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Colloque
8-9 novembre 2022 (Oxford)
Journées réalisées en Partenariat avec l’Université d’Oxford, le Kellogg College, la Maison française d’Oxford, le Laboratoire Caribéen de Sciences Sociales (LC2S-CNRS) Martinique, le Groupe de recherche « Mondes caraïbes et transatlantiques en mouvement » (MCTM) Martinique-Paris, le Fondation Maison des Sciences de l’Homme (FMSH-Paris).
« La notion de « plantationocène » est apparue assez récemment lors d’une discussion collective dans une université danoise en 2014 où Donna Haraway et Anna Tsing inventent le terme. La discussion a été publiée par la revue Ethnos en 2015[1] et n’a cessé depuis de monter en puissance dans les écrits de sciences humaines consacrés à la crise écologique majeure que nous connaissons. Outil critique de l’anthropocène, le nouveau vocable « plantationocène » s’ajoute à celui de « capitalocène » du géographe Andréas Malm[2] et vient désigner les logiques prédatrices touchant au vivant, humain et non-humain, et à toute forme de matérialité incluant le développement exponentiel des économies fossiles. Le terme implique la reconnaissance de processus lourds de domination qui se mettent en place dans les économies esclavagistes du « Nouveau Monde » et forment un point de bascule vers des pratiques devenues désormais sans limites dans la pulsion extractiviste des ressources planétaires. L’usage du terme bouscule sérieusement le « bloc anthropocène » où la responsabilité des déséquilibres écologiques est attribuée à une humanité homogène sans prendre en compte les rapports de pouvoir constitutifs de l’Occident colonial et post-colonial. Dans son « écologie décoloniale », Malcom Ferdinand reprend la notion et la redouble par celle de « Négrocène » :
Plus qu’un « parasitisme humain » du maître-planteur envers l’hôte-esclave, le Négrocène décrit une manière injuste d’habiter la Terre où une minorité s’abreuve de l’énergie vitale d’une majorité discriminée socialement et dominée politiquement. Telle l’autre face du Plantationocène, le Négrocène signale l’ère géologique où l’extension de l’habiter colonial et les destructions de l’environnement s’accompagnent de la production matérielle, sociale et politique des Nègres ».[3]
Au cours de cette rencontre, notre objectif est d’interroger la valeur heuristique de cette notion de « plantationocène ». Nous la postulons dotée d’une pertinence quant à la saisie des processus de domination que les approches plus classiques ne parviennent pas à configurer dans leur ensemble et plus précisément à partir de l’articulation entre les rapports sociaux et environnementaux, le « plantationocène » se dotant de la capacité à ne pas dissocier l’exploitation humaine de celle des ressources dites « naturelles ». Mais surtout, et peut-être par-dessus tout, la notion se destine à reconsidérer la place de l’esclavage dans le processus de domination mondiale de l’économie occidentale. Aucun autre concept, aucune autre notion n’avait auparavant affirmé avec autant de force combien les économies et les systèmes esclavagistes avaient été au fondement de la « modernité occidentale » faisant de cette dernière le lieu de la terrible association de l’impensable entre « progrès humaniste/démocratique » et « barbarie inhumaine/esclavagiste », ce qu’Achille Mbembe désigne par les « démocraties esclavagistes »[4]. Notre réflexion sera donc orientée vers la scrutation de cette notion, en proposant en outre un prolongement vers un débat sur le nouvel ordonnancement du monde rendue possible et imaginable à partir de la plantation, et que certains, dont le géographe Michel Lussault, appelle « l’urbanocène »[5].
