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Appel à communication : « La diffusion des produits ultra-marins en Europe (XVIe-XVIIIe siècle) »(Université de Nantes, 30/06/2016)

Date limite de soumission : jeudi 24 mars 2016

L’enjeu de cette journée est de comprendre comment se sont diffusés les produits exotiques en Europe, en prenant en compte la grande différenciation des consommations en fonction des pays, des espaces (maritimes et intérieurs, urbains et ruraux) et des classes sociales, en s’intéressant aux adaptations réalisées pour répondre aux besoins et aux goûts des consommateurs européens.

Cette journée d’étude est organisée dans le cadre du LABEX EHNE Écrire une nouvelle histoire de l’Europe avec le soutien du CRHIA (Centre de recherches en histoire internationale et atlantique) et de l’IDHES (Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société)

À la période moderne, l’essor des consommations européennes s’accompagne d’un renouvellement des marchandises disponibles. L’arrivée massive de produits tropicaux alimentaires (sucre, café, tabac), des matières premières du textile (coton, colorants), et des produits manufacturés (cotonnades imprimées, porcelaines) contribue à la transformation des goûts européens (Berg, 1999 ; Meyzie, 2010). L’intérêt des chercheurs pour la diffusion des produits coloniaux a été nourri par le développement de la world history ou global history depuis les années 1990. Les recherches sur les produits exotiques ont été influencées par les débats sur le rôle moteur de la demande en Europe. Depuis l’ouvrage pionnier de Neil McKendrick, The Birth of a consumer society (1982), Carole Shammas, Lorna Weatherill ou Daniel Roche se sont intéressés à la culture matérielle des deux côtés de l’Atlantique. Pour prouver l’expansion des marchés intérieurs, les historiens européens ont commencé à traquer les produits nouveaux et exotiques comme les indiennes, la vaisselle en porcelaine, le tabac ou le thé dans les intérieurs. Par la suite, Jan de Vries a appelé à un changement de perspective en faisant du consommateur l’acteur principal d’une révolution de la consommation, une position qui reste débattue. Maxine Berg, Hoh Cheung et Lorna Mui et plus récemment Natacha Coquery ont, entre autres, souligné le rôle des commerçants dans la stimulation de la demande. Ces controverses ont encouragé la multiplication des études sur la consommation des nouveaux produits. Toutefois, les chercheurs se sont focalisés sur les grandes villes européennes et sur les élites. Les rythmes de diffusion des produits exotiques dans les campagnes et les foyers modestes restent mal connus.

La circulation des produits ultra-marins est une entrée commode pour appréhender les « jeux de l’échange international » qui favorisent les emprunts et les réappropriations des techniques (Hilaire-Pérez, 2003, 2010). La question a été récemment renouvelée lors du colloque « Circulation, métissage et culture matérielle, XVIe-XXe siècle » (Figeac et Bouneau, 2015). La vogue des produits manufacturés d’origine extra-européenne a contribué à susciter des phénomènes d’imitation et d’appropriation d’ordre technique et artistique dans l’industrie européenne, en particulier dans l’indiennage (Raveux, 2015 ; Riello, 2013 ; Fox et Nieto-Galan, 1999). Ce mouvement s’appuie sur l’élargissement de l’éventail des matières premières disponibles pour la production manufacturière européenne, en particulier les nouvelles fibres textiles et les colorants. Ainsi, ce ne sont pas seulement les consommations finales mais aussi les consommations intermédiaires dans le secteur manufacturier qu’il faut prendre en considération dans cette réflexion sur la diffusion des produits d’outre-mer (Riello, 2009 ; Engel, 2009). Il reste encore beaucoup de zones d’ombre sur la façon dont se structurent les réseaux de commercialisation et de redistribution des produits, des zones de production aux manufactures consommatrices de matières premières.

