peut contribuer à approfondir la compréhension des réalités territoriales des peuples autochtones au Brésil. Au travers de travaux fondés sur des situations territoriales variées, et ancrés dans des champs thématiques et théoriques divers, tant de la géographie que de disciplines connexes, nous souhaitons permettre un rapprochement et un dialogue fertile autour d’analyses comparatives amenant à mieux comprendre les géographies autochtones au Brésil. Nous proposons, pour cela, de structurer ce dossier autour de trois axes thématiques principaux et complémentaires :
1 – Colonisation et aménagement / dérangement territorial
La construction de l’État-nation en Amérique latine s’est faite à l’encontre des peuples autochtones qui vivaient déjà sur ces terres et qui, depuis les premiers contacts avec les fronts de colonisation, ont souffert de pertes et dommages en tout genre. De nombreux peuples, avec leurs cultures et leurs langues, ont disparu, et ceux ayant résisté ont vu leurs proches et voisins être décimés par les maladies, les massacres et par d’incessants conflits qui perdurent encore en ce début de siècle. Les terres que les peuples autochtones occupaient traditionnellement ont été réduites par un processus continu de déterritorialisation au bénéfice de nouveaux habitants aux modes d’occupation et de production de l’espace différents, dans une logique fondamentalement capitaliste contrastant avec la présence autochtone.
Dans ce contexte, les terres qu’occupent aujourd’hui les peuples autochtones constituent une mosaïque fragmentée et discontinue représentant d’infimes portions de territoires auparavant bien plus étendus. Ce processus de réduction et fragmentation territoriale a alors amplement contribué à déstructurer au moins en partie les systèmes productifs que ces peuples ont mis en œuvre, en accord avec les spécificités des milieux naturels dans lesquels ils s’insèrent. Les politiques publiques et les mesures relatives à l’aménagement de ces territoires, telles que les Terras Indígenas, produisent un effet contraire de « dérangement » des territoires autochtones. Aussi, enclore les droits territoriaux autochtones facilite et légitime, en même temps, l’exploitation de l’ensemble des ressources se trouvant hors des limites établies.
Ce premier axe de travail cherche à mettre en évidence et analyser les luttes, formes de résistance et stratégies des peuples autochtones (articulation avec, et participation dans des mouvements sociaux, organisation socio-politique et territoriale, construction de réseaux sociaux, etc.) pour freiner ces processus de « dérangement territorial » et leurs conséquences. Il est envisagé de discuter des formes diverses par lesquelles les peuples et communautés autochtones du Brésil questionnent, dans leurs revendications, toute une histoire marquée au sceau du colonialisme et de l’usurpation. Une attention particulière sera ainsi portée au concept « d’autonomie » et aux liens qu’il entretient avec celui de « territoire », en s’appuyant pour cela sur la diversité des régimes d’autonomie territoriale autochtone formulés et/ou mis en place dans différentes régions du pays.
2 - Territorialités et territoires
La notion de territorialité a été incorporée il y a quelque temps au répertoire théorico-conceptuelgéographique. Si le territoire renvoie toujours à des relations entre espace etpouvoir, la territorialité, dans ses acceptions diverses, réfère à différentes formes d’appropriation de l’espace. Dit autrement, cela présuppose l’existence d’une grande variété desens donnés à l’espace et de liens entre pouvoir et espace.
Il existe de nombreux cas qui illustrent les intersections entre identités, relations depouvoir, idéologies, pratiques sociales et rôle des agents et institutions dans la production dedynamiques spatiales à différentes échelles qui influencent la génération de conflits.Au Brésil, nous pouvons mentionner, par exemple, l’expansion des activités liées à l’agribusinessqui, souvent, s’accompagnent d’un fort discoursdéveloppementiste contribuant à invisibiliser la présence de groupes humains etleurs espaces vécus, considérés comme « vides ».Il est fondamental que la géographie contribue à reconnaître et valoriser l’hétérogénéité des territorialités et usages de l’espace, plutôt qu’à lesinvisibiliser.
Il est ainsi proposé, dans ce second axe thématique, de comparer les actions dereterritorialisation autochtone et le sens qu’elles recouvrent dans différentes régions du Brésil,face aux formes d’appropriation territoriale des activités liées à l’agribusiness et à l’extractivisme. Aborder ces questions à l’aide du concept de territorialité peut permettre dedévoiler les processus de territorialisation, déterritorialisation et reterritorialisation quisoutiennent ces dynamiques. Partant de la prémisse que l’appropriation del’espace peut être entendue comme une forme d’action socio-politique, on cherchera alors à comprendre la relation qu’il existe entre espace et pouvoir et à mettre en avant lesdifférents sens pouvant être attribués à cette relation.
