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Appel
Date limite de soumission : lundi 15 mai 2023
Après la Seconde Guerre mondiale en particulier, en raison d’une règlementation peu contraignante et de contrôles des changes inexistants, Tanger connut une forte expansion en tant que paradis bancaire et fiscal. Cette période vit la constitution de nombreuses fortunes privées, y compris celle de la famille Reichmann, associée plus tard à la création d’une autre place financière : Canary Wharf à Londres.
Tanger joua aussi un rôle important dans le mouvement de décolonisation du Maroc. Ainsi, elle servit de refuge aux militants anticolonialistes marocains. Ce fut également Tanger que le Sultan choisit le 9 avril 1947 pour formuler son vœu de voir réunifiées les trois zones du Maroc.
Alors que Tanger reste connue pour l’attirance qu’elle exerça sur de nombreux artistes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et pour avoir inspiré les créateurs de Casablanca, la Zone Internationale en tant que telle semble aujourd’hui constituer un véritable « non-lieu de mémoire ». Cela nous semble d’autant plus regrettable qu’à maints égards, Tanger peut être considérée comme ayant servi d’incubateur à l’ordre juridique et économique d’aujourd’hui, aussi bien en Europe qu’au-delà.
D’un point de vue global, Tanger fut le synonyme d’un internationalisme qui se nourrissait des rivalités entre États-nations tout en visant à les réduire, internationalisme qui offrait également de nombreuses possibilités au commerce et à la finance internationaux. La Zone fut l’un des premiers paradis fiscaux modernes, attirant de nombreuses entreprises et capitaux qui furent ensuite transférés au Panama, au Liechtenstein, en Suisse et au Luxembourg au cours des années 1955-1960, lors de sa pleine réintégration au Royaume du Maroc.
De même, certains éléments de l’architecture institutionnelle de la Zone, notamment son Tribunal mixte, présentent de fortes similitudes avec des concepts présentés aujourd’hui comme « novateurs », telles les Zones économiques spéciales ou les tribunaux spécialisés dans les litiges commerciaux internationaux – d’autant plus que des termes similaires étaient déjà utilisés dans le contexte tangérois .
L’impact de Tanger sur la construction européenne fut sans doute encore plus grand. De nombreux principes essentiels du droit de l’Union européenne, comme la primauté du droit des traités ou la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux, étaient dans une certaine mesure déjà consacrés par la jurisprudence du Tribunal mixte de Tanger, dont les décisions dans les affaires Radio-Tanger (1939) et Nordlund (1948) sont particulièrement frappantes à cet égard. De même, plusieurs protagonistes de l’intégration européenne eurent des liens directs avec la Zone de Tanger. Par exemple, l’Italien Nicola Catalano, un des premiers « Euro-lawyers », co-auteur du Traité de Rome, juge à la Cour de Luxembourg et auteur du premier manuel de droit communautaire, avait été le Conseil juridique de la Zone de Tanger et recommandé aux autorités de cette dernière d’accepter la jurisprudence du Tribunal mixte en matière de primauté des traités. Un autre juriste, Armando Toledano Laredo, issu d’une famille juive tangéroise dont les membres bénéficiaient du statut de protégés italiens, occupa pendant plusieurs décennies un poste de Conseiller juridique principal au sein de la Commission européenne. Le diplomate néerlandais Henri van Vredenburch, Administrateur de la Zone de Tanger de 1948 à 1951, devint plus tard secrétaire-général adjoint de l’OTAN et le premier ambassadeur de la CECA à Londres. Alfred Wauters, le dernier juge belge au Tribunal mixte, occupa plus tard les fonctions de Président de la Cour de justice Benelux et de Président de la Cour de cassation belge. Pedro Cortina, diplomate espagnol à Tanger et plus tard Conseil juridique de la Zone, eut également des liens avec la Cour permanente d’arbitrage à La Haye et fut le dernier ministre des Affaires étrangères de l’Espagne franquiste. Gunnar Lagergren, avant d’officier comme arbitre international mondialement connu, Président du Tribunal irano-américain de réclamations et juge à la Cour européenne des droits de l’homme, commença sa carrière juridique comme juge suédois au Tribunal mixte de Tanger.
Bien que réelles, ces continuités restent inexplorées dans la plus grande partie de la littérature scientifique publiée dans les différents domaines concernés. Le but de la présente conférence est d’attirer à nouveau le regard sur la Zone Internationale (1925-1956) et la période de transition (1956-1960), de soumettre ces périodes à une analyse critique et, le cas échéant, d’identifier les continuités et les discontinuités avec les institutions et les pratiques d’aujourd’hui. Aussi accueillerons-nous volontiers des contributions portant sur tous les aspects de la Zone Internationale, notamment sur des questions juridiques, politiques et économiques, que ce soit en anglais, en français, en arabe ou en espagnol (qui seront également les langues de travail de la conférence). Par ailleurs, nous encourageons fortement l’utilisation de sources publiées et d’archives dans d’autres langues, comme p. ex. l’allemand, l’italien, le néerlandais, le portugais, ou le suédois.
Des exemples de sujets de recherche incluent (de manière non exhaustive) :
les politiques menées par les différentes puissances dans ou envers la Zone ;
les attitudes et politiques marocaines dans et envers la Zone et ses institutions ;
les relations entre zones et les relations extérieures de la Zone de Tanger ;
la politique dans l’Assemblée internationale législative de Tanger ;
le veto du Comité de contrôle de la Zone ;
le système juridique et les codes de la Zone ;
le fonctionnement, la jurisprudence et les réformes du Tribunal mixte ;
le barreau de la Zone Internationale ;
les trajectoires individuelles de juristes, fonctionnaires, entrepreneurs et intermédiaires ;
le système bancaire tangérois ;
les tribunaux ecclésiastiques, rabbiniques et islamiques ;
le fonctionnement et la jurisprudence du Tribunal consulaire américain ;
la guerre civile espagnole et son impact sur la Zone ;
l’architecture des bâtiments de l’administration internationale à Tanger ;
les contrebandiers et la loi ;
le système juridique de la période de transition (1956-1960).
Modalités de contribution
Dans la mesure où la Zone Internationale de Tanger constitue un champ de recherche relativement peu investi pour lequel il nous semble important d’encourager de nouvelles investigations, nous nous contenterons dans une première phase d’une simple manifestation d’intérêt (incluant une proposition de sujet en 150 à 200 mots et un bref CV) à envoyer à tangerstatut100 chez gmail.com jusqu’au 15 mai 2023.
La sélection des sujets de contributions s’effectuera au plus tard au 1er juillet 2023.
En cas d’acceptation de votre proposition, vous aurez jusqu’au 1er novembre 2023 pour nous soumettre une première ébauche écrite de votre contribution, sachant que nous comptons publier par la suite publier les actes de la conférence.
En principe, la conférence devrait avoir lieu à Tanger le 18 décembre 2023, avec toutefois aussi la possibilité d’y participer à distance.
À l’heure actuelle, il n’est pas prévu de financement pour les frais de déplacement et d’hébergement des intervenants souhaitant rejoindre l’événement sur place.
Comité d’organisation
Willem Theus (KU Leuven – UCLouvain),
Michel Erpelding (Université du Luxembourg),
Francesco Tamburini (Université de Pise),
Fouzi Rherrousse (Université d’Oujda),
Geert Van Calster (KU Leuven).
Colloque
Lundi 18 décembre 2023 (Tanger)
Page créée le mardi 10 janvier 2023, par Webmestre.