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Appel
Date limite de soumission : samedi 15 octobre 2022
Colloque organisé par l’Institut François Mitterrand et la Société française d’histoire politique, les 23 et 24 novembre 2023 à l’Académie des sciences d’Outre-mer (Paris)
« La politique africaine du président François Mitterrand est le plus souvent étudiée par rapport à celle de ses prédécesseurs à l’Élysée. La focale se porte volontiers sur l’actualité africaine de la fin du septennat de Valéry Giscard d’Estaing, avec le regain de la Guerre froide et des interventions militaires françaises, et sur la matrice gaullienne de la coopération franco-africaine à la suite des indépendances. La grille de lecture continuité/rupture – qui a sa pertinence – ne doit cependant pas faire oublier que les connaissances et les réflexions de François Mitterrand sur l’Afrique ne sont pas nées avec son accession à la présidence de la République en 1981 ni même avec la Ve République en 1958. La rencontre de François Mitterrand avec le continent africain, du moins avec ses territoires français, est antérieure et peut se situer, au-delà de la connaissance commune autour d’une France impériale, au seuil des années 1950 sous la IVe République[1].
C’est au sein de l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR) que le député François Mitterrand se familiarise avec les questions africaines au moment où le processus de décolonisation secoue l’Union française. Avec l’autre grand leader de ce parti-charnière des majorités parlementaires, René Pleven, il est l’artisan, en octobre 1950, du désapparentement du Rassemblement démocratique africain (RDA) avec le Parti communiste français, et de son alliance avec l’UDSR. Au-delà des calculs politiques propres à un régime d’assemblée, cet arrimage du RDA et de son charismatique leader, l’ivoirien Félix Houphouët-Boigny, à la République française s’avère fondamental. Jusqu’alors traité comme un parti menaçant l’intégrité de l’Union française par l’administration coloniale, le RDA devient, aux côtés de l’UDSR de François Mitterrand, une formation-clé des élus ultramarins au Parlement et plus généralement dans la vie politique française.
Cet événement majeur ouvre les voies à une évolution pacifique de l’AOF et de l’AEF vers les indépendances, même si l’objectif n’est pas alors celui-là. Cela pose également François Mitterrand sur la scène franco-africaine comme l’un des leaders de l’aile « libérale » qui entend promouvoir des évolutions pacifiques dans les territoires africains – plus de participation politique des Africains et développement économique et social – au sein d’un grand ensemble français voire, un jour, franco-africain. Ses positions, tant en Afrique subsaharienne que par rapport à l’évolution des protectorats du Maroc et de la Tunisie lui valent déjà de fortes oppositions, en particulier de la part du Rassemblement du peuple français (RPF) du général de Gaulle, gardien vigilant de l’empire.
De juillet 1950 à août 1951, François Mitterrand a l’occasion de mettre en application ses conceptions en tant que ministre de la France d’Outre-mer dans les gouvernements de René Pleven (I) et Henri Queuille (III). Son passage rue Oudinot est essentiel car il fait de lui, au-delà des arcanes des assemblées parlementaires, un spécialiste des questions ultramarines. Celles-ci constituent même, au cours des années suivantes et au gré de ses différents postes ministériels, sous les gouvernements d’Edgar Faure (I), Pierre Mendès France puis Guy Mollet, l’un des fils conducteurs de son engagement politique qui l’ancre de plus en plus au centre gauche de l’échiquier politique. Lorsqu’au milieu des années 1950, la nécessité de réformer le titre VIII de la Constitution (« De l’Union française ») se fait plus impérieuse, compte tenu de l’évolution des revendications nationalistes africaines, il s’investit pleinement dans ce débat qui engage alors l’avenir de la République française. Il publie deux ouvrages sur ce sujet : en 1953, Aux frontières de l’Union française. Indochine-Tunisie, et surtout en 1957, Présence française et abandon. François Mitterrand s’y fait, comme au sein de l’Assemblée nationale, le chantre d’une « Communauté fédérale (…) des plaines de Flandre aux forêts de l’équateur » organisée autour d’« un pouvoir centralisé fortement structuré à Paris »[2]. Le 4 février 1958, il dépose en ce sens un projet de résolution prévoyant la création d’une « Communauté franco-africaine ». Conscient de la poussée des nationalismes africains, il espère pouvoir trouver les formules juridiques permettant de faire adhérer les élites africaines au maintien d’un grand ensemble franco-africain à vocation fédérale.
C’est bien dans cette conception d’ensemble qu’il analyse, dès le début des années 1950, la question du devenir du Maroc et de la Tunisie. Opposé à la politique de force, il se montre partisan de solutions permettant la pérennisation des liens entre la France et ses protectorats sous des formes politico-institutionnelles renouvelées. Sur l’Algérie, en revanche, il donne à voir un autre visage. Comme ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Pierre Mendès France, il participe, à la suite de la « Toussaint rouge », à la répression des mouvements nationalistes algériens, de même qu’en tant que Garde des Sceaux du gouvernement de Guy Mollet. Ce qui ne l’empêche pas de réclamer une solution avant tout politique au conflit qui passe d’abord, selon lui, par de profondes réformes économiques et sociales en faveur des populations algériennes.
Le colloque organisé par l’Institut François Mitterrand et la Société française d’histoire politique entend revenir sur ces aspects moins connus de la vie politique de François Mitterrand. Il s’agira d’analyser ses conceptions politiques ultramarines, libérales pour l’époque, qui appellent à des évolutions progressives et mutuellement profitables. Des options politiques fortes qui lui valurent de violentes oppositions et des tentatives de déstabilisation comme « l’affaire des fuites ». Pour autant, ce libéralisme n’admettait pas encore l’indépendance des territoires de l’Union française et laissa place à l’option répressive dans la guerre d’Algérie.
