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Appel
Date limite de soumission : mercredi 20 mars 2024
L’association Halqa, qui réunit depuis 2012 les jeunes chercheurs et chercheuses spécialistes des mondes musulmans modernes et contemporains, organise les 13 et 14 juin prochains ses onzièmes journées d’études à à l’INALCO. Ces journées d’études proposent de discuter de la jeune recherche en cours, des nouvelles sources, matériaux théoriques et empiriques qui contribuent au renouvellement de la question (dé)coloniale dans les espaces à majorité musulmane en sciences sociales.
La colonisation, qui amalgame en réalité des systèmes d’administration (colonies, protectorats, mandats) et des espaces variés, apparaît rétrospectivement comme un processus et un phénomène historique structurant de nombreuses sociétés de l’espace SWANA (Delamard, 2007). Si elle se manifeste sous des formes, spatialités et temporalités en partie spécifique à la trajectoire de chaque pays, elle repose également sur des mécanismes, structures et logiques communes, qui regroupent la notion de « fait colonial » (Platania, 2011 ; Blais, Deprest, Singaravélou, 2011). Celui-ci est compris ici dans une acception large qui inclut à la fois un système politique, juridique et militaire, une organisation sociale hiérarchisée et des rapports de pouvoir ancrés dans l’espace qui dictent, façonnent ou orientent les conduites des acteurs sociaux. Le fait colonial englobe et traverse donc l’ensemble des espaces sur lequel il s’étend. Il s’exprime aussi bien dans le champ (géo)politique et économique que dans la sphère quotidienne, le vécu et l’ordinaire – tant et si bien que la décolonisation ne saurait se réduire aux mobilisations nationalistes émergeant dès la fin du XIXe siècle, ou aux proclamations d’indépendance ayant marqué la seconde moitié du XXe siècle.
À la lumière de ce qui précède, ces 11èmes journées d’études accueillent des communications autour du fait (dé)colonial et des problématiques soulevées par le champ des études “aréales”. La Halqa propose alors aux masterant·es et doctorant·es de contribuer à une réflexion commune autour de ces questionnements non exhaustifs :
Axe 1 : L’émergence des nationalismes en contexte colonial, les mouvements révolutionnaires et les luttes d’indépendances nationales
Les luttes décoloniales ont emprunté des voies aussi communes que singulières en fonction des espaces et des temporalités donnés – les résistances armées menées par l’émir Abdelkader en Algérie ou les guerres mahdistes au Soudan, la voie diplomatique avec le Congress Party en Inde, les conférences de Bandung puis d’Alger ou encore par le biais de la pensée engagée avec les plumes d’Abdelmalak Sayad, Jean-Paul Sartre ou Edward Saïd. Ainsi, comment les acteurs qui ont affronté la colonisation ont-ils pensé, se sont-ils organisés et quelles formes ont pris les luttes décoloniales qu’ils ont défendues ? De Gandhi en Inde à Frantz Fanon en Algérie, quelles ont été les formes d’engagement politique et les voix qui se sont élevées à l’encontre du système colonial en place ? Comment les variables sociale, culturelle, religieuse ou artistique ont-elles contribué à ces mobilisations ?
Axe 2 : Réactivation des passés coloniaux et nouvelles formes de domination
Les dates habituellement retenues pour marquer la fin de la colonisation et le début d’une nouvelle ère politique ne représentent pas des frontières au seuil desquelles le fait colonial trouve son terme (Singaravélou, 2023 ; Bancel, 2022). Celui-ci s’inscrit sur une échelle de temps plus longue : celle des structures politiques, marquées par des reliquats d’institutions et des pratiques coloniales, donnant à voir le poids de la path dependence (Palier, 2010) ; celle de la langue imposée par l’administration coloniale et qui subsiste à son départ, avec les rapports de force qu’elle cristallise et les possibilités de subversion qu’elle recèle – ou réprime ; celle, en outre, des nouvelles formes de colonialisme qui continuent de lier la puissance coloniale d’antan à son ancienne colonie, que celles-ci soient économiques, diplomatiques, militaires ou symboliques. Les jeunes nations devenues indépendantes ont également vu une partie significative de leur population migrer vers les anciennes métropoles ; de fait, comment la question de l’immigration post-coloniale vient-elle réactiver les passés coloniaux (Laurens, 2022 ; Hajjat, Mohammed, 2013) ? Enfin, l’attachement des États anciennement colonisés à leur passé colonial doit également être considéré, que celui-ci s’illustre à travers des questions relatives à la langue (les débats autour du statut et de la place du français dans les pays d’Afrique du Nord et subsaharienne en témoignent), qu’en matière de politique économique, diplomatique, militaire ou de pouvoir symbolique, entre volonté d’affirmation d’une indépendance et considération des rapports de force subsistants. En somme, le fait colonial conserve toute son actualité ; et c’est au prisme des engagements contre le colonialisme sous ses modalités passées et présentes que cet appel propose de l’approcher.