3 - Cartographie et colonialité du savoir géographique
Considérée comme « la » forme de représentation de l’espace par excellence, la cartographie est généralement présentée comme un savoir technique, alors qu’il s’agit en fait d’un savoir politique. Alors que les raisonnements centrés sur l’espace sont produits par la pluralité des acteurs d’une société, seuls ceux faisant preuve d’une certaine rigueur technique et se matérialisant sous forme de cartes – dont la complexité implique un accès limité à celles et ceux détenant cette connaissance – sont acceptés par les communautés scientifiques. En d’autres termes, d’autres formes d’écrire ou de « graphier » (selon Porto-Gonçalves) la terre (géo-graphie) se voient systématiquement écartées par la raison arrogante de la pensée eurocentrique. En ce sens, il est important de considérer que les graphies spatiales hégémoniques sont également des instruments de domination et d’oppression de groupes subalternisés et invisibilisés sur la scène politique où aucune autre forme de représenter le monde n’est reconnue ni acceptée. La cartographie « officielle » devient ainsi une forme de savoir exclusive, tenue à distance de la majorité de la population.
Penser la question territoriale autochtone au Brésil et en Amérique latine revient à penser également l’invention même de « l’Amérique », qui n’est ni plus ni moins que l’expression de la cartographie coloniale qui a déplacé et subalternisé les identités et représentations spatiales des peuples premiers. Ces peuples avaient (et continuent d’avoir) leurs propres dénominations pour se référer à leurs territoires : par exemple, Pindorama était le nom par lequel les Tupi désignaient ce qui est aujourd’hui le Brésil.
Même si la cartographie demeure aujourd’hui encore un langage stratégique et de pouvoir historiquement institutionnalisé et homogénéisé, il est important de considérer également les expériences de cartographie socialeautochtone qui se sont développées dans différentes régions du Brésil où, tant en contextes urbains que ruraux, la carte est utilisée comme un outil permettant de visibiliser d’autres façons de représenter l’espace. Partant du fait qu’en tant qu’êtres humains, nous sommes, nous nous situons et nous existons dans la dimension spatio-temporelle, la cartographie sociale a pour but de faire participer les citoyens et membres des communautés à la représentation consciente, visible et tangible de leur propre espace, à partir de leurs propres expériences et savoirs spatiaux. La carte devient ainsi une forme de « représentation » et donc d’appropriation symbolique, puis matérielle, de la réalité – et non la réalité même – ; de sorte qu’il existe en fin de compte beaucoup de façons de représenter la réalité spatiale.
Ce troisième axe a ainsi pour but d’analyser la production des savoirs autochtones portant sur l’espace et les territoires à travers des expériences cartographiques qui valorisent les ontologies et représentations de l’espace élaborées à partir d’épistémês historiquement opprimées. L’accent sera de ce fait mis sur les façons dont ces expériences questionnent le caractère prétendument universel du savoir moderne, en montrant que la production et/ou l’appropriation de l’outil cartographique par différents peuples et communautés autochtones au Brésil en font un instrument de négociation et de résolution des disputes politiques.
Modalités de contribution
Pour contribuer à ce dossier, les auteur·e·s intéressé·e·s doivent envoyer le texte complet de leur article aux trois coordinateurs/trices du dossier au plus tard le 10 août 2020, en respectant les normes de publication de la revue.
Le dossier comportera entre 6 (six) et 8 (huit) articles, et sa publication est programmée pour décembre 2021.
Les textes reçus seront évalués suivant les normes spécifiques des dossiers :
1- Lectures des textes (lecture croisée) par le biais desquelles tou·te·s les auteur·e·s liront l’ensemble des articles soumis (en préservant l’anonymat), pouvant alors faire des suggestions et proposer des améliorations.
2- Les auteur·e·s intégreront les ajustements qui leur semblent pertinents et, selon le degré de contribution, il pourrait être décidé de co-signer certains textes.
3-15 janvier 2021 : les coordinateurs/trices enverront chacun des articles à un évaluateur externe.
4- 15 mai 2021 : les auteur·e·s devront avoir intégré les suggestions des évaluateurs externes. Dans l’éventualité d’un désaccord avec un point ou un autre, ils / elles devront préparer une lettre explicative à l’attention des coordinateurs/trices.
5- Les coordinateurs/trices reliront tous les articles pour évaluer leur qualité et leur cohérence, avant de les soumettre à la revue.
Page créée le lundi 15 juin 2020, par Webmestre.