Nous partons de l’hypothèse qu’une approche qui prend en compte des produits de diverses natures (alimentaires, matières premières industrielles, plantes médicinales, biens manufacturés) peut, par la vertu de la comparaison, renouveler l’étude de la diffusion des marchandises exotiques en Europe. L’objectif de la journée d’étude est de saisir les différentes étapes de la circulation des produits tropicaux : l’arrivée dans les métropoles européennes, la transformation dans les ateliers et les manufactures, la distribution. Il s’agit de comprendre comment ils ont été adaptés au goût des Européens, souvent partagés entre la méfiance et l’attrait pour les nouveautés. Une attention particulière sera apportée à la variation des échelles (échanges maritimes internationaux, vente au détail), aux différents modes d’approvisionnement, de distribution et de consommation(licites ou illicites) et aux usages différenciés des nouveaux produits en fonction des classes sociales et des espaces.

Trois axes de réflexion sont proposés :

Axe 1. Le transport des produits ultra-marins : coûts et aléas

Qu’il soit maritime, fluvial ou terrestre, le transit est le moment de tous les dangers. Il a pourtant été peu étudié : « du côté des échanges on s’est plus préoccupé de la direction des flux que des étapes ; du point de départ au point d’arrivée, il s’agit souvent d’un trait sans épaisseur » (Woronoff, 1998). Pour des produits caractérisés par la grande distance entre lieux de production et de consommation, le déplacement est un moment crucial. Les sources sont abondantes bien qu’éparpillées. Les archives notariales regorgent de procès-verbaux dressés pour avaries, les bilans mentionnent les pertes dues aux naufrages et les archives des manufactures mettent en évidence le soin porté au choix du voiturier, à l’emballage et aux assurances pour le transport. L’étude des risques souligne l’importance du conditionnement et son coût. Il s’agira donc d’étudier la matérialité concrète des circulations des produits tropicaux, et la façon dont elles s’inscrivent dans le temps et dans l’espace.

Axe 2. Transformation et distribution des produits ultra-marins

Pour répondre au goût des consommateurs européens, de nombreux produits ultra-marinssont transformés dans les métropoles européennes. Les porcelaines peintes en bleu et blanc importées de Chine, de plus en plus délaissées par les Européens, sont ornées de fleurs rouges et de filets d’or pour les transformer en faux Imari japonais. La cassonade brune est raffinée pour être vendue sous forme de pains de sucre d’un blanc immaculé, les toiles imprimées sont découpées et cousues pour produire vêtements, mouchoirs, linge de maison. Quant aux matières premières, qu’il s’agisse des filés de coton rouge venant du Levant, de la gomme arabique ou des bois de teinture, elles sont elles aussi, destinées à être transformées pour les besoins des manufactures européennes.

L’objectif est de saisir les différentes logiques à l’origine de ces transformations en Europe (goûts et dégoûts pour certains motifs exotiques, rôle de l’Exclusif colonial, etc.) et de comprendre comment ces adaptations sont mises en œuvre par les détaillants et les entrepreneurs européens. L’observation des stratégies de production et de vente est décisive pour saisir la diffusion des articles ultra-marins. La distribution d’un nouveau produit ne va pas de soi et nécessite audace et prise de risque de la part des marchands et des manufacturiers. Les acteurs du secteur innovent et jouent avec les qualités et les prix. Il s’agira d’analyser les négociations entre les acteurs du marché, en particulier sur le prix des matières destinées à être transformées et pour lesquelles les considérations sur les coûts de production jouent un rôle de premier plan. Ces questions restent mal connues en particulier à l’échelle des détaillants et des fabricants, restés dans l’ombre des grands négociants portuaires.

