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Administrations coloniales -Séminaire IHTP (Séance du 20/01/2011)

Séminaire sur les administrations coloniales

Paris, Institut d’histoire du temps présent

Programme de la séance à trois voix du 20 janvier 2011

Rôles et pratiques des administrations militaires

14h30-17h30

Farid LEKEAL, Université de Lille 2-Centre d’histoire judiciaire (CNRS-Lille 2)

Les acteurs de l’arbitrage entre juridictions consulaires et conseils de guerre : un moment dans la pacification judiciaire dans la Régence de Tunis (1881-1882)

Entre la conclusion du traité du Bardo du 12 mai 1881 qui aliène une partie de la souveraineté beylicale et la fin de l’année 1882, les autorités françaises peinent à justifier, aux yeux de la communauté européenne de Tunis, la compétence des conseils de guerre français à l’égard des ressortissants étrangers. Or, pendant plusieurs mois, de multiples incidents — d’intensité violente variable — mettent aux prises ressortissants européens établis à Tunis et soldats français.

Tout au long de cette période, l’existence de juridictions consulaires héritées des capitulations constitue, pour la France, un obstacle à une répression énergique des agressions commises contre le contingent militaire français : les juridictions consulaires font en effet le plus souvent montre d’indulgence à l’égard de leurs nationaux qui soit, échappent à toute répression, soit font l’objet d’une condamnation purement symbolique. Du point de vue français, la situation apparaît alors momentanément figée dans la mesure où les puissances européennes n’ont pas encore renoncé au bénéfice de leurs juridictions consulaires et qu’en conséquence, la France ne peut mettre en place ses propres juridictions civiles.

Seules les juridictions militaires françaises installées en Tunisie dans le sillage de la conquête militaire permettent d’escompter une répression sévère des agressions commises à l’encontre des soldats français. Pourtant, les autorités françaises hésitent à déférer les ressortissants européens devant les conseils de guerre : une telle initiative pose à la fois des questions de droit, qui sont loin d’être totalement résolues, mais aussi de pure opportunité politique.

En septembre 1882, l’affaire Meschino — du nom d’un barbier sicilien déféré devant la juridiction militaire pour avoir agressé publiquement un soldat français — apporte une réponse politique à ces questions. Le président de la République accorde la grâce à ce ressortissant italien condamné par un conseil de guerre français. Cette décision conforte les partisans de la juridiction militaire dans leurs convictions et donne, dans le même temps, satisfaction au gouvernement italien.

Dès lors, la situation évolue sensiblement et la consécration de la compétence des conseils de guerre, en la circonstance, fait évoluer l’attitude de la communauté italienne comme celle des autres ressortissants des puissances européennes résidant en Tunisie.

Le débat sur ces questions de fond soulevées par cette affaire tout comme celles qui la précèdent de quelques mois, continue néanmoins de retenir l’attention des juristes bien des années après leur conclusion politique.

Amaury LORIN, Université catholique de Lille- Centre d’histoire de sciences po.

Démilitariser les pratiques de l’administration coloniale ? Autorités civile et militaire sous le mandat de Paul Doumer, gouverneur général de l’Indochine (1897-1902)

Surnommé le « Colbert de l’Indochine », Paul Doumer, gouverneur général de l’Indochine (1897-1902), se heurte de plein fouet, dix ans après l’institution d’une Union indochinoise (1887) qu’il réalise dans les faits, à une vive opposition du pouvoir militaire, hérité de la conquête, à ses projets d’organisation administrative. Son quinquennat à la tête de l’Indochine est ainsi émaillé de tensions constantes avec le pouvoir militaire, documentées dans les riches fonds des ministères des Colonies et de la Guerre et du gouvernement général de l’Indochine (Archives nationales d’outre-mer, Aix-en-Provence ; Centre historique des archives nationales n° 1, Hanoi ; Service historique de la Défense, Vincennes), l’armée supportant mal d’être dépendante de l’autorité civile. Alors qu’arbitraire et concussion, facilités par l’éloignement de métropole, caractérisent les pratiques des administrations militaires, particulièrement en Cochinchine, le jeune gouverneur général va rencontrer de vives résistances dans sa tentative de mise au pas de l’armée en situation coloniale.

Rémy PORTE, Centre de doctrine d’emploi des forces – Ecole Militaire

(Re) Construire une administration en période de guerre internationale et civile : le cas du colonel BREMOND, ‘gouverneur d’Arménie occidentale’ (Cilicie, 1919-1921)

A la fin de l’automne 1918, en dépit de la faiblesse de ses moyens humains et matériels et dans le cadre plus large de l’opposition franco-britannique sur le partage des dépouilles de l’empire ottoman vaincu, la France tente de s’installer en Cilicie, riche province agricole entre le Taurus et l’Amanus. Nommé administrateur en chef de la région, le colonel BREMOND ne dispose que de quelques rares officiers et doit théoriquement s’appuyer sur les structures traditionnelles ottomanes survivantes, alors qu’il n’exerce pas le commandement des unités françaises déployées dans la région (elles-mêmes insuffisantes) et que le guérilla kémaliste se développe.