Ce faisant, il s’agira de comprendre en quoi François Mitterrand est représentatif de générations politiques qui croyaient à la « plus grande France » et de quelle manière il participa au maintien d’un grand ensemble franco-africain centré autour de la France et intégré à l’Europe en voie de construction. Ce colloque sera enfin l’occasion de réévaluer la place de l’Afrique dans l’itinéraire politique de François Mitterrand, d’analyser les réseaux qu’il construisit à cette occasion, et la façon dont il conjugua intérêts politiques, impératif de puissance et sens de l’État. Cette expérience inaugurale et sans doute matricielle ne saurait être ignorée dès lors que l’on s’intéresse à la politique africaine du leader de la gauche et du président de la République dans la période post-coloniale. »
Les communications proposées s’inscriront dans l’un des trois axes suivants :
1) Hommes et réseaux au temps de la France impériale
Il conviendra de s’intéresser à l’entourage de François Mitterrand dans les fonctions qu’il occupait en lien avec l’Afrique, à ses relations avec l’administration coloniale, avec les milieux d’affaires ainsi qu’avec les parlementaires africains et les élus des colonies, et plus généralement avec les parlementaires intéressés par ces questions (ceux de la commission des Territoires d’Outre-mer par exemple, ou les membres de l’Assemblée de l’Union française).
2) Des réformes pour quel avenir ?
Quelle conception François Mitterrand se faisait-il de l’Afrique colonisée et de son avenir ? S’intéresser à la politique qu’il conduisit en Afrique nécessite au préalable de revenir sur sa connaissance et son ressenti sur l’Afrique au moment où il devint un homme politique de premier plan : François Mitterrand nourrissait-il une pensée propre sur l’Afrique ou communiait-il, comme la très grande majorité de ses contemporains, en 1944-1947, avec le mythe de la puissance par l’empire et la bonne conscience du colonisateur ? Les voyages de François Mitterrand sur le continent – officiels ou privés – nourrissent par la suite une connaissance et une réflexion couchées sur le papier dans les articles et les livres qu’il consacra dans les années 1950 à l’Afrique.
Il conviendra d’observer dans un deuxième temps le rapport de François Mitterrand à l’État colonial, ainsi que la politique dessinée et mise en œuvre dans le cadre de ses responsabilités politiques, dans un contexte international de décolonisation. La question du développement de l’Afrique est au centre des préoccupations des réformistes coloniaux sous la IVe République. Outre le volet économique et social de son action, on s’intéressera bien évidemment à sa dimension politique – à commencer par la politique menée en Côte d’Ivoire et vis-à-vis du RDA – et aux réformes initiées en ces années où aucun responsable politique ne pouvait éluder la question de l’avenir de l’Afrique colonisée et de ses relations avec la France.
À cet égard, une attention particulière sera portée d’une part, à l’implication de François Mitterrand dans les projets politico-institutionnels destinés à conserver des liens avec des colonies en voie d’émancipation – la Communauté, l’Eurafrique – et aux éventuels modèles étrangers convoqués, d’autre part, aux réponses apportées aux contestations de l’ordre colonial – nationalismes africains, insurrections, guerres en Algérie et au Cameroun – et à la revendication d’indépendance.
3) François Mitterrand, l’Afrique et le jeu politique métropolitain
François Mitterrand construisit-il une vision ultramarine fondée sur une vraie fibre impériale ou l’Afrique ne constitua-t-elle qu’un outil de son jeu politique métropolitain (avec, en ligne de mire, Matignon) ? La question appelle à interroger le rôle de tremplin politique que joua l’Afrique colonisée dans la carrière politique de l’élu UDSR de la Nièvre, mais aussi l’ombre portée de cette expérience africaine sur ses conceptions et ses réseaux dans la longue durée. Pour ce qui est des années 1950, la décision de publier deux livres sur l’Afrique ne doit sans doute rien au hasard. Sur un autre plan, l’apparentement du RDA à l’UDSR, véritable coup politique – dont il ne fut pas le seul maître d’œuvre –, ses conséquences sur les relations de François Mitterrand avec les communistes gagneraient à être interrogés, tout comme, plus généralement, les oppositions, les inimitiés et les attaques que lui valurent ses responsabilités « africaines ».
Modalités de soumission :
Les propositions de communication (une page maximum) sont à envoyer au plus tard le 15 octobre 2022, accompagnées d’une courte présentation de l’auteur ou de l’autrice (une page maximum) à fmafrique chez mitterrand.org
Membres du comité scientifique :
Frédéric Turpin, professeur à l’université Savoie Mont-Blanc
Frédéric Bozo, professeur à l’université Sorbonne nouvelle,
Jenny Raflik-Grenouilleau, professeure à l’université de Nantes,
Anne-Laure Ollivier, professeure d’histoire en CPGE littéraires,
Noëlline Castagnez, professeure à l’université d’Orléans,
Gilles Richard, professeur émérite à l’université Rennes 2.
[1] Parmi les nombreux biographes de François Mitterrand, Éric Duhamel est l’un de ceux qui s’est le plus intéressé à cette dimension. Éric Duhamel, François Mitterrand. L’unité d’un homme, Paris, Flammarion 1998.
[2] François Mitterrand, Présence française et abandon, Paris, Plon, 1957, p.237.
Colloque
23-24 novembre 2022 (Académie des sciences d’Outre-mer (Paris))
Page créée le mercredi 31 août 2022, par Webmestre.