Axe 3 : Les liens entre production du savoir et relations de pouvoir avant et après la décolonisation : interroger la notion d’ “orientalisme” et questionner les pratiques de recherche
La sortie en 1978 de L’Orientalisme d’Edward Saïd, considérée comme l’œuvre pionnière des études postcoloniales, a proposé une approche différente du fait colonial, jusqu’alors plutôt envisagé sous un prisme politique et militaire. Ses travaux ont eu le mérite de formuler et dénoncer le lien entre la colonisation, les représentations collectives et les productions culturelles. Avec le temps, l’essor des études postcoloniales s’est entrecroisé avec la constitution d’autres champs et approches de recherche, tels que les Cultural Studies, les Subaltern Studies, mais aussi les Women Studies et plus tard les Gender Studies, générant de nouvelles perspectives. En empruntant la notion de déconstruction à la “French Theory”, ces nouvelles approches ont ainsi permis de décloisonner les conceptions eurocentrées de l’Autre “oriental”.
Toutefois, Saïd et ses disciples ont reçu des critiques, notamment en raison de leur systématisation de la relation entre pouvoir et savoir et de la thèse de la fabrique occidentale de l’Orient (Pouillon, 2011 ; Barthélémy, Cajasus, Volait, 2016). Du fait de leur double présence dans les champs du politique et de la recherche universitaire, les questions liées au postcolonialisme ont rapidement connu un écho politique (Bancel, 2016). La critique a alors porté sur l’interprétation polarisée de l’histoire et le radicalisme rhétorique qui a été dénoncé comme une imposture (Sibeud, 2004). Malgré leurs limites, les travaux de l’école postcoloniale continuent d’irriguer les recherches actuelles et de susciter des questionnements autour des représentations (néo-)orientalistes de l’Autre (Tuastad, 2003) et de leurs effets sur les dynamiques d’auto-perception et d’auto-représentation (Schulze, 1987 ; Massad, 2007).
Dans cet axe, nous encourageons les contributions autour de la fabrication des images (dé)coloniales, les imaginaires collectifs et les représentations entre ipséité et altérité. En dialoguant avec les questions soulevées dans Le manifeste de Jérusalem (2020), l’interrogation portera aussi sur les possibles biais épistémologiques eurocentrés et les enjeux de pouvoir qui continuent de traverser les pratiques de terrain.
L’appel à communications est ouvert aux jeunes chercheur.es de toutes universités et institutions quelle que soit leur discipline (sciences sociales, art et littérature, philosophie, islamologie…) ou leur terrain de recherche.
Modalités de soumission
Les propositions de communication (en français ou en anglais) devront comprendre un titre, un résumé de 300-350 mots, quelques indications bibliographiques et une présentation des candidat·es.
Elles doivent être adressées avant le 20 mars 2024 à halqadesdoctorants chez gmail.com
Les propositions seront ensuite examinées par le comité d’organisation, et les réponses seront données début avril. La Halqa couvrira les éventuels frais de voyage (jusqu’à 150 euros), de restauration et d’hébergement des intervenant·es retenu·es.
Membres du comité d’organisation
Samir Abdelli, Nada Amin, Gehad Elgendy, Noemi Linardi, Linyao Ma, Madyan Matar, Sophia Mouttalib, Antonio Pacifico, Greta Sala
Colloque
13-14 juin 2024 (Inalco, Paris)
Page créée le mercredi 20 mars 2024, par Webmestre.