Axe 3. La consommation différenciée des produits ultra-marins

La plupart des produits exotiques mis en vente en Europe présentent une grande variété de qualités. Il conviendra de s’interroger sur la construction de la réputation des produits et la différenciation des consommations et des usages. Les travaux pourront porter sur une marchandise en particulier afin de souligner la grande diversité de la demande. Une approche comparée entre produits pourrait également offrir des pistes intéressantes. Par exemple, est-il possible de construire des typologies de produits en fonction des repères de qualité mobilisés, de la marque comme certification officielle de qualité à la simple référence à l’origine géographique ? L’objectif est aussi d’évaluer la diffusion des produits exotiques en privilégiant les espaces jusqu’alors peu étudiés par les historiens (territoires ruraux, villes de province) et les classes sociales modestes.
Communications

- Les langues de la journée d’études sont l’anglais et le français

- Les propositions de communication (en français ou en anglais) sont à envoyer à l’adresse suivante : jeultramarins chez gmail.com

- Elles comprendront un titre et un résumé d’une page maximum, accompagnés d’un CV, et devront être envoyées avant le 15 mars 2016.

- Les actes de la journée d’études seront publiés dans la revue Enquêtes et Documents courant 2017.

Comité d’organisation

- Marguerite Martin (IDHES – Université Paris I) : jeultramarins [at] gmail [dot] com
- Maud Villeret (CRHIA – Université de Nantes) : jeultramarins [at] gmail [dot] com

Comité scientifique en cours de composition

- Natacha Coquery (LARHRA – Université Lumière Lyon 2)
- Dominique Margairaz (IDHES – Université Paris I)
- Marguerite Martin (IDHES – Université Paris I)
- Philippe Meyzie (CEMMC – Université Bordeaux Montaigne)
- Éric Schnakenbourg (CRHIA – Université de Nantes)
- Maud Villeret (CRHIA – Université de Nantes)

Bibliographie sommaire

- Berg Maxine et Clifford Helen, Consumers and luxury. Consumer culture in Europe 1650-1850, Manchester, New York, Manchester University Press, 1999.
- Coquery Natacha (dir.), Ville, consommation et exotisme dans l’Europe Atlantique XVe-XVIIIe siècles, dossier spécial de la revue Histoire Urbaine n°30, 2011.
- De vries Jan, The Industrious Revolution. Consumer behavior and the household economy, 1650 to the present, Cambridge, Cambridge University Press, 2008.
- Engel Alexander, Farben der Globalisierung. Die Entstehung moderner Märkte für Farbstoffe 1500-1900, Frankfurt am Main - New York, Campus, 2009.
- Fox Robert, Nieto Galan Agusti (dir.), Natural Dyestuffs and Industrial culture in Europe 1750-1880, Canton, Science History Publications, 1999
- Hilaire-Pérez Liliane, « Les échanges techniques entre la France et l’Angleterre au XVIIIe siècle : la révolution industrielle en question », dans Beaurepaire Pierre-Yves et Pourchasse Pierrick (dir.), Les circulations internationales en Europe, années 1680-années 1780, Rennes, PUR, 2010, p. 197-213.
- Hilaire-Pérez Liliane, L’invention technique au siècle des Lumières, Paris, Albin Michel, 2000.
- McKendrick Neil, Brewer John, Plumb J. H., The Birth of a consumer society. The commercialization of Eighteenth-century, Londres, Europa publications limited, 1982.
- Meyzie Philippe, L’alimentation en Europe à l’époque moderne, Paris, Armand Colin, 2010.
- Mui Hoh-Cheung et Mui Lorna H., Shops and shopkeeping in Eighteenth-Century England, London, Routledge, 1989.
- Raveux Olivier, « The Orient and the dawn of Western industrialization : Armenian calico printers from Constantinople in Marseilles (1669-1686), dans Berg, Maxine (dir.), Goods from the East, 1600-1800 : Trading Eurasia, Palgrave Macmillan UK, 2015, p. 77-91.
- Riello Georgio (dir.), The Spinning World. A global History of Cotton Textiles, 1200-1850, Oxford, Oxford University Press, 2009.
- Riello Georgio, Cotton : the fabric that made the modern world, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2013.
- Roche Daniel, Histoire des choses banales. Naissance de la consommation (XVIIe-XIXe siècle), Paris, Fayard, 1997.
- Weatherill Lorna, Consumer behaviour and material culture in Britain 1660-1760, Londres-New York, Routledge, 1988.


Page créée le jeudi 17 mars 2016, par Dominique Taurisson-Mouret.


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