Nous procéderons donc en deux temps. Le premier volet sera consacré à examiner la portée de la notion d’anthropocène en introduisant l’impensé que fabriquent les autres approches qui oblitèrent combien « l’inhumain » est concerné par le développement économique du capitalisme mondial depuis la matrice des plantations. Ce sera l’occasion de porter aussi une attention particulière aux « nouveaux matérialismes » polarisés sur l’idée de reconfigurer la relation humain/non-humain sans véritablement prendre en compte la pratique de l’inhumain, ce qui met à mal ces nouveaux paradigmes. Le second volet s’attachera à penser les rapports entre la plantation et l’urbain – plantationocène et urbanocène - en mettant en dialogue des spécialistes du monde urbain du « Nord » et de la Caraïbe. Sur ce plan, il n’est pas exclu de penser que le passage à une échelle démesurée de l’exploitation des ressources soit la projection cyclopéenne d’un ordre plus ancien où les paysanneries avaient en charge de nourrir les villes. Là, à ce gigantisme de la production agricole forgé dans les plantations, viendrait alors correspondre l’urbanocène.
1 – Premier volet. Le « plantationocène », une notion qui dit la fin du partage « nature-culture » à travers la prédation inhumaine de l’humain, du vivant et du matériel.
2 – Deuxième volet. Le « plantationocène », une notion qui demande à reconfigurer les liens entre l’urbain et le rural agricole et envisager le trajet du plantationocène à l’urbanocène.
Programme
Mardi 8 novembre 2022 Mawby room - Kellogg College Oxford 10h00-17h00
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10:00 -
Introduction – ouverture : David Howard (University of Oxford, Kellogg College), Pascal Marty (Maison française d’Oxford, MEAE-CNRS) and Christine Chivallon (CNRS-MCTM)
Matinée : 1/1 Plantationocène
10:30-11:15 - Christine Chivallon, anthropologue et géographe,, LC2S-CNRS, Martinique
Le plantationocène : une notion pour décoder nos mondes ? (Depuis la plantation jusqu’aux univers de savoirs académiques)
11:15-12:00 - Rui Gomes Coelho, Historical Archaeologist, Assistant Professor, Durham University
Archaeology in the Plantationocene
12:00-12:30 - Discussion avec Charles Forsdick (James Barrow Professor of French Université de Liverpool) et tous les participants
Après-midi : 1/2 Plantationocène
14:30-15:15 - Esteban Gonzales, Philosophe, Doctorant, Université de Paris 8 et MCTM.
Le savoir comme marchandise : l’extractivisme épistémologique et la lutte des savoirs subalternisés dans le plantacionocène
15:15-16:00 - John Pugh, geographer, Reader in Island Studies, Newcastle University
The World as Abyss
16:30-17:00 - Discussion avec Charles Forsdick (James Barrow Professor of French Université de Liverpool) et tous les participants
Mercredi 9 novembre 2022 10h-17h45 Salon Maison Française d’Oxford
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Matinée : 1/3 Plantationocène
10:30-11:15 - Pascal Marty, géographe, Maison française d’Oxford, (MEAE-CNRS)
Spatial dispersion of an invasive species in the Plantacionocene : the socio-ecological system of the small Indian mongoose
11:15-12:00 - Kasia Mika, Professeure de Littérature Comparée, Queen Mary University London, Sally K. Stainier, Docteure en Science politique et chercheuse indépendante, Guadeloupe.
Remodeler des futurs avec la sargasse : une poétique caribéenne de l’espoir
12:00-12:30 - Discussion avec Charles Forsdick (James Barrow Professor of French Université de Liverpool) et tous les participants
Après-midi : 2/1 Urbanocène
14:30-15:15 - Michel Lussault, professeur de géographie urbaine, Université de Lyon, École normale supérieure de Lyon,
L’anthropocène serait-il un urbanocène ?
15:15-16:00 - Patricia Noxolo, Professor of Human Geography, University of Birmingham
Black Pleasure Beyond the Plantationocene and Urbanocene : A Short Reflection on Tia-Monique Uzor’s ‘The Noise My Leaves Make’
16:30-17:15 - David Howard, Geographer, Professor in Sustainable Urban Development, Oxford University, Caribbean Studies Network, Kellogg College
Urbanised islands : what does the ‘Plantationocene’ offer ?
17:15-17:45 – Discussion/conclusions avec Charles Forsdick (James Barrow Professor of French, Université de Liverpool) et tous les participants
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