Tirant parti de son expérience au Maroc, il tente à la fois de jouer des rivalités entre les différentes communautés ethniques et religieuses et de favoriser la renaissance du commerce et de l’artisanat. En opposition croissante avec le général GOURAUD et Robert de CAIX nommés à Beyrouth, il lui faut aussi prendre en compte l’arrivée de milliers de réfugiés arméniens que les autorités françaises, à Paris comme au Levant, finissent par considérer comme un handicap au rapprochement avec les Turcs. Bien que blanchi après enquête parlementaire, il est finalement relevé de ses fonctions, puni au plan réglementaire et retardé dans son avancement alors qu’il s’efforce de conserver la Cilicie au Levant français.
Cet exemple soulève de nombreuses questions, parmi lesquelles celles des rapports entre administrateurs civils et militaires (et au-delà entre ministères de la Guerre et des Affaires étrangères), des moyens attribués à une politique officiellement affichée, des revirements stratégiques hexagonaux, de la possibilité de venir à bout d’une guérilla soutenue par un Etat voisin.

Programme 2010-2011 et appels à Communications

La réflexion engagée à l’IHTP sur les administrations coloniales européennes et leurs pratiques a montré la richesse et la diversité du thème. Le travail effectué jusqu’ici, dans le cadre d’une journée d’études, d’un colloque international et de séminaires organisés à l’Institut, n’a pas épuisé le sujet. L’objectif de ce nouveau séminaire, qui prendra la forme de deux demi-journées d’études en 2011, est de poursuivre le débat mais aussi de favoriser la réflexion, conduite sur un espace très large (Afrique, Asie, Méditerranée) et dans une démarche comparative, sur d’autres questions et de définir des perspectives plus larges.

La réflexion sur les administrations coloniales européennes que nous proposons pour 2011 peut se décliner selon deux axes principaux qui sont liés :

Le premier consiste à s’interroger sur le rôle et les pratiques des administrations militaires. Loin de s’apparenter à un pouvoir « invisible », les administrations militaires s’insèrent dans le tissu politique et social des colonies, protectorats et mandats. Outre leurs actions en matière de maintien de l’ordre ou de rétablissement de l’ordre, les armées ont aussi, en situation coloniale, administré, c’est-à-dire dans une large mesure gouverné. Il paraît ainsi utile :

- de faire le point sur l’état et les tendances de l’historiographie sur cette question ;

- d’analyser les stratégies mises en œuvre par les autorités militaires pour administrer les territoires coloniaux placés sous leur tutelle. Cette mise en perspective permettra notamment d’aborder le rôle et la fonction de la justice militaire dans la domination impériale ;

- de repérer les dérives (abus de pouvoir, corruption…)

La deuxième orientation de cet axe privilégie l’approche comparée avec les administrations civiles. Celle–ci vise à :

- dégager les différences et les éventuelles similitudes des pratiques et leurs finalités. Pour approfondir la réflexion sur ce dernier point, la démarche combinera différentes dimensions portant à la fois sur le regard de l’administration militaire sur le pouvoir civil et sur les connivences ou les conflits entre les deux pouvoirs (conflits de personnalités et/ou d’intérêts, divergences sur les méthodes d’administration ou sur l’application de textes réglementaires et des décisions politiques, traitement des indigènes….)

- mieux comprendre la circulation des pratiques, des hommes, le poids et la place des militaires dans l’administration civile, ainsi que les processus complexes de prise de décision ;

- mieux saisir la nature des liens entre les pouvoirs civils et militaires ainsi que les relations avec les populations, les notables et les autorités indigènes.

Le deuxième axe est consacré aux résistances des populations colonisées et aux contraintes locales. L’objectif de cet axe est d’analyser les réactions des sociétés colonisées aux politiques sociales et économiques dites de « modernisation », aux textes et aux diverses décisions souvent conçus en métropole. On relèvera que les « réformes » initiées par les pouvoirs coloniaux se sont parfois heurtées à une organisation et à des structures sociales, économiques et religieuses précoloniales, qui sont solidement ancrées.

A ce titre, il est intéressant de :

- s’interroger sur la manière dont ont été perçues aussi bien par les colons que par les populations indigènes, les législations foncières, tantôt rejetées, tantôt défendues, la tentative de réformer le statut personnel ou celui de la femme, la politique de l’enseignement, la « réforme » de la justice….

Cette approche permet

- d’une part, de mettre l’accent sur les contradictions des administrations coloniales qui oscillent entre deux tendances. Elles manifestent la volonté d’organiser un espace socio-géographique selon des règles définies par la métropole, mais elles sont aussi contraintes de s’adapter aux situations locales et de tenir compte des résistances ;

- de l’autre, de comprendre les fondements de cette attitude de refus. Ce refus serait-il porteur d’identité ? A travers quels réseaux, quelles organisations (nationalistes, religieuses, syndicales, culturelles…), et à travers quelles pratiques se manifestent les résistances au « changement » ou aux méthodes de gouvernement des administrations coloniales européennes ?

Les dates retenues pour les deux demi-journées d’études organisées par l’IHTP sont le jeudi 20 janvier 2011 et le jeudi 26 mai 2011. La première demi-journée sera consacrée aux administrations militaires et la deuxième aux résistances des populations colonisées. Il est prévu deux ou trois interventions par séance.

Les propositions de contributions à ces deux demi-journées d’étude seront adressées sous la forme d’un titre et d’un bref résumé avant le 30 octobre 2010 à s.mechat chez free.fr

Anne-Claire Bonneville (MCF- Saint- Cyr –Coëtquidan)

Samia El Mechat (PR-UNS/IHTP)

Florence Renucci (CR- Lille2/CNRS)

Nathalie Rezzi (IUFM-Aix-en-Provence)


Page créée le vendredi 26 novembre 2010, par Dominique Taurisson-Mouret.


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